Le P.S. est dans la tourmente

Fortement déstabilité par les toutes premières défections enregistrées dans ses rangs, dès l’élection de Sarkozy à la présidence de la République, le Parti socialiste tente, depuis, contre vents et marées, de contenir la pression exercée avec opiniâtreté sur son encadrement.

L’un après l’autre, quasiment tous les hommes de premier plan, vers lesquels Nicolas Sarkozy avait adressé un clin d’œil, ont saisi la balle au bond et se retrouvent aujourd’hui impliqués dans le gouvernement actuel ou les institutions contrôlées par la majorité.

Le dernier en date, Jack Lang, l’une des principales têtes pensantes les plus en vue au P.S., au parcours indéniablement sans taches, se trouve aujourd’hui ballotté entre le devoir sincère, sans doute, de rester arrimé au parti, et la tentation de jouer un rôle important dans le gouvernement de Fillon.

Et c’est là peut-être la goutte qui fait déborder le vase. On pouvait fort bien s’accommoder du ralliement d’un Bernard Tapie, au passé tumultueux ayant d'ailleurs entaché son casier judiciaire, ou d’un Bernard Kouchner, que j'appellerai la "vedette" un peu "frivole" du parti, qui s’était même démarqué de la position officielle de la France, lors de l’agression de l’Irak, lui préférant celle inverse d’un Alfred Lellouch allant offrir ses services à Bush, ou encore d’un Besson qui avait pris de longue date déjà ses distances de Ségolène Royal pour refuser de la soutenir, mais pas d’un Jack Lang, pilier incontesté du P.S.

Aussi, la mise en garde à lui adressée par le chef du groupe parlementaire du parti, Jean-Marc Ayrault, ne pouvait être plus explicite. "Il faut de la clarté", exige-t-il, avant de déconseiller à l’ancien ministre de l’Education nationale de "se fourvoyer dans une aventure individuelle".

Scandalisé, Jacques Lang s’en rapporte au chef du parti, François Hollande, pour "désavouer les propos d’Ayrault et exprimer sa solidarité…" Poussant plus loin son coup de gueule, Lang revendique sa liberté et menace de se retirer de l’exécutif du parti. "Je m’interroge sur ma participation au secrétariat national", finit-il par avouer. Lui qui trouve en tout cas : "très positive la réforme des institutions", considère peut-être que : "c’est terminé", pour le parti socialiste, et qu’il est temps pour lui-même de se reconvertir, puisqu’il "trouve scandaleux de stigmatiser l’éventuelle participation de tel ou tel d’entre nous à une mission d’intérêt public".

Décidément, Sarkozy n’aura pas fini de nous étonner, en fondant le succès de son projet de gouvernement sur la nécessaire dislocation préalable des forces adverses, moyen le plus sûr de disposer des coudées franches pour imposer ses vues.

Poursuivant son action de « démantèlement » du parti de François Hollande, le président Sarkozy a annoncé qu’il soutiendrait la candidature de Strauss-Kahn à la direction générale du F.M.I.

Après Besson, Tapie, Kouchner, Lang, Valls, le tour de Strauss-Kahn, l’un des mastodontes les plus en vue au P.S., est venu de décider s’il reste amarré au parti, sachant pertinemment que rien ne se dessine à l’horizon susceptible de lui redonner espoir de rebondir au-devant de la scène politique, ou s’il préfère abandonner le bateau en perdition pour aller sonder d’autres eaux plus poissonneuses qui renfloueraient au moins son portefeuille de simple professeur d’université. Car le F.M.I. est une grande institution internationale pérenne et solide où il trouvera sans nul doute une rémunération à la hauteur des lourdes responsabilités que pèseront sur ses épaules. Du coup, il s’isolera aussi tout à fait de la politique intérieure française, pour laisser, de son côté, les mains libres à Nicolas Sarkozy de régner sans crainte d’avoir à redouter en permanence les piques acérées de cet économiste de haut vol.

