Le Point.fr - 25/04/2012
par Armin Arefi
Pour la première fois, des responsables israéliens en exercice affirment que l'Iran n'a pas décidé de se doter de la bombe atomique.
Le risque de frappes israéliennes contre les sites nucléaires iraniens n'a jamais semblé aussi loin. Après les services secrets américains et israéliens, c'est au tour d'actuels responsables de l'État israélien en exercice de clamer que l'Iran n'a pas décidé de se doter de la bombe atomique. Dans une interview au quotidien israélien Haaretz daté de ce mercredi, le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Benny Gantz, rompt avec la rhétorique habituelle des dirigeants israéliens en affirmant que les responsables iraniens ne décideront pas de franchir le dernier pas pour la production d'armes nucléaires.
"On peut dire qu'il s'agit d'une nouveauté", affirme Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au centre interdisciplinaire de Herzliya (Israël). "Jusqu'ici, les dirigeants israéliens préféraient parler de risque imminent concernant le nucléaire iranien." "Si le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, le veut, son pays ira de l'avant dans l'acquisition de la bombe atomique, mais la décision doit être prise en premier", ajoute toutefois le militaire.
Des dirigeants iraniens "très rationnels" (chef de Tsahal)
En d'autres termes, l'Iran continue d'enrichir de l'uranium à 3,5 %, ainsi qu'à 20 %, ce que lui autorise le Traité de non-prolifération nucléaire dont il est signataire (contrairement à Israël, à l'Inde et au Pakistan, NDLR). Mais la République islamique n'a pas pris la décision d'enrichir à 90 %, seuil auquel elle pourrait rapidement accéder et qui lui permettrait une utilisation militaire de l'uranium. "Je pense qu'il s'agirait d'une énorme erreur et je ne pense pas que l'ayatollah Khamenei voudra franchir ce pas supplémentaire", souligne le général Benny Gantz à Haaretz. "Les dirigeants iraniens sont composés de gens très rationnels."
Des propos qui tranchent avec les traditionnelles déclarations des dirigeants israéliens affirmant que le compte à rebours est lancé avant que les ayatollahs n'envoient sur l'État israélien leurs bombes atomiques. Néanmoins, le chef d'état-major admet qu'une "telle capacité nucléaire dans les mains de fondamentalistes islamistes, qui pourraient à un certain moment se livrer à d'autres calculs, est dangereuse".
Changement de stratégie
Pour le chercheur Ely Karmon, l'annonce israélienne est "peut-être le signe que les Israéliens sont en train de se ranger sur la position américaine". Même s'il rejette catégoriquement la possibilité d'une République islamique nucléaire, Barack Obama assure que la diplomatie a encore une chance en Iran. C'est dans cette optique qu'il a accueilli en mars dernier à Washington le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, afin de le dissuader de procéder à des frappes préventives sur les sites iraniens. C'est également dans cette perspective qu'a été organisée, il y a deux semaines à Istanbul, la "réunion de la dernière chance" entre les grandes puissances et l'Iran, censée convaincre Téhéran de renoncer à la bombe.
Dans les faits, cette rencontre n'a abouti qu'à l'organisation d'un second round de discussions, le 23 mai prochain à Bagdad. Mais elle a eu le mérite de rétablir un semblant de contact entre les deux parties... et de retarder une éventuelle attaque israélienne. Car c'est le second enseignement du jour. En février dernier, le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, évoquait sa crainte de voir Israël attaquer l'Iran au printemps, "en avril, mai ou juin", disait-il. Aujourd'hui, "les déclarations israéliennes impliquent qu'il n'y aura pas d'interventions israéliennes sur les sites iraniens, au moins dans les prochains mois", note Ely Karmon.
La place aux sanctions
Surtout que le chef de Tsahal n'est pas le seul à écarter le risque d'une bombe iranienne. Toujours ce mercredi, le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, très proche du Premier ministre, Benyamin Netanyahou, sur ce dossier, a lui aussi estimé que l'Iran n'avait "pas encore décidé de produire de bombes atomiques", dans une interview à la radio publique israélienne. Interrogé sur l'effet des sanctions internationales, le ministre israélien de la Défense estime que "si les Américains, les Européens ainsi que nous-mêmes sommes déterminés, il y a une chance d'arrêter les Iraniens avant qu'ils ne parviennent à l'arme atomique", rejetant implicitement la possibilité d'une attaque prochaine sur l'Iran.
"Ces annonces peuvent avoir une signification importante et témoigner d'un certain changement de la stratégie israélienne sur le nucléaire iranien", suggère Ely Karmon. À moins qu'elles ne servent qu'à relâcher provisoirement la pression sur la République islamique pour mieux l'attaquer par surprise. C'est ainsi que l'armée israélienne a bombardé le réacteur nucléaire irakien d'Osirak en 1981, mais aussi le réacteur syrien d'Al-Kibar en septembre 2007.
(http://www.lepoint.fr/monde/israel-ecarte-le-risque-d-une-bombe-iranienne-25-04-2012-1455009_24.php)