Rabat semble bien déstabilisé par la fermeture de la frontière algérienne

Par un communiqué publié jeudi, le Royaume marocain renouvelle à l’Algérie sa demande pressante de rouvrir leur frontière commune, dans un geste à la fois d’apaisement visant la normalisation des relations bilatérales et d’exhumation de cette communauté maghrébine mort-née, dont il se ravise enfin de l'importance du rôle qu'elle peut jouer au profit de la région.

C’est en 1994 que, répliquant légitimement à une mesure d’expulsion de ses nationaux, alors résidents ou touristes au Maroc, suivie de l’instauration d’un visa d’entrée dans ce pays s’adressant aux Algériens, que les autorités d’Alger ont décidé la fermeture de leur frontière ouest.

Depuis cette date, à maintes reprises, Rabat, à mesure qu'il découvrait l'étendue de l’asphyxie résultant de cette fermeture, n'a pas cessé de réclamer sa levée. L’on sait pourtant qu’en fait de frontière, par sa porosité et surtout par les intérêts qu’en tirent personnellement, des deux côtés, les fonctionnaires chargés de sa surveillance, rien n’a interrompu en réalité le trafic transfrontalier, puisque, comme par le passé, des quantités non négligeables de marchandises s’échangent toujours au noir entre les deux pays. Très portés sur le trafic des chiffons, des spiritueux et mêmes des narcotiques qui leur sont fourgués par leurs partenaires marocains, les Algériens leur offrent en échange des denrées alimentaires, des produits d’élevage, des carburants et des lubrifiants, sans le moindrement imaginer qu’à ce marché de dupes ils sont les dindons de la farce en appauvrissant chaque jour un peu plus leur propre pays au profit du Maroc.

Mais si l’on parle d’asphyxie, c’est que, en vérité, il n'y a pas que les trafics de marchandises qui accusent un certain déclin depuis 1994. Un autre aspect, et c'est sans doute le plus consistant, est celui du tourisme algérien que cherche visiblement le Maroc à remettre en place. Non seulement, il s'agit là d'une manne substantielle se chiffrant en milliards de dollars qui échappe à ce pays, mais le gros avantage est que ce tourisme faisait profiter quasiment tout le territoire et non pas seulement cette étroite bande frontalière de quelques dizaines de kilomètres qui voisine Oujda. De plus, à cause de leur refoulement d'Europe, où des mesures de protection draconiennes sont mises en place pour interdire d’abord l’immigration sauvage et limiter ensuite le tourisme en provenance d’Afrique du nord jugé d'intérêt mineur, les Algériens partaient, toujours plus nombreux chaque année, à la découverte du Maroc, auquel les rattachaient en plus de la langue, des traditions et des affinités communes.

Mais si l'Algérie, humiliée par la mesure prise en 1994 contre ses ressortissants (bien que cette dernière ait été levée depuis), accepte de rouvrir sa frontière, il faudrait, au préalable, que d'autres questions pendantes, comme celle du Sahara, ou du trafic des stupéfiants surtout, soient réglées dans le fond.

Or, le point d'achoppement restera toujours celui de l'autodétermination du Sahara sur lequel Rabat ne veut rien entendre. Et cela est suffisant pour estimer que son dernier appel restera vraisemblablement lettre morte.

Rabat a pris acte du "niet" opposé par l'Algérie à sa demande de rouvrir la frontière ouest.

Autant reste-t-il figé sur ses positions longtemps réaffirmées de ne rien négocier d'autre sur le Sahara que les conditions de mise en application de son projet d'autonomie, autant les autorités d'Alger font-elles de la question de l'autodétermination du peuple sahraoui une condition préalable au rétablissement des relations bilatérales qui supposent la réouverture de la frontière commune.

Le fait nouveau pour le Maroc est que la Grande Bretagne, faisant route séparée avec Paris, Washington et Madrid, est revenue, elle, avec insistance sur la nécessité de faire appliquer les résolutions du Conseil de sécurité prévoyant expressément l'autodétermination en cause.

N'oublions toujours pas qu'aucun pays n'a reconnu jusqu'ici le fait accompli du Maroc sur ce qu'il appelle abusivement "son" Sahara.

Rabat prend note du refus de l'Algérie d'accéder à sa demande. La M.A.P., se référant à une déclaration de Medelci, le ministre algérien des Affaires étrangères, l'écrit comme suit :
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"La réouverture des frontières algéro-marocaines n'est pas envisageable mais elle doit intervenir dans le cadre des évolutions souhaitées par les deux parties", a affirmé mardi le ministre algérien des affaires étrangères, Mourad Medelci.

