La question du Sahara occidental à l’ordre du jour

Emboîtant le pas à David Welch, secrétaire d’Etat pour le Proche Orient, Tom Lantos, président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine, vient de prendre officiellement parti pour le Maroc, à propos de son différend avec le Polisario.

"J’exhorte la direction du Polisario à se rendre à l’évidence que jamais ils n’auront un accord aussi bon pour les populations qu’ils prétend représenter", a-t-il déclaré dans une allocution sur la politique américaine en Afrique du nord. Poursuivant son propos, Tom Santos estime que : "Il est impératif de résoudre la question du Sahara occidental dans le cadre des efforts visant à garantir que la région ne devienne un terrain fertile au terrorisme ".

Plus clairement encore, le représentant démocrate a déploré que les populations sahraouies continuent de "languir en Algérie sans approvisionnements appropriés ni véritables perspectives d’avenir". Evoquant ensuite la lettre adressée par 173 membres de la Chambre des représentants à G.W. Bush l’appelant à soutenir la proposition marocaine, Tom Lantos a indiqué que celle-ci a été saluée par plusieurs pays comme "la promesse d’un jour nouveau ».

De son côté, David Welch a abondé dans ce sens en soulignant que "La proposition marocaine d’accorder une véritable autonomie au Sahara est sérieuse et crédible", et en rappelant que le Conseil de sécurité de l’ONU avait "pris note des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement".

Ces informations, qui sont données par Maghreb arabe presse confirment, si besoin est, que les Etats-Unis ont ainsi définitivement opté pour le Maroc, sur cette question pendante et lancinante ; façon de lui renvoyer l’ascenseur à la suite de son acceptation de recevoir les troupes de l’Africom, autre sujet traité ci-dessus. Il n’est pas non plus sans intérêt de relever cet aspect de la lutte contre le terrorisme, par ailleurs devenu un leitmotiv dans la politique étrangère américaine, au nom duquel bien évidemment les Etats-Unis s’estiment en droit de définir leur politique en fonction des seuls intérêts immédiats qui sont les leurs. En l'occurrence, nous voyons bien que leur priorité est davantage dictée par le besoin de mettre la main sur les ressources énergétiques du monde musulman que d'y installer la paix, la justice, la démocratie, des aspirations restant du domaine, hélas ! du rêve.

"J’espère sincèrement que les parties mettront à profit cette opportunité et cette impulsion pour parler de toutes leurs préoccupations et intérêts et que le groupe de contact et les pays qui le composent facilitent cette tâche conjointement avec les Nations Unies pour parvenir à une solution juste et durable de ce problème", a déclaré, mercredi dernier, à Madrid, Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations Unies.

En effet, c’est dans la banlieue de New-York que se dérouleront, bientôt, les prochaines négociations directes entre les parties au conflit, le Maroc et le Polisario.

Qu’en sortira-t-il de tangible, c’est la question que se posent les observateurs, tant il est vrai, d’un côté, que le Maroc reste résolument décidé à ne rien démordre de ses positions déjà exprimées publiquement jusqu’ici, à savoir qu’il entend garder la souveraineté totale sur le Sahara occidental, et que, de l’autre, le Polisario, ne pouvant non plus rien céder de son droit à l’autodétermination internationalement reconnu, ne saurait envisager d’autre solution que celle de se cramponner sur cet objectif.

Un dialogue de sourds est donc prévisible qui se soldera sans nul doute par un claquement de porte et une remise aux calendes grecques du projet tant caressé de l’organisation d’un vote autodétermination dans les règles acceptables par les deux parties. Et ce sera encore les populations sahraouies, en partie regroupées à Tindouf, qui auront à souffrir de cette tiédeur que témoignent les Nations Unies à la résolution d’un problème dramatique qui reste pendant depuis plus de trente ans. Il est quasiment certain que le poids des grandes puissances a contribué pour beaucoup dans la prolongation de cette regrettable situation. Il est vrai que semblable problème aurait sans doute déjà trouvé sa solution si le pays qui le vit recelait quelques gisements de pétrole susceptibles de susciter des appétits.

S’il est un sujet extrêmement sensible sur lequel les Marocains forment l’unanimité, c’est, bien sûr, le problème du Sahara. Aussi, la presse locale, qui forme d’ailleurs l’essentiel de l’opinion, surveille-t-elle attentivement toute atteinte visant la souveraineté marocaine sur le territoire de l’ex Rio de Oro.