Sachant de plus que le même poste pourrait être le cas échéant attribué à son rival des dernières élections présidentielles, Laurent Fabius, il y a fort à parier que Dominique Strauss-Kahn, qui "marche la main dans la main" avec Sarkozy, selon les propres termes de ce dernier, ne manquera pas de saisir une offre aussi alléchante.

Nous saurons, sans nul doute demain, quelle suite lui aura-t-il réservée en fin de compte.

Nicolas Sarkozy vient de confirmer au Journal du Dimanche sa décision de proposer à la direction du FMI, Dominique Strauss-Kahn.

Plus malicieux, on ne peut l’être comme le président français qui a, en plus, la répartie toujours prête et déroutante : "Je devrais priver la France de sa candidature parce qu’il est socialiste ? Comment serais-je le Président de tous les Français si je raisonnais comme ça ? Je n’ai pas demandé à Dominique Strauss-Kahn de ne plus être socialiste. Le président de la République doit rassembler."

Il insiste aussi à propos de Jack Lang dont il veut obtenir le concours dans le cadre de la commission, à la présidence de laquelle Balladur a été désigné, et qui est appelée à plancher sur la réforme des institutions politiques françaises. "Au nom de quoi devrais-je me priver de sa réflexion ? Sous le seul prétexte que cela déplaît à M. Ayrault" ?

Et Sarkozy n’entend pas limiter ses offres à ces seuls hauts dignitaires du P.S. Il veut aussi engager, aux côtés de Jack Lang, de hauts fonctionnaires ayant servi sous les gouvernements de gauche, comme Olivier Schrameck, ancien directeur du cabinet de Lionel Jospin à Matignon et Guy Carcassonne, ancien conseiller de Michel Rocard, également à Matignon.

Autour de ces derniers, d’autres personnalités de droite et du centre sont déjà pressenties, à l’exemple de Jean-Louis Bourlanges de l’UDF et Pierre Mazeaud, de l’UMP, et ancien président du Conseil constitutionnel.

Ladite commission est appelée à se mettre en route dans les 15 jours prochains, a décidé Sarkozy, qui entend voir la réforme souhaitée mise au point au plus tard à la fin de l’année, sinon en janvier.

Maintenant qu'on considère quasiment retenue, et plutôt bienvenue à l’échelle des 27 pays de l’U.E., la candidature de Strauss-Kahn au F.M.I., le P.S. n’a d’autre problème plus prioritaire et urgent à régler que celui de Jack Lang, pressenti par le président de la République pour rejoindre l’équipe constituée dans le cadre de la Commission chargée de réfléchir à la réforme des institutions et présidée par Edouard Balladur, ancien Premier ministre.

Le P.S. , pour couper court à toute nouvelle approche de Sarkozy sur les membres de l’encadrement du parti, vient de prendre une décision, adoptée à l’unanimité, qui sanctionne désormais tout manquement à la discipline interne : "Toute personne qui choisira de participer à une commission le fera à titre personnel et sera suspendue des instances du Parti socialiste". En l’espèce, c’est pour l’instant Jack Lang, seul, qui est visé à travers ce texte. Il faut se rappeler qu’au moins six personnalités du parti ont écouté, jusqu’ici, le chant des sirènes : Eric Besson, Martin Hirsch, Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, Fadela Amara et Jean-Pierre Jouyet.

Non pas que le P.S. veuille priver ses éléments d’apporter leur obole à la conduite des affaires publiques, même si elles sont réservées pour l’essentiel à la droite, mais il s’estime seul à même de faire le choix des hommes à détacher pour des missions d’intérêt public, sous réserve toutefois que la demande lui en soit exprimée directement par le gouvernement, et que les hommes choisis défendent les positions et propositions du parti.

Tous ces tiraillements ne sont pas sans rappeler, écrit Le Monde d’hier, les écarts relevés précisément parmi les propositions exprimées durant la campagne de Ségolène Royal de celles arrêtées officiellement par le parti.