"La réouverture des frontières est envisageable dans le cadre des évolutions qui sont souhaitées par les deux parties et qui, le moment venu, révéleront que telle ou telle difficulté a pu être dépassée qui nous mette dans une meilleure position d'ouverture en général et d'ouverture des frontières en particulier", a dit M. Medelci, dans une déclaration à la radio algérienne Chaîne III.

S'agissant de l'Union du Maghreb Arabe, le chef de la diplomatie algérienne a reconnu que l'édification de l'UMA est "grippée" par la question du Sahara, qui constitue "une véritable gène" à l'édification maghrébine, ajoutant toutefois que tout en étant une gène, la question du Sahara ne porte pas "ombrage" à la qualité des relations bilatérales. Il a souligné que l'espace maghrébin a des atouts importants.

Dans un discours prononcé hier à Fez à l'occasion de la fête du trône, le roi du Maroc a appelé une nouvelle fois encore l'Algérie à rouvrir la frontière commune.

Titillant la classique fibre sentimentale de "liens fraternels anciens entre les deux pays", le souverain chérifien souhaite que les relations commerciales, la circulation des personnes, etc., reprennent leur rythme antérieur pour "le bonheur des peuples frères".

Mohamed VI omet simplement de préciser que la fermeture de cette frontière algéro-marocaine a été provoquée par son feu père, en 1994, à la suite des attentats qui avaient ensanglanté la ville de Marakech. Hassan II avait alors désigné l'Algérie comme source du terrorisme qui commençait à s'attaquer à son royaume. Son fils fait table rase des préjudices subis, à ce moment-là, par les Algériens expulsés manu militari sans même avoir eu le temps de ramasser leurs affaires, leurs économies, leurs biens.

Plus gravement encore le roi du Maroc feint d'oublier l'affaire pendante du Sahara occidental, ce problème encore menaçant, à la frontière de l'Algérie, qui n'a pas trouvé de solution depuis trente-trois ans.

Aussi, par le silence observé par Alger, devra-t-il un jour se résoudre à dépasser la défense de ses seuls intérêts égoïstes pour se rappeler au souvenir des divers dossiers encore en souffrance qu'il faut aplanir avant de songer au rétablissement des relations entre les deux pays.

Il me semble que je vais devoir, une fois de plus et sur un sujet sensible, affirmer ma différence de perception et arguer, pour ma défense préalable, de n'être pas participant au conflit donc, une fois de plus, quelque part neutre a priori... un peu comme dans le conflit israélo-palestinien.

Puis-je d'abord rappeler aux Algériens de ce forum que les frontières de l'actuelle République Algérienne Démocratique et Populaire ont été tracées, quasiment avec un T de dessinateur et sur carte, par la République Française es qualité de puissance coloniale dominante alors y compris sur le protectorat marocain ?

Puis-je rappeler, que sur la base de ce qui était historiquement admis communément alors (dans les années 1950/1960) qu'il y a eu des actes affirmés (de Mohammed V notamment) et des paroles données (de la part du GPRA, alors présidé par Ferhat Abbas, au nom de l'Algérie indépendante encore en devenir...) et que, quelque part il y eu un dupe.

Par ailleurs, et très ponctuellement, que pensez-vous de la fameuse "guerre des sables" de 1963 venue opportunément offrir un dérivatif salvateur au Gouvernement Ben Bella ? Lequel, comme beaucoup d'autres "leaders algériens" sont actuellement l'objet d'une campagne, assez justifiée de mon point de vue, de maroquinité...fusse-t'elle républicaine et anti-maghzen.

Et comment faire état des propos de 1994 sans faire état des action de 1975 et en omettant de parler de cette "création épinique maintenue sous perfusion" qu'est la R.A.S.D ?

Vu avec quelque hauteur, ne pourriez-vous point voir à quel point les deux pouvoirs s'entraident l'un l'autre par leurs positions affichés ? Nonobstant les titulaires nominatifs du pouvoir des deux côtés.

Je ne sais qui défend réellement les intérêts des uns et des autres, tant du pouvoir marocain que du pouvoir algérien, mais il me semble que depuis quelques décennies plus personne ne cherche à promouvoir l'E.N.A = Etoile Nord Africaine (Nedjma ?) laquelle, au moins au départ, avait une plus haute ambition que celles sévissant actuellement.

Pourrions nous y réflèchir ? puis en débattre éventuellement ?





