TSA - 29.02.2012
par Ratiba Bouadma
Un million d’habitations inoccupées, logements sociaux attribués à des non‑nécessiteux, familles vivant dans des garages ou entassées dans de petits appartements, corruption et passe‑droits dans la distribution de logements sociaux, envolée des prix des loyers… Ce sont les principales conclusions de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement convenable, Raquel Rolnik, consignées dans son rapport sur le logement en Algérie.
Le rapport, établi après une visite de la rapporteuse onusienne en Algérie en juillet 2011, pointe du doigt la politique gouvernementale du logement. « La politique algérienne du logement n’est pas étudiée », selon le rapport qui relève l’énorme différence entre l’offre et la demande sur le logement en Algérie.
Dans la capitale, un tiers de la population a introduit une demande pour bénéficier d’un logement entre 1999 et 2010, indique le rapport, dont TSA a obtenu une copie. Mme Rolnik reconnaît les efforts du gouvernement depuis 1999 pour réduire la crise du logement mais elle met en cause la faiblesse des politiques suivies pour y parvenir. Elle a constaté durant sa visite en Algérie l’énorme souffrance des Algériens pour accéder à un logement convenable, selon le rapport. Le marché de l’immobilier est difficilement accessible à la majorité de la population en raison de la spéculation et des prix prohibitifs des loyers qui ont été multipliés par cinq entre 2005 et 2010, ajoute la même source. Paradoxalement, c’est durant cette période qu’un grand nombre de logements lancés par le gouvernement ont été construits.
40 % des logements sociaux attribués à des jeunes de moins de 30 ans
Raquel Rolnik critique les commissions de daïra chargées de distribuer les logements sociaux et la marginalisation de la société civile et de la population dans l’établissement des politiques de logement. « Ces commissions ne disposent pas de toutes les prérogatives pour distribuer le logement, ce qui favorise la corruption et les passe‑droits », rapporte Raquel Rolnik qui s’inquiète de la non‑prise en charge par les autorités des recours introduits par les demandeurs de logement. L’affichage des listes de bénéficiaires de logements sociaux a souvent été suivi d’émeutes et de protestations, ce qui témoigne de l’absence de confiance entre la population et les autorités, ajoute le rapport.
Mme Rolnik relève dans son rapport le développement du marché noir de la location illégale des logements sociaux et des logements sociaux participatifs. « Des logements sont attribués illégalement à des personnes inéligibles. Ensuite, ils sont vendus à des prix exorbitants ou loués au noir », ajoute le rapport qui précise que 40 % des logements sont attribués à des demandeurs âgés de moins de 30 ans alors que ceux âgés de 35 à 50 ans sont dans un besoin de logement plus impératif et sont plus nombreux à le solliciter. « 46,14 % des demandeurs de logements sont âgés entre 35 et 50 ans et seulement 9,07 % des demandeurs ont moins de 30 ans », selon le rapport.
Plus inquiétant, la majorité des bénéficiaires de logements sociaux ne paient pas les loyers. Raquel Rolnik affirme dans son rapport, citant les autorités, que 14 % des logements en Algérie ne sont pas occupés, ce qui équivaut à un million d’unités. Elle relève l’absence de statistiques sur la demande réelle de logements et déplore les conditions de vie difficile de nombreuses familles qui vivent dans des quartiers dépourvus de toutes les commodités, dans des garages, des chambres d’hôtel ou entassées dans de petits appartements. Elle a également remarqué que des familles continuent à occuper des chalets attribués aux sinistrés du séisme qui avait frappé la région d’Alger en 2003.