Le 1er tour des législatives en France

Comme prévu, un raz-de-marée a donc déferlé dès le 1er tour en faveur du parti UMP, avec un taux de 43 % des suffrages, laissant le principal parti adverse, le PS, complètement abasourdi. On parle désormais d’au moins 450 sièges que détiendra le parti de droite, contre 100 à 140 pour ce dernier, qu’aurait particulièrement défavorisé un fort taux d’abstention.

Plus grave est encore la dégelée subie par François Bayrou, dont le nouveau parti, le Mouvement des démocrates (Modem) devra se contenter de 1 à 4 sièges, au plus, l’essentiel de ce que furent ses partisans s’étant désormais rangé en marge de l’UMP, sous une étiquette encore informe de Nouveau centre. Bayrou lui-même est en ballotage, certes favorable, dans les Pyrénées-Atlantiques, mais l’ensemble de ses amis, excepté Cavada, ont été éliminés de la course. Autant dire que les 6,8 millions de suffrages récoltés aux Présidentielles se sont eux-mêmes volatilisés.

Les extrêmes, tant à droite qu’à gauche, n’ont de même pas été épargnés : ils sont devenus tout simplement quantité négligeable désormais. Ainsi, le FN s’est effondré même sur ses terres d’élection et seule Marine Le Pen a réussi à passer le cap du 1er tour pour affronter Albert Facon, légèrement plus avantagé qu’elle, avec 28, 24 % contre 24.47 %).

Il faut dire que la stratégie de Sarkozy, s’ouvrant à la gauche et au centre d’où il a ramené quelques ministres et secrétaires d’Etat a vraiment payé, produisant surtout l’implosion de la gauche, laquelle ne réussit jamais, même dans les moments les plus difficiles, à se souder, sauf à s’ouvrir à des querelles de clocher. De plus, la gauche, et Mitterrand le reconnaît lui-même, dans son ouvrage Ma part de vérité, n’a jamais gouverné à gauche pour prétendre s’appuyer sur des électeurs de gauche.

Avec une majorité aussi écrasante, Sarkozy n’aura donc même plus besoin d'appoint sur ses extrémités pour faire passer les projets de loi de son choix. C’est le jeu bien sûr de la démocratie. Mais une démocratie de cette nature, qu’ambitionnait de réformer, à juste titre, Bayrou, contient, elle aussi, des germes de dictature que Sarkozy saura sans doute mettre à profit dans le sens de ses propres desseins.

C’est quand même le comble que le centriste Bayrou n’ait réussi, au 1er tour, à se faire lui-même élire dans sa circonscription. Voilà un homme, que près de 7 000 000 d’électeurs ont investi de leur confiance aux élections présidentielles, qui se retrouve, non seulement entre deux eaux – parce que rien n’est sûr qu’il gagnera au 2e tour -, mais désormais isolé, abandonné de ses propres et principaux amis, sur lesquels il avait pourtant fondé tant d’espoirs et de certitudes. Ces derniers, appâtés sans doute par les portefeuilles ministériels offerts, auront donc abandonné le bateau en pleine mer, le mettant au gré du vent et de la tempête, sans le moindre égard pour son capitaine.

Il en est ainsi de la vie des hommes et du parcours bien souvent hypothétique d’un grand nombre d’hommes politiques de premier plan. A l’annonce de la destitution de Khroutchev, de Gaulle avait eu cette réflexion mémorable, qui en dit long sur l’ingratitude humaine :"On l’a limogé salement. C’est moche. Un gouvernement ne se conduit pas ainsi à l’égard de son chef… C’était un visage assez sympathique. Ce n’était sans doute qu’un visage. Il n’en est pas moins désagréable d’avoir affaire à un régime dont le chef est présenté comme un demi-dieu et, du jour au lendemain, traité de tête de linotte ou de pantin lamentable."

J’abonderai dans le même sens, en ajoutant, sans autre commentaire, cette remarquable citation - citée quelque part par Akhroub - de Maurice Barrès, piquée de l’ouvrage "Leurs figures", page 307 :

"La politique est le dernier des métiers ; les hommes politiques, les derniers des hommes."

En tout cas, le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, s’est tiré d’affaire avec au moins 1 % des voix dans plus de cinquante circonscriptions ; ce qui l’assure d’une aide publique annuelle pendant toute la mandature de la nouvelle législature.

Ne manquant pas d’idées pour faire avancer les choses, ce leader ambitionne de regrouper les militants et autres syndicalistes non organisés dans les usines et les cités pour renforcer sa résistance contre les excès de la droite.

L’émiettement de la gauche, qui se superpose à l’implosion du PS, constitue en effet un grave danger menaçant sa propre survie sur l'échiquier politique, contre lequel Besancenot, en particulier, tentera désormais de s'opposer. D’autant plus que l’autre grande figure de l’extrême gauche, Arlette Laguiller, s’est déclarée partante de la direction de son parti, Lutte ouvrière, Besancenot devra être sur la brèche quasiment en permanence, et avec ses maigres moyens du bord, en face de mastodontes de toute la droite réunie en bloc derrière Sarkozy.

Et comme tout indique que les Français vont incessamment entrer dans une zone de turbulences inédites, avec la vague de grèves en perspective, la contestation active des mesures annoncées au détriment des travailleurs et des petites gens, l'opposition à l’alignement projeté sur les thèses extrémistes des USA, etc., Besancenot et ses camarades auront beaucoup de pain sur la planche, même si dans une grande mesure l’occupation de la rue restera l’apanage des seuls syndicats et de leurs adhérents.