Drôle de fête nationale

C'est aujourd'hui que les Algériens devaient commémorer le 47è anniversaire de leur indépendance. Ils n'en ont finalement rien fait, leur esprit étant ailleurs.

Il est vrai que présentement l'Algérie, lotie dans le dernier quart des pays les plus arriérés de la planète, sombre toujours sous une dictature aveugle et digne du Moyen-Age. Une bande d'assoiffés de pouvoir s'est emparé des rênes du pays, dès l'indépendance, et entend les conserver à perpétuité. Pire, ce que l'on pouvait considérer comme un régime républicain en gestation tend à devenir une espèce de monarchie, puisque Bouteflika, le président actuel, entend transmettre ses pouvoirs à son fils Saïd, au mépris de la Constitution et des valeurs si chères aux combattants d'hier qui ont sacrifié leur propre vie pour venir à bout du colonialisme français.

Le peuple est désormais divisé en deux, la grande masse des miséreux dont les revenus leur permettent à peine de survivre, et le noyau de prébendiers enrichis par le régime qui s'appuie justement sur eux pour se pérenniser aux commandes du pays. Passé le cap de l'égorgement généralisé annoncé de manière prémonitoire par de Gaulle, l'on est en passe d'effacer deux décennies de massacres pour promouvoir des milliers de barbares au rang de dirigeants respectables et fréquentables.

Les jeunes, qui constituent pourtant l'avenir du pays, sont, eux, réduits à se jeter en mer dans des embarcations de fortune pour tenter de joindre l'autre rive de la Méditerranée, afin d'y sauver leur peau. Pour leur grande majorité, ils sont soit dévorés en mer par les requins, soit parqués dans des prisons en Europe en attendant leur renvoi vers le pays, où les attend la geôle pour de longues années.

Pendant ce temps, l'engeance au pouvoir s'accapare la rente pétrolière, s'empare des biens du peuple et règne en maîtresse, avec le concours de services de police corrompus et asservis.

Qui eût dit, en 1962, que l'Algérie tomberait si bas 47 années plus tard ?

Pourtant, Bouteflika n'a annulé qu'en dernière minute le discours qu'il se proposait de lire aux Algériens pour leur annoncer sa nouvelle supercherie de réconciliation nationale généralisée. Il voulait, sans doute pour tenir son engagement envers les barbares islamistes, asseoir les bases de leur retour sur l'échiquier politique duquel ils ont été chassés en 1991.

Pourtant aussi, Khalida Messaoudi, la ministre de la Culture, n'est pas restée inactive à l'occasion de cette commémoration. Elle a invité des centaines voire des milliers d'Africains subsahariens à la fête dite de la culture.

Tout ce monde qui occupe les rues d'Alger, dans des chants et des danses folkloriques, est royalement reçu aux frais du contribuable algérien, incapable, lui, d'améliorer seulement son quotidien, quand il réussit péniblement à trouver un job rémunérateur.

Les généraux sont maîtres du pays et obéissent au doigt et à l'oeil du président, illégalement remonté désormais sur le trône pour cinq autres longues années, avant de passer le flambeau à son frère ou son fils que l'on dit adultérin. Ils s'enrichissent, font des affaires et assurent leur retraite dorée, à l'ombre des milliards reconvertis en devises qu'ils transfèrent en toute "légalité" hors du pays.

Curieusement, c'est aujourd'hui aussi que les journaux s'ouvrent sur un grave scandale de la police, un corps de l'Etat censé être propre et irréprochable. Un trafic, qui ne grandit ni ses principaux dirigeants ni le gouvernement lui-même, est mis au jour. Sans aucune honte, de hauts responsables sont accusés d'avoir maquillé les résultats sanctionnant la formation de commissaires de police principaux, rien que cela. Allez dire ensuite que ces derniers vont servir les besoins de la justice, eux-mêmes qui sont passibles déjà de prison !

L'on sait, à présent, pourquoi Bouteflika a annulé le discours qu'il s'apprêtait, avant-hier, à lire au siège du ministère de la Défense nationale. Sa mère était très souffrante ; elle a dû rendre l'âme dans la journée d'hier, puisque son enterrement a eu lieu aujourd'hui.

Devant une foule d'apparatchiks et de laudateurs, les obsèques de la défunte, née Mansouriah Ghezlaoui, qui bouclait ses 90 ans se sont déroulées dans la mi-journée au cimetière Zidek de Ben Aknoun, sur les hauteurs de la capitale.

Bouteflika était, semble-t-il, très affecté par cette disparition tragique.