C’est ainsi qu’elle vient d’épingler, à contresens de ses attentes, le sénateur socialiste belge, Pierre Galand, à raison de ses déclarations faites à Alger. Une levée de boucliers s’est aussitôt manifestée pour décrier cet homme politique belge, dont on juge les propos "irresponsables, provocants et gratuitement anti-marocains qui sont condamnables politiquement et moralement". En même temps, on s’est empressé de mettre en exergue les déclarations contradictoires d’hommes politiques belges plutôt acquis à la thèse marocaine, comme celles de Daniel Ducarme, du Mouvement réformateur, de Moureaux, professeur d’université, etc.

En donnant cette information, la M.A.P., organisme officiel du royaume, est, bien entendu, libre d’apprécier ou de rejeter une vision ne concordant pas avec la ligne politique du pays qu’elle représente. Elle est aussi libre d’opposer à une telle vision des arguments de son choix, en s’inscrivant, ce faisant, dans un débat adulte que ne peut que l’honorer. Mais, elle n’est pas dans son droit, en s’abritant derrière le subterfuge de prétendues associations de citoyens belges d’origine marocaine qui n’existent peut-être que dans son imagination, de traiter d’irresponsables, de provocants et de condamnables des propos tenus, en fait, par un sénateur étranger, et de surcroit européen qui n’a sans doute de leçon à recevoir de quiconque, au plan de son droit à la libre expression.

Un minimum de retenue eût été plutôt mieux indiqué en la circonstance.

C’est donc demain que s’ouvrent, durant deux jours consécutifs, les négociations bilatérales entre le Maroc et le Polisario, à Long Island (dans la banlieue de New York), sous le contrôle de l’ONU, et en présence de la Mauritanie, de l’Algérie et des membres du Conseil de sécurité : USA, France, Grande Bretagne, Russie. Il est vraisemblable que l’Espagne, comme ancienne puissance dominante du Rio de Oro, y sera aussi représentée, sur la demande expresse du secrétaire général Ban Ki-moon.

D’ores et déjà, les positions semblent se contracter, d’un côté comme de l’autre, et l’on craint tout simplement que les discussions capotent sur des questions principalement de préséance. Autant les envoyés du Polisario se considèrent-ils uniques représentants de leur communauté de l’ex Sahara espagnol, autant les délégués du Maroc, s’inspirant peut-être des vieilles méthodes colonialistes, croient-ils de leur droit de leur opposer des Sahariens acquis à leur cause, comme Khalli Henna Ould Errachid. Cela rappelle un peu les vieilles manigances françaises, au Maroc même, où un certain Ben Arafa avait été présenté comme prétendant à la succession du sultan Mohamed V. Ne pouvant en rien justifier son émergence incongrue sur la scène politique, ce pantin avait fini, tout naturellement, par être éjecté très vite aux oubliettes. En sera-t-il de même pour ce Khalli, nous le saurons bientôt.

Il faut dire aussi que, pénétrés si profondément de ce qu’ils appellent leur droit de souveraineté pleine et entière sur l’ex Rio de Oro, les Marocains ne permettront jamais à leurs vis-à-vis de soutenir l’idée indépendantiste qui bat en brèche cette toute nouvelle formule d’autonomie interne, concoctée par le cabinet royal à seule fin de donner à l'opinion internationale une image quelque peu démocratique de son approche du problème. Fort, notamment, de l’appui d’une bonne partie de la classe politique américaine, le Maroc croit pouvoir surmonter plus facilement encore les revendications sahariennes, en feignant néanmoins d’oublier que cela signifierait politiquement la mort assurée de ses adversaires et qu'à ce seul titre, pris dans l'absolu, ils ne s'inclineront pas devant leurs interlocuteurs.

Le 19, au soir, nous connaîtrons le fin fond de l’histoire. D’ici là, attendons !

Contrairement aux indications données, avant-hier, par Aharbal, sur la foi des assertions de la presse marocaine, l’Algérie n’a pas pris part aux négociations de Long Island. Ces dernières restent en effet bilatérales, sous la réserve qu’elles se déroulent sous le contrôle de l’ONU qui les a organisées.

