Tant au Caire que dans d'autres agglomérations importantes du pays comme Alexandrie, Suez, etc., des dizaines de milliers de manifestants ont pris aujourd'hui possession de la rue sitôt la prière du vendredi achevée.
Bravant l'interdiction annoncée dès hier soir par les autorités ainsi que la menace de sanctions pénales à l'endroit des récalcitrants, et en dépit du blocage des réseaux de téléphonie mobile et des réseaux sociaux d'Internet comme Facebook, Twiter, etc., les Égyptiens en colère contre Mubarak ont affronté partout les forces de police qui ont fait abondamment usage de canons à eau et de balles en caoutchouc. Aux cris de "Mubarak dégage", ils ont scandé des slogans hostiles à ce dernier.
La situation était telle dans l'après-midi que le couvre-feu à compter de 18 h a été décrété et que l'armée a été appelée à la rescousse. Cette dernière, appuyée d'autos blindées et de chars, occupe ce soir les rues sans pour autant parvenir à faire respecter le couvre-feu instauré. Des milliers de manifestants continuent toujours d'occuper la rue, incendiant par ci un commissariat de police par là un siège du Parti au pouvoir contrôlé par le fils de Mubarak.
On déclare jusqu'ici 1 mort du côté de Suez, soit 8 au total depuis mardi à l'échelle de tout le pays, mais 876 blessés - selon un bilan médical - principalement dans le camp des manifestants qui se servent de pierres et quelquefois de cocktails Molotov pour ralentir les charges des forces de police.
Mubarak, qui a quitté la capitale et s'est installé à Charm-el-Cheikh, une station balnéaire sur le Sinaï, semble être plutôt déstabilisé par les événements puisqu'il a fait intervenir l'armée pour la première fois de l'histoire tunisienne de ces dernières décennies. Pendant que des observateurs s'interrogent sur le rôle attendu de l'armée, des rumeurs font état de l'imminente intervention de Mubarak à la télévision. Aussi, se demandent-ils si ce dernier ne fera pas les mêmes concessions désespérées que Ben Ali avant sa chute.
Quant à El-Baradei, le seul candidat crédible pour assurer la relève du dictateur en place, il a été placé ce soir en résidence surveillée après avoir été filé par des limiers durant tout son parcours parmi les manifestants.
Washington comme Bruxelles demeurent toujours dans l'expectative, se refusant d'employer un ton plus dissuasif à l'égard du Caire par crainte de voir l'Égypte basculer dans une situation inextricable que les islamistes, en particulier, rêvent d'exploiter à leur profit.