Que l'on dise du mal d'un responsable étranger passe en Algérie pour une chose toute naturelle ne méritant aucun commentaire. Mais qu'un étranger, en l'occurrence un Français, directeur de la concession automobile Diamal installée à Alger, le fasse en direction du président algérien suscite immédiatement des cris de révolte, déjà chez TSA, un journal électronique très bien lu en Algérie comme à l'étranger.
Ce Serge Gurvil, auteur d'une lettre adressée à sa hiérarchie, n'a pourtant dit que ce qu'il pensait vraiment de Bouteflika, en l'assimilant fort adroitement d'ailleurs à Don Corleone, le chef de la mafia sicilienne. Le propos peut paraître vexant, certes, mais il s'applique parfaitement au personnage en cause, dont les abus et autres dérives se passent de commentaires.
La chose qui chagrine encore est le tollé soulevé auprès des lecteurs de ce journal. Unanimement, les commentaires sont allés bon train pour dénoncer dans des termes les plus vifs de soi-disant insultes faites à ce potentat algérien.
Pour ces raisons, j'ai estimé de mon devoir d'y ajouter le commentaire qui suit, dans son intégralité.
*************************************************************************
Commentaire de Misguemas :
Bien au contraire, il faut plutôt rendre hommage à cet étranger, qui a au moins le mérite et l'honnêteté morale de dire ce qu'il pense et franchement. Il aurait sans doute paru suspect, s'il avait écrit l'inverse.
Faute par nous-mêmes de faire le nettoyage nécessaire, il n'y a rien d'anormal à ce que des observateurs étrangers nous rappellent périodiquement à ce devoir impérieux, dont dépendent étroitement les générations futures. L'Algérie, l'aurait-on déjà oublié, reste classée dans le peloton de queue des pays les plus mal gérés, les plus arriérés, les plus corrompus et surtout les plus dictatoriaux, à en croire les statistiques officielles rendues publiques tout récemment encore.
Abdiquant lâchement nos propres convictions, nos propres responsabilités, nous préférons nourrir, chacun en secret, le faux espoir de voir venir des étrangers pour nous tirer de notre torpeur, de notre sommeil, de notre mort latente. Nous voulons surtout nous décharger sur eux du soin de faire la sale besogne à notre place. Nous poussons même la bêtise et l'inconscience jusqu'à rêver d'une intervention musclée des grands de ce monde, sinon de l'ONU, pour nous délivrer de la tyrannie que nous avons pourtant dressée nous-mêmes, et que nous chérissons plutôt bien, jour après jour, au lieu de la dénoncer, de la combattre et de l'abattre carrément. A quoi bon d'ailleurs de désigner à la vindicte quelques voleurs au sommet de l'Etat, si l'ensemble des rouages est infesté de requins, de truands et d'ennemis publics tout juste bons pour la potence ?
Il faut dire, en vérité, que, comme enfants des générations post-indépendance, nous avons effectivement choisi d'être des incorrigibles beni-oui-oui, sinon des impotents, des lâches, des traîtres à la mémoire des centaines de milliers de martyrs qui ont sacrifié leur vie pour notre liberté. Enfin, nous sommes tellement dans l'erreur que nous ne pouvons pas même mobiliser "nos" parlementaires ou "nos" médias privés nationaux, en faveur d'une quelconque lutte hypothétique pour rétablir les choses dans le bon sens. Les premiers comme les seconds ayant bien compris, eux, que leur intérêt n'est sans doute pas dans la confrontation avec le pouvoir qui assure leur fortune, il est à craindre que ce qui reste de forces saines et vitales dans ce pays finisse lui aussi par se diluer et se perdre en pure perte.
L'histoire de l'Algérie est si pleine aussi de ces graves revers, tout aussi incompréhensibles que durables et inacceptables, que l'on a peine à entrevoir la sortie du tunnel à court ou à moyen terme. Peut-être, est-il dans notre propre nature que de fuir notre propre ombre !