L’ordre du jour étant, par ailleurs, limité à la recherche d’une solution permettant l’autodétermination du peuple sahraoui, une certaine confusion a pu naître dans l’opinion pour faire valoir faussement l’idée que les Sahraouis discuteraient avec leurs vis-à-vis de la question de l’autonomie interne, telle que la conçoit le Maroc, à grand renfort de propagande dispensée par sa presse publique et privée.

Aussi, le chef de la délégation sahraouie a-t-il prévenu que les discussions pourraient rapidement échouer si le Maroc persistait à orienter les débats sur le sujet de l’autonomie. « Nous demandons seulement que les gens soient consultés sur leur avenir », avait déclaré, avant son départ sur New York, Mohamed Khadad, responsable de la délégation sahraouie. Du reste, a-t-il ajouté, pour mettre un terme à toute spéculation : « On peut résumer le plan marocain comme une légalisation du fait accompli de l’occupation coloniale marocaine, que nous rejetons. Il n’y a rien là-dedans à négocier ».

Les pourparlers, jusqu’ici, semblent aller clopin-clopant entre le Maroc et le Polisario, à New-York. Les deux délégations campant solidement sur leurs positions respectives, il est à craindre au pire qu’ils se terminent par
un échec total et au mieux qu’ils s’enlisent.

En dépit de ces incertitudes, le chef de la délégation sahraouie reste confiant même si, devant la presse, il a tenu à déplorer "l’absence de volonté politique de la partie marocaine pour aller à des négociations réelles pour une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui prenne en compte le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination."

De son côté, Mohamed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario, avait déjà balisé le terrain en énonçant, dans un souci d’apaisement, avant la rencontre, et dans une espèce de concession louable, que son organisation était prête à inclure la proposition marocaine d’autonomie parmi les autres formules à soumettre au référendum des Sahraouis.

Mais il semble que le Maroc reste toujours figé sur son seul objectif de concentrer la discussion sur son projet d’autonomie, et rien d’autre.

Or, les Marocains font là non seulement une entorse à l’objet même des négociations que l’ONU avait laborieusement réussi à leur faire accepter avant la rencontre, à savoir l’autodétermination du peuple sahraoui et ses conditionnalités de mise en oeuvre, mais ils veulent se servir de cette tribune pour faire avaliser par la communauté internationale le fait accompli de leur occupation de l’ex Rio de Oro.

Il est peut-être bon de leur rappeler que la Cour internationale de Justice, consultée en 1964 et 1975 par eux-mêmes, a déjà rendu son verdict à propos des soi-disant liens de souveraineté dont ils se prévalent sur ce territoire : elle n’en a pas identifiés du tout, contrairement à leurs allégations.

A l'issue des deux journées de travaux, des 18 et 19 juin, à Manhasset (New-York), les deux délégations maroco-sahraouies se sont séparées, après avoir rédigé un communiqué commun que voici :

"Conformément à la résolution 1754 du 30 avril 2007 du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental, le Secrétaire général a pris des dispositions pour que le Maroc et le Front Polisario engagent des négociations sans conditions préalables, de bonne foi, en tenant compte des développements survenus ces derniers mois, en vue de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental.
La réunion a été sous les auspices du Secrétaire général à Manhasset (Etat de New York), au Greentree Estate, les 18 et 19 juin 2007, avec la participation des deux parties, le Maroc et le Front Polisario. Des représentants des pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie, étaient également présents aux séances d'ouverture et de clôture et ont été consultés séparément.
Lors de la réunion, les négociations ont commencé comme prévu dans la résolution 1754 du Conseil de sécurité. Les parties sont convenues que le processus de négociations se poursuivra à Manhasset pendant la deuxième semaine d'août 2007."

Le lecteur aura donc remarqué que :

* La résolution 1754 parle effectivement d'autodétermination et non de débats autour de la proposition d'autonomie avancée et soutenue par les Marocains ;

* Les délégations algérienne et mauritienne n'ont pas été parties aux négociations, bien qu'elles aient été admises aux cérémonies d'ouverture et de clôture des travaux ou qu'elles aient été consultées séparément.

Le communiqué commun n'ayant rien indiqué de la teneur des avancées supposées avoir été réalisées, puisqu'un second round est prévu en août prochain, il faut, à mon sens, attendre que "les langues se délient" du côté des négociateurs eux-mêmes, pour savoir à quoi s'en tenir.

