Drôle de mea culpa de Kadhafi

Il est rare qu'un leader arabe fasse son autocritique, même au bout de près de quatre décennies de règne sans partage. Nasser, seul, l'a faite et, chose rarissime, il avait même cru devoir tirer sa révérence, pour assumer les conséquences du cuisant échec essuyé au lendemain de la guerre des six jours. Sinon, tous les autres se croient toujours tellement et éternellement indispensables aux commandes qu'ils ont même innové, parfois, en imposant leur progéniture à leur succession, la mort ou la sénilité finissant par mettre un terme, malgré eux, à leur despotisme. Assad est l'un d'eux, qui sera probablement suivi de Mubarak et de Kadhafi, pour ce qui est des conjectures vérifiables.

Kadhafi est justement celui qui vient de faire son mea culpa, mais quel mea culpa ! Au nombre de ses seuls ratés, le bouillant lieutenant, qui s'est promu colonel dès le lendemain de son coup d'Etat lui ayant permis de déposer le roi Idriss, en 1969, ne retient que deux principaux échecs de son règne. Selon lui, certains des comités gouvernementaux, pour ne pas dire les ministères, n'ont pas joué le rôle attendu d'eux et se sont mêmes laissés gangrener par la corruption : ceux-là doivent disparaître, considère-t-il. Le système social, lancé en 1977 et portant son empreinte, est un échec ; il appelle une refonte complète, ajoute-t-il.

A part, donc, ces deux insuffisances, le guide libyen estime, apparemment, qu'il a régné en bon maître éclairé et juste, n'ayant rien à se reprocher qui contrevienne à la morale et au droit.

Evidemment, ni Hitler ou Mussolini, hier ; ni Videla ou Pinochet, dans un passé récent encore ; ni Kadhafi ou ses voisins maghrébins, aujourd'hui, à aucun moment, n'ont songé ou ne songeront, l'un comme l'autre, à reconnaître les excès, les errements, les abus, les dilapidations des deniers publics, les atteintes aux droits de l'homme, etc., dont ils se sont tous rendus coupables à différents degrés, au vu et au su de leurs concitoyens d'hier ou d'aujourd'hui.

Pour ne parler que de Kadhafi, qui s'est fait une belle étiquette de terroriste mondialement vomi pour ses actes criminels contre deux avions civils (Lockerbie et Ténéré au Niger), pour ne citer qu'eux qui sont à l'origine d'une tuerie de plus de cinq cents personnes innocentes, l'histoire, en tout cas, retiendra à coup sûr que pas même l'étude du Coran, constituant pourtant sa seule occupation tangible, n'a jamais eu raison de sa volonté inébranlable de sévir, de faire du mal, de frapper et même de tuer autour de lui. Passons encore sur ses extravagances, ses vanteries, ses rodomontades qui le font confondre avec des illuminés du genre Bokassa, Amin Dada, etc. !

En fin de compte, n'est-il pas à plaindre, si tant est qu'il existe un jugement dernier !