L’on se souvient du scandale ayant placé Bernard Tapie au devant de la scène, sous le règne de François Mitterrand. La vedette du Parti socialiste, qui avait brillé par les succès remportés à la tête d’Adidas, d’un côté, et de l’Olympique de Marseille, de l’autre, s’était frayée un passage vers le sommet du pouvoir en décrochant le ministère de la Ville, spécialement créé à l’époque pour faire profiter tout le monde de ses capacités managériales, considérées alors comme exemplaires et hors du commun. Mais cela ne dura qu’un temps, Bernard Tapie ayant vite fait de laisser transparaître le défaut de sa cuirasse.
Impliqué personnellement dans un acte de corruption – une histoire de match vendue à une équipe adverse -, il ne pouvait se tirer d'affaire et serait même poussé vers la porte de sortie du gouvernement, tandis qu’un procès retentissant le désignait à la vindicte publique. Il écopa de quatre ou cinq années de prison ferme, à la fin desquelles il se retrouverait totalement ratiboisé. Déchu de la présidence de l’OM, acculé à vendre Adidas en deçà de son prix, il lui faudrait même chercher un emploi dans le cinéma pour pouvoir survivre, toute sa fortune ayant fondu comme neige au soleil.
Sarkozy, en se lançant à la présidentielle l’an passé, lui redonna cependant espoir. Il le couvrit bientôt de son soutien et, joignant le geste à la parole, parvint même à contourner la loi en créant spécialement un tribunal arbitral, en marge de la justice de l’Etat, pour lui faire recouvrer ses droits, ces mêmes droits que la Cour d’appel comme la Cour de cassation s’étaient accordées à lui refuser.
Depuis une dizaine de jour, le tribunal arbitral a rendu son verdict et condamné le Crédit Lyonnais, la banque poursuivie, à dédommager Bernard Tapie de quelques 285 millions d’euros, un énorme pactole vraiment tombé du ciel. Le bénéficiaire triomphe donc là où la justice officielle lui avait fermé ses portes.
Et parce que justement ce dernier verdict contrevient aux conclusions retenues par la justice officielle, il s’est trouvé nombre d’adversaires pour y lire une énorme entorse à la loi et aux intérêts de la collectivité. Ils crient haro au scandale et veulent y mettre fin.
Le
Parti socialiste, en premier, s’est déjà prononcé pour l’ouverture d’une enquête parlementaire ayant pour objet d’établir toute la vérité sur cette affaire. Le
Modem, et principalement François Bayrou, son président, s’en est ouvert de la même manière pour protester contre une largesse prise injustement sur le dos du contribuable. Il l’a dit et écrit en toutes lettres dans différents articles déjà publiés, en attirant l’attention sur les conséquences dangereuses d’un acte incriminant au premier chef Sarkozy rendu responsable d’une dilapidation de deniers publics à seule fin d’en faire profiter ses amis et sa clientèle politique. L’intervention la plus inattendue vient d’être exprimée par Eva Joly, cette ancienne magistrate parisienne, d’origine norvégienne qui a réintégré son pays, et qui s’insurge à son tour contre une décision inique susceptible de créer un grave précédent en France.