Bouteflika, drôle d'exemple !

A l’occasion de son déplacement à Tamanrasset, le président algérien, Bouteflika, vient de mobiliser, en sus de 5000 policiers, les forces aériennes, pour assurer sa protection contre le terrorisme islamiste.

L’Algérie, il est vrai, a tellement d’argent à jeter par les fenêtres qu’elle s’est déjà permise, tout au long des premières années du mandat de Bouteflika, de couvrir la location des dizaines d’avions mis à la disposition de ce dernier pour le porter d’un bout à l’autre du monde. N’oublions pas qu’il se livrait alors à une campagne de relations publiques destinée, soi-disant, à améliorer l’image extérieure de l’Algérie et rendre la dignité à ses coreligionnaires qui se trouvaient alors rejetés de partout. N’oublions pas, non plus, que l’Algérie elle-même était devenue infréquentable, tant le terrorisme des années quatre-vingt-dix avait fini par faire se replier l’ensemble des étrangers qui y vivaient.

Le renchérissement du pétrole aidant, l’on a même invité dans le pays, à coups de millions de dollars, des chanteurs et chanteuses moyen orientaux pour venir divertir quelques centaines de fans de musique orientale et l’on a aussi organisé, à coups d’autres millions, l’année de la culture arabe, pour financer réceptions et autres manifestations folkloriques d’un caractère frisant l’indécence, surtout si l’on sait le nombre de « harragas » ayant perdu la vie au cours de cette seule année 2007 tandis qu’ils naviguaient en direction de cieux plus cléments.

Bouteflika peut donc librement, avec toute sa smala, se rendre à l’autre bout du pays pour inaugurer des réalisations de pacotille ; il ne se trouvera d’ailleurs personne pour l’en empêcher. L’Algérie n’est pas la France a fortiori gaullienne qui, dès les premiers abus de son mentor, avait soulevé des montagnes de protestations populaires, bien que de Gaulle fût paradoxalement l’un des rares présidents ayant poussé l’honnêteté jusqu’à refuser de se servir, entre autres, du téléphone pour des besoins personnels. Mais, ne mélangeons pas les choses : il appartenait, lui, à une autre époque, celle de la rigueur et de la droiture qui font tant défaut à l’Algérie...

Bouteflika, à Tamanrasset, à l'autre bout du pays donc, où il vient de passer, hier, sa deuxième et dernière journée avant de rejoindre Alger, a engagé précocement sa campagne pour les élections présidentielles de mai 2009.

Ses services de propagande étaient à l'oeuvre pour attiser les foules à pousser des vivats et scander des mots d'ordre à la gloire du troisième mandat brigué par Bouteflika.

Ce dernier en avait profité pour serrer des mains dans la foule qui se pressait autour de lui, pour la saluer. Ainsi ragaillardi, il est allé jusqu'à déclarer, faisant montre par ailleurs d'une santé retrouvée : "Les choses sont claires", pour attester en même temps de sa disposition à repartir à la conquête d'El-Mouradia, autrement dit du siège de la présidence de la République.

Dans cette optique, d'autre part, il n'avait pas cessé de haranguer les différents responsables en charge de la réalisation de projets culturels et sociaux, allant jusqu'à intimer à leur hiérarchie l'ordre d'achever les travaux dans les délais les plus courts possibles ne dépassant pas en tout cas l'année 2008. Il n'a même pas hésité à les menacer de confier à des étrangers les travaux accusant un retard inacceptable.

A Tamanrasset, Bouteflika a visité, semble-t-il, quelques projets en voie de réalisation. Il a même décidé d'une rallonge budgétaire de quelques 4,25 milliards de dinars pour équiper cette wilaya très vaste et surtout fort enclavée à l'extrême sud du Sahara. Une piscine, une polyclinique, une salle omnisports, des logements, un siège de daïra et un autre de la protection civile sont au nombre des nouveaux projets auxquels se destine en principe cette rallonge.

Selon El-Watan, qui publie l'information, cette grande mais néanmoins peu peuplée wilaya - quelques 200 000 âmes seulement la composent -, aura donc été créditée d'un budget de développement cumulé voisin de 50 milliards de dinars, en l'espace d'une décennie. C'est un chiffre apparemment très élevé ne s'inscrivant dans aucune règle de proportionnalité par rapport aux allocations budgétaires d'équipement habituellement destinées aux autres wilayas.

Car, à sa décharge, la wilaya de Tam, distante de plus de 2000 km de la capitale, souffre sans conteste d'un problème épineux et devenu quasiment insoluble depuis que les systèmes de péréquation des prix, jadis applicables à l'échelle nationale, ne sont plus de mise aujourd'hui. Cela a pour corollaire premier de multiplier quasiment par deux les prix des produits de toute nature qui y sont consommés, à cause des coûts prohibitifs du transport, et de leurs répercussions inévitables sur les salaires, qui grèvent fortement les prix de revient. Tam vit quasiment, à tous points de vue, sur le dos des wilayas du nord : du lait jusqu'aux légumes les plus divers, du ciment jusqu'aux produits de peinture, en passant par les textiles, les articles ménagers, etc., tous les besoins humains proviennent intégralement du nord, d'où ils sont acheminés exclusivement par route, faute de voie ferrée.

La wilaya de Tam se résumant, enfin, à quelques rares localités sans envergure et très éloignées l'une de l'autre, qui ne produisent strictement rien, malgré pourtant un climat très clément, particulièrement au niveau du chef-lieu, reste une région frontalière ne recevant que des migrants subsahariens de passage ou de rares touristes européens attirés par quelques curiosités spécifiques à son propre environnement. Aujourd'hui, il y a, bien sûr, la découverte de gaz naturel à Aïn Salah qui annonce quelques perspectives prometteuses particulièrement au plan de l'emploi, et donc de la résorption du chômage local, mais il reste fort à faire pour y fixer durablement les jeunes et les intéresser au développement de leur région.