Les "décideurs" algériens, autrement dit les généraux qui dirigent de fait le pays, se seraient mis d'accord sur la nécessité de ne pas réviser la Constitution dans le sens où les laudateurs de Bouteflika l'entendaient pour lui assurer un troisième mandat.
Pour ne pas prêter le flanc aux détracteurs, nombreux en occident qui se gaussent des régimes africains abusant de leurs pouvoirs, les généraux tiennent à garder en l'état l'article 74 de la loi fondamentale qui limite à deux le nombre de mandats pouvant être assumés par un président élu. Ce faisant, ils acceptent néanmoins de relever de deux ans le mandat actuellement arrêté à cinq ans, en créant en parallèle une vice-présidence, dans le souci de répondre à une vacance imprévisible du pouvoir et toujours possible. Ceci serait en gros le contenu du projet que Bouteflika aurait lui-même accepté de présenter à un référendum envisagé courant septembre prochain, indique
toutsurlalgerie.com.
Constitutionnellement parlant, comme il nous a été donné de l'observer en France, où la révision de la loi fondamentale a joué en sens inverse (du septennat on est descendu au quinquennat), toute modification ne peut intervenir qu'une fois le mandat en cours terminé. C'est à l'issue de son septennat que Chirac s'était en effet représenté à son second mandat quinquennal. Autrement dit, Bouteflika doit aller jusqu'au terme de son mandat actuel et se représenter aux élections. Il ne peut donc pas, sous prétexte de la révision attendue dans les prochains mois, proroger celui-ci de deux ans.
Tel qu'il se dessine, ce montage conçu au sommet, réflexion faite, est plus que plausible, en vérité. Il répond point par point non à un désir réel de garder Bouteflika aux commandes pour un troisième mandat, une fois son deuxième mandat (ou son premier septennat) achevé, mais à deux ou trois facteurs essentiels.
Le premier tient de la santé piteuse du président. On le dit trop affaibli pour pouvoir résister longtemps à une maladie qui continue de le consumer sérieusement. Ses capacités physiques, voire ses facultés mentales qui s'amenuisent en sont profondément altérées, comme en a témoigné sa dernière et trop courte apparition en conseil des ministres. Mais, pour lui faire plaisir, l'on accepte volontiers qu'il finisse ses jours à la tête de l'Etat, et non comme grabataire susceptible de se faire vite oublier.
Le second relève de l'absence pour l'immédiat d'un consensus sur le nom de la personne appelée à lui succéder. Certes, on évoque bien souvent comme pis-aller celui d'Ouyahia, mais pour des considérations profondes que l'on sait, ce dernier ne réussira jamais à à réunir l'unanimité sur son nom. Car, ne l'oublions pas, malgré son essence maraboutique, l'homme reste toujours kabyle d'origine.
Le troisième résulte du chantage qui s'exerce sur les généraux, en raison de leur participation directe ou indirecte aux crimes multiples qui sont reprochés à l'armée au moment fort de la lutte contre le terrorisme. Des milliers de familles de disparus sont aujourd'hui unies à Genève, auprès de l'ONU, pour exiger des comptes à propos du sort des leurs resté pour l'essentiel ténébreux. Et Bouteflika, qui alimente en particulier ce chantage depuis son arrivée au pouvoir, sait qu'il tient là une arme dissuasive à l'encontre de tous ceux qui s'aviseraient de se mettre en travers de son chemin.
En fin de compte, c'est le peuple seul qui paie les turpitudes, les errements et surtout l'incompétence des uns et des autres, surtout quand ils se trompent dans le choix du pantin devant présider aux destinées du pays.