Le procès engagé contre Dominique de Villepin est encore loin du verdict

Dès l'ouverture du procès, le prévenu, appelé à la barre, s'est insurgé contre ce qu'il appelle le harcèlement dont il est victime de la part de son adversaire, Sarkozy, qui profite, a-t-il souligné, de ses fonctions pour influer sur la justice.

Dans la réplique que lui a adressée Sarkozy, lors de son interview télévisée, celui-ci a commis l'imprudence - soit par lapsus, soit que sa langue lui a fourché - de désigner de Villepin sous le vocable de coupable, dans l'affaire qui l'oppose à lui.

Du coup, dans tous les milieux politiques en France, une espèce de branle-bas s'est levé pour flétrir les propos inconsidérés du président de la République. D'autant plus qu'ils émanent d'un homme ayant exercé le métier d'avocat, donc de juriste capable de faire la différence entre prévenu et coupable, presque tous les commentateurs se sont indignés de les entendre de Sarkozy. Est présumé innocent tout prévenu, tant que la justice ne l'aura pas reconnu comme coupable, ne manquent-ils pas de rappeler, en vertu de la loi.

Y compris à droite et même dans les cercles de l'UMP, le parti majoritaire au pouvoir, l'on n'admet pas que la justice en soit ainsi indirectement instrumentalisée. Le sénateur Gérard Longuet s'est même fait fort de rappeler à ce sujet une anecdote remarquable constituant un précédent fâcheux : « J'ai un long souvenir, notamment de Michel Poniatowski, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur qui avait été menacé d'être renvoyé en Haute cour de justice pour avoir, en effet, présenté des prévenus pour des coupables », a-t-il déclaré en substance.

« C'est une connerie. C'est la deuxième fois que Sarkozy le fait » après l'épisode Colonna, où il avait qualifié « d'assassin » le tueur présumé du préfet Erignac avant son procès, a déploré un responsable de l'UMP, qui espère cependant que « ça ne va pas nous pourrir nos journées parlementaires » ", rapporte Le Figaro.

Un verdict de relaxe a été rendu aujourd'hui, dans le cadre de l'affaire Clearstream, en ce qui concerne Dominique de Villepin.

A moins que le parquet ne fasse appel de ce jugement dans les dix prochains jours, de Villepin est donc désormais lavé de toutes les accusations portées contre lui.

Déterminé à reprendre sa place en politique, et peut-être même à préparer sa candidature pour les prochaines élections présidentielles de 2012, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac annonce d'ores et déjà qu'il est prêt à se battre. Il laisse sous-entendre par là qu'il s'opposera sûrement à Sarkozy, qui ne manquera pas sans doute de convoiter un second mandat, le moment venu.

Ebranlé par une telle issue inattendue du procès, le mouvement UMP, qui soutient le président en exercice, commence à laisser paraître des lézardes en son sein. Certains députés s'en disent ouvertement insatisfaits, pendant que d'autres s'en félicitent.

A gauche, au PS, on estime que c'est là la faillite personnelle de Sarkozy, rendu coupable d'avoir instrumentalisé la justice pour régler des comptes personnels. Et l'on y applaudit même l'intention de Villepin de se remettre à la politique, pour accélérer la déconfiture du parti majoritaire.

Comme il fallait s'y attendre, notamment après la réaction de Sarkozy marquant son dépit, le parquet a décidé, ce matin, de faire appel du verdict concernant de Villepin. Le procès se rouvrira donc d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine, indique-t-on dans les milieux autorisés.

Le ministère public estime que s'il n'y a pas suffisamment de preuves pour condamner le prévenu, la relaxe prononcée est injuste.

De Villepin, ne mâchant pas ses mots, considère, lui, qu'il se profile derrière cette décision une espèce d'acharnement personnel de Sarkozy, qui profite de son statut actuel de président de la République pour régler ses comptes.

Au sein même de la majorité, l'on s'interroge sur les raisons d'être de la poursuite d'un procès mû apparemment par le seul désir d'écarter l'intéressé de la prochaine course présidentielle.

La classe politique, dans son ensemble, range en tout cas au nombre des abus intolérables une telle attaque contre de Villepin, qui ne grandit ni la majorité ni les institutions françaises.

Philippe de Villepin, ancien Premier ministre de Chirac, sera rejugé par la cour d'appel de Paris du 2 au 26 mai 2011, indique une dépêche AFP.

Le ministère public avait en effet fait appel du jugement rendu en première instance le 28 janvier 2010, ayant estimé injuste la relaxe prononcée.

Mes Olivier Metzner, Olivier d'Antin et Luc Brossollet se sont en tout cas réjouis "que ce soit la chambre naturelle de la cour qui traite cette affaire", et non une chambre financière spéciale comme l'avait un instant souhaité le président de la cour d'appel, Jacques Degrandi.

Nicolas Sarkozy, qui se disait victime de la manipulation, n'étant plus partie civile, ne sera donc pas représenté au procès en appel.