Dans l'esprit de ses initiateurs, la création, en 2005, du secteur "banque" au sein de la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA) devait répondre à un double objectif. D'une part, il fallait pourvoir au financement des semences qu'attendaient avec impatience les agriculteurs et petits fellahs. De l'autre, la réalisation d'usines d'emballages, dans la perspective de stimuler les exportations de produits agricoles, nécessitait des concours importants au plan financier que seule une banque pouvait dispenser. Aussi, la vocation agricole de la CNMA-banque se dessinait-elle dans une projection durable, appelée à un développement certain.
Néanmoins, se contentait-on de lui donner, dès le départ, un caractère expérimental, duquel dépendrait, en cas de succès, une plus large expansion à l'échelle nationale. Le délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF), Abderahmane Benkhalfa, ne s'y trompait d'ailleurs pas en annonçant, lors de son démarrage, que c'était là une première expérience de mutualité bancaire en Algérie, dont il importait de souligner la place considérable qu'elle pourrait occuper dans le cadre du développement de l'agriculture dans le pays.
Malheureusement, au terme de deux années seulement d'activité de cette banque, le gouvernement vient, non sans raison, de mettre un terme à une expérience plutôt négative, y compris pour sa filiale Salem, spécialisée dans le leasing. L'organisme financier mort-né aurait en effet fait preuve de graves dérives dans la gestion des fonds publics mis à sa disposition. Un gros portefeuille de créances irrécouvrables, des crédits distribués avec légèreté, des abus les plus divers ont été constatés, qui interpellent les pouvoirs publics à l'effet de faire cesser ces déprédations inacceptables. Les agriculteurs remplissant honnêtement leurs engagements en sont, bien sûr, les premiers à en pâtir, et par voie de conséquence la production agricole nationale elle-même.
Le secteur banque de la CNMA est, donc, désormais dissous. Et tout semble indiquer que des poursuites judiciaires seront même engagées contre les gestionnaires mis en cause dans ces dilapidations aussi répréhensibles qu'attentatoires à l'économie nationale.
Une fois de plus, c'est tout le secteur agricole, intimement dépendant de l'aide bancaire pour son développement et même pour son fonctionnement, qui en est gravement affecté. Et l'on sait que toutes les tentatives opérées jusqu'ici par ses différents responsables successifs pour tenter de lui rendre vie et le projeter dans une perspective d'épanouissement se sont, jusqu'ici, toutes révélées vaines et sans lendemain. En dépit même des pressions exercées régulièrement sur ces responsables par le premier magistrat du pays, rien de positif n'a résulté en définitive de leurs cogitations et moins encore de leurs entreprises plus ou moins maladroites, hasardeuses ou simplement insuffisamment réfléchies. Echec après échec, l'agriculture algérienne a été et restera apparemment en marge des attentes du citoyen et de l'économie nationale. Vaille que vaille, le pays devra, au grand déplaisir de ses argentiers, continuer pour longtemps encore de souffrir des déficiences structurelles de sa production agricole.
Le pire, en vérité, est qu'au fil des ces dernières années des scandales retentissants éclaboussent périodiquement des organes placés sous le contrôle plus ou moins direct du département de l'Agriculture. Le plus récent d'entre eux, qui est en même temps celui qui a causé le plus lourd préjudice au contribuable, serait dû à la Générale des concessions agricoles (GCA). La dilapidation effrénée des fonds publics, dont l'on chargerait cet organe, porterait sur des dizaines de milliards de dinars distribués à fonds perdus à des barons de l'importation d'équipements agricoles ou a d'autres sangsues n'ayant aucun rapport avec le secteur lui-même.
Pas même la CNMA-banque, mise en activité seulement en 2006, et sur laquelle l'Etat fondait l'espoir qu'elle mettrait fin à la gabegie ambiante régnant dans le secteur agricole, n'a résisté à la même tentation de jeter l'argent du contribuable par les fenêtres. Il n'y a donc finalement rien d'anormal qu'elle ferme à son tour ses portes, pour rejoindre le flot des centaines d'entreprises publiques, aujourd'hui éteintes, qui avaient chacune noircie son ardoise sinon de dilapidations de fonds publics du moins de multiples actes de mauvaise gestion qui, en définitive, n'honorent ni leurs dirigeants ni les organes qui avaient pour charge de les contrôler.