Puis-je rappeler

Une étude marocaine, établie à Oujda en 2004, dont les conclusions ont été reprises par El-Watan du 27 juillet dernier, donne un aperçu suffisamment inquiétant de l'importance de la contrebande sévissant à la frontière algéro-marocaine.

Pour ne pas dénaturer son contenu, je préfère donner l'article tout entier, comme suit :
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Contrebande entre l'Algérie et le Maroc
500 millions de dollars de chiffre d’affaires
Le chiffre d’affaires annuel du secteur informel de la contrebande est estimé à 6 milliards de dirhams, l’équivalent de 500 millions de dollars, révèle une étude de la chambre de commerce d’Oujda, dans l’Est marocain.

« Dans une étude réalisée par la chambre de commerce d’Oujda, en 2004, les experts ont estimé le chiffre d’affaires annuel du secteur informel de la contrebande à 6 milliards de dirhams, soit 500 millions de dollars. Un chiffre effarant qui explique clairement la main tendue du roi chérifien pour la réouverture de la frontière terrestre entre les deux pays.

« Ce commerce illégal employait « 6000 personnes, essentiellement des jeunes », précise le document officiel.

« Faisant une analyse plus explicite, les experts marocains indiquent que « le blocage de 2 à 3 millions de touristes algériens enlève au Maroc un apport de 2 à 3 milliards de dollars par an ». Et d’ajouter : « Ce blocage (la fermeture de la frontière) empêche aussi la création de plus de 1000 PME/PMI devant générer plus de 30 000 emplois uniquement dans la région d’Oujda. » Des « aveux » qui expliquent on ne peut mieux cette pression exercée par le régime monarchiste sur les autorités algériennes pour la réouverture de la frontière ouest, fermée en 1994. Dans leurs conclusions, les rapporteurs de l’étude expliquent la réticence des investisseurs étrangers, notamment français, à venir dans cette région orientale par « la proximité avec l’Algérie, assimilée à un épouvantail ». Nommée « cité martyre » par les Marocains, particulièrement les frontaliers, Oujda a cessé de vivre au lendemain de la fermeture de la frontière en 1994. L’appel du roi, mercredi à partir de la ville de Fès, au gouvernement algérien, est donc fortement motivé par une situation économique désastreuse dans une région orientale.
Tlemcen. De notre bureau - C. Berriah »

A l'occasion du 33è anniversaire de l'invasion du Sahara occidental par son pays, le roi Mohamed VI s'en est encore pris à l'Algérie. Il la rend une nouvelle fois responsable du blocage de la normalisation des rapports bilatéraux. Pour lui, ces deux pays "frères et voisins" restent encore distants l'un de l'autre, à cause simplement du refus d'Alger de rouvrir la frontière. Sans les citer, Mohamed VI en arrive d'ailleurs à déplorer les résultats négatifs auxquels l'intercession elle-même de la France et de l'Arabie saoudite a abouti.

Il faut croire, cette fois, que le Maroc est vraiment aux abois. Le souffle lui manquant pour remettre en route son économie se trouverait dans la réouverture de sa frontière est. Par là, la vache à lait habituelle aurait pu l'abreuver à satiété. En contrepartie des produits à bon marché, comme le carburant, les produits d'élevage, les fournitures industrielles volées par leurs complices algériens aux infrastructures publiques de leur propre pays, les trafiquants marocains sont toujours disposés à livrer toutes sortes de chiffons de mauvais goût mais aussi tous les stocks de cannabis produits chez eux.

Conclusion, il est vraiment regrettable que les dirigeants ventripotents d'Alger ne sachent rien d'autre d'utile à mettre en oeuvre pour leur pays que de poursuivre, au contraire, sa destruction et leur rapine. Moins rapaces, ils auraient pu depuis longtemps trouver les moyens sûrs de contrôler plus sérieusement cette maudite frontière. Le roi du Maroc cesserait alors de lui-même de revendiquer quelque chose qui ne rapporterait plus rien à son pays.

Sur un autre volet, il est revenu avec insistance sur le dossier du Sahara occidental pour souligner l'inexistence, selon lui, d'aucune autre solution que celle conduisant à la soumission du Polisario à ses propres conditions. Autrement dit, rien n'est plus négociable que le seul processus de mise en place de l'autonomie offerte "généreusement" aux combattants sahraouis. Ce pied de nez ne manquera pas, bien évidemment, de peser négativement sur les toutes prochaines négociations prévues aux Etats-Unis entre le Maroc et le Polisario.