Parce que, depuis la mort d'Omar Bongo, une certaine liberté de ton a été observée dans le journal qu'il dirige, Albert Yangari a été arrêté par la troupe sur la route et sommé, durant de longues heures d'interrogatoire, d'expliquer ses retournements.
Son journal, l'Union, qui, des décennies durant, par fidélité à l'ancien chef de l'Etat, lui arborait bruyamment son soutien inconditionnel, s'est retrouvé, en effet, versé dans l'opposition, avec l'avènement du nouveau régime.
Plus précisément, ce canard se serait notoirement distingué, ces dernières semaines, par le traitement équitable accordé à tous les candidats présents à la dernière élection présidentielle. Il n'avait donc pas favorisé le principal d'entre eux qui a été élu, Ali Bongo. De plus, l'Union a émis des critiques à propos des chiffres publiés au sujet du nombre de victimes tuées lors des manifestations de l'opposition à Port-Gentil. Produisant même des photos de douilles nombreuses trouvées sur le terrain des émeutes, douilles provenant, souligne-t-il, des munitions utilisées par l'armée, ce journal a ainsi contesté le chiffre de 3 morts annoncé par le pouvoir. Pour lui, ce chiffre reste nettement en-dessous de la réalité.
Les menaces directes faites par suite au journaliste qui a révélé ce mensonge montrent à quel point le président en poste entend donner le ton sur sa façon de se faire obéir.
Dans un sens, pour le journal en question, unique d'ailleurs dans le pays, il ne s'agit là que d'un juste retour des choses. Après avoir été longtemps le porte-drapeau d'un homme qui a brillé, d'autre part, par les graves détournements commis au préjudice du peuple, grâce auxquels la progéniture de Bongo trône aujourd'hui sur des dizaines de villas et d'appartements de luxe en France, il était grand temps que ce quotidien et son principal dirigeant fassent résipiscence. Mais, les Gabonais, eux, sauront-ils leur pardonner leurs errements passés ?