clesnes.blog.lemonde.fr - 3.03.2012
Tous les spécialistes du Moyen Orient ont lu de très près l'interview du président Obama au magazine Atlantic. Ils y voient la teneur du discours qu'il doit tenir dimanche devant l'AIPAC, le lobby pro-israélien aux États-Unis.
De l'avis général, c'est l'avertissement le plus clair à ce jour. Barack Obama "recrédibilise la menace militaire", analysent les experts.
En faisant comprendre aussi clairement que les États-Unis détruiront si nécessaire la bombe iranienne, il change d'approche. Jusqu'ici, les Occidentaux poursuivaient deux voies parallèles: dialogue et sanctions. Là, Obama en ajoute une troisième: sanctions, dialogue, et si ça ne marche pas, les frappes.
C'est un cran avant l'ultimatum, dit un expert. Si l'Iran n'est pas impressionné, Obama "devra y aller".
Certains pensent que c'est bien joué. À court terme, Obama se libère de la pression exercée par Netanyahou qui vient à Washington avec sa liste de demandes de "lignes rouges" et de conditions aux négociations.
Or, l'objectif des États-Unis est de "gagner du temps", comme l'a (imprudemment?) confié le conseiller diplomatique du vice-président, Antony Blinken (vu les élections en Iran et la fête de Nowrouz, les Occidentaux ne pensent pas répondre avant plusieurs semaines à l'offre iranienne de reprendre les négociations).
En annonçant que les États-Unis détruiront les sites, Obama coupe l'herbe sous le pied de Netanyahou et reporte la pression sur lui. Le premier ministre israélien pourra difficilement faire accepter à son opinion qu'il "y va" seul, alors qu'il a obtenu une demi-garantie des États-Unis.
Sur le plan intérieur, Obama se dédouane de ne pas être assez faucon sur l'Iran, et d'une manière qui pourra peut-être tenir jusqu'aux élections de novembre.
Le candidat républicain Rick Santorum, interrogé sur l'interview à l'Atlantic, s'est félicité du ton du président. Avant d'ajouter immédiatement: "j'aimerais voir des signes prouvant qu'il ne bluffe pas".
Les républicains reprochent à l'administration Obama son "outing" d'Israël (le mot est de Santorum): c'est à dire la manière dont les Américains - ministre de la défense en tête - ont fait savoir à leurs alliés et à la presse que les Israéliens se préparaient à frapper au printemps et qu'ils avaient le plus grand mal à les retenir.
Quelques notes discordantes. Steve Clemons reproche à Obama de courtiser de manière éhontée "la communauté pro-israélienne" aux États-Unis (expression du président lui-même) et de se plaindre d'être aussi mal aimé en Israël (quoi que moins qu'avant, quand même) malgré toutes ses preuves de soutien.
Globalement, l'exaspération commence à monter parmi les commentateurs américains pour l'arrogance avec laquelle Netanyahou traite le président des États-Unis...
(http://clesnes.blog.lemonde.fr/2012/03/03/obama-sengage-a-detruire-la-bombe-iranienne/)