Nouvel indice d'une gestion économique du pays cauchemardesque, l'Algérie bloque une fois encore les transferts de fonds revenant à des entreprises étrangères qu'elle se flatte pourtant d'attirer par des conditions d'investissement scandaleuses. Bien qu'il s'agisse là de simples prestataires de services, dont la présence lui est indispensable pour le fonctionnement même de son économie, Alger montre, dans le cas cité aujourd'hui par TSA, une espèce de mépris n'ayant d'égal que son incapacité à se mesurer à des États dignes de ce nom.
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Tout sur l'Algérie - 9.11.2011
par Hamid Guemache
Les problèmes s’accumulent pour les groupes étrangers de transport maritime de marchandises en Algérie. Depuis 2010, leurs filiales locales peinent à transférer leur argent d’Algérie en raison d’obstacles bureaucratiques. Ces armateurs attendent depuis près de deux ans pour effectuer le transfert de centaines de millions de dollars représentant les frais de transport et les surestaries des containers déchargés dans les ports algériens.
Selon nos informations, la filiale algérienne du groupe français CMA CGM, troisième plus grand armateur au monde, attend des autorisations de la Douane algérienne pour le transfert de 100 millions de dollars. Le groupe danois Maersk attend de son côté le visa des Douanes pour un montant de 80 millions de dollars. Le groupe turc Arkas se voit bloquer en Algérie une somme de 60 millions de dollars, représentant son activité dans le pays depuis 2010. Le différend porte sur un montant total de plus de 500 millions de dollars. « Tous les armateurs qui fréquentent les ports algériens sont touchés par le problème de transfert de leur argent. Il n’y pas de problèmes réglementaires, il n’y pas de refus clair de la part des autorités pour transférer, mais il y a beaucoup d’obstacles bureaucratiques », explique notre source.
Tout a commencé en janvier 2010, soit quelques mois après l’entrée en vigueur en juillet 2009, de la Loi de finances complémentaires pour 2009 (LFC) qui a durci les conditions d’importation et de transfert de devises à l’étranger. « Depuis janvier 2010, une instruction de cette institution oblige les armateurs à présenter, pour chaque container transporté en Algérie, un dossier composé de la facture, de la photocopie du chèque et de l’avis de crédit de la banque. La Douane vérifie ce dossier avant de donner son visa indispensable pour le transfert des devises. Le problème est la lenteur dans le traitement des dossiers. Il s’agit en fait de vérifier des centaines de milliers de dossiers. La Douane n’a pas les moyens nécessaires pour le faire rapidement », explique notre source. Résultat : les dossiers s’empilent et les retards dans la délivrance du visa de la douane s’accumulent. Une situation qui commence à agacer les armateurs étrangers et les gouvernements de plusieurs pays européens dans un contexte économique très difficile en Europe.
Selon nos sources, les ambassadeurs à Alger de France, d’Espagne, d’Allemagne, de Suisse, de Turquie et d’Italie ont adressé une lettre de protestation aux autorités algériennes pour leur faire part de leurs inquiétudes au sujet du blocage de l’argent des armateurs et leur demander de résoudre le problème. L’Union européenne et le gouvernement français sont saisis du dossier. L’affaire a pris des dimensions politiques. « Lors de la visite du président Bouteflika en Allemagne en décembre 2010, le ministre allemand des affaires étrangères a saisi officiellement son homologue algérien Mourad Medelci sur le blocage de l’argent des armateurs de son pays en Algérie », affirme notre source.
Des armateurs pensent à quitter l’Algérie
Près d’une année après, rien n’a été fait. Les armateurs multiplient toujours les tentatives pour obtenir rapidement le transfert de leurs devises bloquées en Algérie. « Avant 2010, on obtenait le visa des douanes en 15 jours. Il n’y avait aucun problème. Les vérifications se faisaient a posteriori. Depuis 2010, il faut au moins un an pour obtenir l’accord de la Douane et entamer ensuite la procédure de transfert. Ce délai est insupportable pour les transporteurs », explique notre source. Découragés par la bureaucratie algérienne, de nombreux armateurs étrangers dont CMA CGM comptent bouder les ports algériens. D’ailleurs, le groupe français cherche à vendre son nouveau siège sis au quartier des affaires de Bab Ezzouar à l’est d’Alger. Mais les autorités algériennes refusent.
Les difficultés rencontrées par CMA CGM pour transférer son argent est un dossier traité par l’ex‑premier ministre français Jean‑Pierre Raffarin dans le cadre de sa mission en Algérie. Contactée par TSA, la direction de la filiale algérienne de CMA CGM n’a pas souhaité commenter ces informations. « Beaucoup d’armateurs vont partir. Les conditions de travail en Algérie sont devenues draconiennes », avertit la même source. Aveuglé par son obsession de réduire la facture des importations et le transfert des devises, le gouvernement algérien prend le risque de faire fuir de nombreux groupes de transport maritime de marchandises alors que le pays dépend entièrement des importations pour vivre et fonctionner. « Beaucoup d’armateurs étrangers vont bouder les ports algériens. Nos importateurs se retrouveront alors obligés de traiter avec quelques transporteurs qui imposeront leurs lois », prévient notre source.