Les migrations indésirables en Europe sont gérées avec excès de fermeté

Un article de Caroline Brothers, du journal International Herald Tribune analyse les conditions de rétention des immigrants clandestins en Europe. Tout en étant déplorables, ces dernières restent pourtant toujours peu dissuasives. Voici son résumé.

Sont dénombrés en Europe 224 camps de rétention pouvant accueillir plus de 30 000 personnes, parmi les demandeurs d’asile et les immigrants clandestins en instance d’expulsion. Si certains, très petits, peuvent recevoir quelques dizaines à peine de ces étrangers indésirables, il en est d’autres capables de recueillir plus d’un millier ; ce sont souvent des hangars, des silos à céréales, des usines désaffectées, des annexes de prison ou encore ce bateau ancré à Rotterdam, cet ancien camp d’internement de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, etc.

Dans ces enceintes protégées par du fil barbelé et des caméras de surveillance, infestées parfois de vermine, et pouvant être le théâtre d’incendies volontaires, de suicides ou même d’émeutes, les conditions d’incarcération sont toujours très dures et entament la résistance des détenus. Un rapport danois estime, d’ailleurs, que le taux des tentatives de suicide constaté dans ces lieux, durant la période 2001 à 2006 est six fois plus élevé que celui observé au sein de toute la population danoise.

Un tel dispositif ne semble pourtant pas avoir entamé la résolution des nombreux candidats à l’immigration clandestine en Europe, et qui, dans le cas notamment de l’Afrique, s’engagent, au péril de leur vie, à la traversée de la Méditerranée dans des embarcations de fortune.

Aussi, l’U.E. cherche-t-elle à souscrire des accords bilatéraux avec les pays originaires de ces flux migratoires, à l’effet de l’aider à y mettre fin. Des pays, comme le Maroc, la Libye, la Turquie, l’Ukraine semblent avoir déjà répondu à pareille sollicitation, en créant chez eux des centres quasiment analogues à ceux d’Europe pour y héberger les émigrés potentiels qui traversent illégalement leurs frontières.

La durée moyenne de rétention est d’un an, un an et demi en Europe, quoiqu’en France elle tombe à seulement 32 jours, contre 40 jours en Espagne, 60 en Italie et 90 en Grèce. Il est vrai que Malte bat tous les records avec plus de 5 ans parfois.

Restés sourds le plus souvent aux observations des organisations humanitaires réclamant un traitement plus humain des immigrants clandestins, les pays membres de l’U.E. mènent, chacun de leur côté, leur politique propre qui exclue trop souvent toute assistance médicale, toute aide à ces derniers que l’on n’hésite pas à étiqueter comme de simples prisonniers de droit commun.

Les interpellations d'étrangers en situation irrégulière en France ne se font pas seulement dans la rue, à l'occasion des "contrôles sur faciès", mais à la préfecture même. Dès présentation de son passeport au guichet, l'immigrant dit sans papiers est introduit dans un bureau pour être entendu sur son dossier (en réalité, pour éviter un esclandre) et arrêté aussitôt après, reconnait même la préfecture des Hauts-de-Seine qui écrit : "Depuis début 2008, quatorze étrangers en situation irrégulière ont été interpelés", avant de compléter : "Avant chaque interpellation, la personne concernée a été réentendue par un cadre du bureau des étrangers, qui a une fois encore vérifié l'absence de motifs sérieux de régularisation".

Du reste, quand les arrestations ne sont pas opérées dans les locaux de l'administration, c'est à la bouche de métro voisin ou à proximité immédiate qu'elles ont lieu, indique un papier de Libération paru aujourd'hui.

Ce dernier ajoute que, suite à l'occupation des locaux d'une école, l'EHESS, l'Ecole des hautes études en sciences sociales, par des dizaines de familles, dont des enfants, en situation irrégulière, les services de police ont été appelés à la rescousse pour les évacuer de force, provoquant une protestation indignée des étudiants et des enseignants de l'école.

Aussi, prévoit-on une manifestation demain à 14 h à Paris pour réagir "contre la politique la politique du gouvernement envers les sans-papiers".

Comme attendu, la manifestation contre la politique d'immigration du gouvernement a réuni, cet après-midi, quelques milliers de personnes à Paris, rapportent les agences de presse.

De la place d'Italie, vers 15 h, les manifestants ont formé un cortège en direction de la rue de Grenelle, où se situe le ministère de l'Immigration de Brice Hortefeux. Arlette Laguiller, de Lutte ouvrière ; Nicole Borvo, sénatrice PCF et J.P. Dubois, Droits de l'homme se trouvaient en tête.

En parallèle, deux défilés semblables ont regroupé, à l'appel de divers partis politiques et d'associations à caractère humanitaire, plus d'un millier de personnes chacun à Lyon et à Marseille, où une banderolle portant la mention "Immigration jetable : non !", affichée en tête, donnait la mesure de la protestation.

Les manifestants n'ont pas manqué de rappeler, à cette occasion, leur vive préoccupation au lendemain de la mort d'un Malien de 29 ans, dit sans papiers, qui s'est jeté dans la Marne pour échapper à des policiers qui le poursuivaient.

"L'actualité montre malheureusement que la politique du gouvernement tue et nous voulons faire cette démonstration alors que dans trois mois la France va vouloir imprimer sa politique à toute l'U.E." lors de la présidence tournante de l'Union européenne, a déclaré Nathalie Serré, porte-parole du Gisti, membre du collectif Ucij (Unie-e-s contre une immigration jetable), écrit le journal "Libération".