Quoi qu'il en soit, le monde entier ne peut que se féliciter, si tel est le cas, des progrès qui auront été réalisés. En pensant particulièrement aux dizaines de milliers de sahraouis disséminés dans les sables, dans la misère et la précarité, dans l'angoisse et le questionnement du lendemain, sans perspective concrète de leur devenir, le plus tôt serait toujours le mieux si les choses pouvaient définitivement se clarifier sur leur sort, à la satisfaction aussi de leurs voisins lassés de voir perdurer leur problème vraiment préoccupant.

A propos du Sahara la position marocaine se clarifie : "Le Maroc rejette catégoriquement l’option de l’indépendance et même toute allusion à cette issue", a affirmé Taïb Fassi Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères et à la coopération, lors d’un entretien avec la presse, ces derniers jours.

Pour ce ministre, c’est l’autre partie, autrement dit le Polisario, qu’il faut convaincre de la nécessité d’opter pour la proposition formulée par le Maroc, à savoir l’autonomie interne. Apparemment, les autorités marocaines semblent se conforter de cette espèce de sympathie née autour de leur initiative principalement appuyée par les Etats-Unis et certains pays d’Europe occidentale.

En fustigeant de plus le maintien par le Polisario de ses traditionnelles positions, axées, rappelons-le, sur le principe d’autodétermination du peuple sahraoui, elles reconnaissent, en même temps, que le Maroc n’a, à son tour, nulle intention de démordre de ses positions, aujourd’hui comme demain. "Le Sahara est au Maroc et le Maroc est dans son Sahara", a martelé le ministre qui ajoute : "Le peuple n’acceptera pas une autre solution. Il n’admettra jamais un autre cadre politique et institutionnel".

Déniant enfin au Polisario toute représentativité exclusive des populations sahraouies, Fihri, soutenu en cela par son collègue Chakib Benmoussa, ministre de l’Intérieur et chef de la délégation marocaine à Manhasset, entend lui substituer le Corcas, cette association sahraouie ayant fait allégeance au royaume.

Les choses étant désormais on ne peut mieux clarifiées du côté marocain, le Polisario n’a donc rien à espérer des prochaines négociations prévues début août.

La solution du problème posé à l’ONU, à savoir l’autodétermination des populations sahraouies, n’est donc, dans les circonstances actuelles, loin d’être seulement envisageable. Et, au train où vont les choses, il est à craindre que la violence reprenne le dessus : ne dit-on pas que l’indépendance ne s’octroie pas mais s’arrache.

Le Conseil de sécurité a enjoint, hier, au Maroc et au Front Polisario, de poursuivre leurs négociations, sans conditions préalables, en vue de l'organisation d'un référendum au Sahara occidental.

La résolution 1871, adoptée à l'unanimité, reprend mot pour mot les termes de la résolution 1813 du 30 avril 2008, pour proroger en même temps la mission de l'ONU, appelée Minurso, dans cette ancienne colonie espagnole.

Elle demande aux deux adversaires de poursuivre leurs pourparlers, afin de "parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental".

Ces entretiens, qui entrent dans leur cinquième phase, doivent avoir lieu à Manhasset, dans la banlieue de New York. Sur la suggestion de Christopher Ross, le délégué de l'ONU chargé de cette question, le Conseil s'est prononcé pour "des discussions informelles préparatoires à une cinquième session des négociations" entre les deux parties.

Comme les précédentes, la rencontre entre le Polisario et le Maroc à New York s'est clôturée hier par un échec, a reconnu l'émissaire de l'ONU Christopher Ross. "Les propositions des deux parties ont de nouveau été présentées. A la fin de la réunion, chaque partie a continué à rejeter la proposition de l'autre comme base unique des négociations à venir", a-t-il précisé.

"Les parties se sont engagées dans des discussions approfondies sur des approches innovantes afin de construire une nouvelle dynamique dans le processus de négociations en 2011, sur la base de rencontres régulières", a-t-il encore ajouté. "A cet égard, les deux parties ont proposé des idées concrètes qui seront développées lors des deux prochaines sessions de pourparlers informels du 21 au 22 janvier et en mars 2011", a-t-il conclu.

La précédente réunion avait de même pris fin, le 9 novembre dernier, sur le même résultat.

avec l'AFP et TSA