TSA - 8.01.2015
Envoyée spéciale de TSA , Imene Brahimi.
Aït Larba, dans la daïra de Ben Yenni, à 45 km au sud de Tizi Ouzou, donne l’impression d’un village fantôme ce jeudi en milieu d’après-midi. C’est ici qu’est né et a grandi Mustapha Ourrad, correcteur à Charlie Hebdo tué dans l’attaque qui a ciblé le journal hier mercredi.
Á Ait Larba, peu de gens ont connu Mustapha Ourrad. Orphelin, l’homme a quitté son village natal à la fin des années 1970. Il a rejoint la France au terme d’un voyage payé par ses amis. Ici, avant le drame, personne ne savait que Mustapha était correcteur à Charlie Hebdo. Mais ce jeudi tout le monde semblait sous le choc.
« Mustapha Baudelaire »
De contact en contact, on a fini par rencontrer Mohamed Senhadj, un ancien camarade de classe de Mustapha Ourrad. Il se souvient de son ami de jeunesse : « Nous étions dans la même classe pendant une année chez les pères blancs en 1964. Mustapha était un élève très brillant, très intelligent. Il était réservé, il était humble mais tout le monde avait vite compris à l’époque qu’il était promis à une grande carrière ». « C’est une perte douloureuse, non seulement pour Ben Yenni, mais pour tout le pays », ajoute-t-il.
« Mustapha Ourrad a quitté le pays en 1978 pour ne plus revenir au village. Il était jeune mais déjà déçu. Les dernières années qu’il a vécues en Algérie, il les partageait entre Alger et Ben Yenni. Il était à la fois un villageois et un citadin. Il était très jeune et il nous résumait les livres de André Gide, de Malraux et de Beaudelaire ; d’où d’ailleurs son surnom Mustapha Baudelaire », nous raconte Ousmer, un des meilleurs amis d’enfance de Mustapha avec qui il dit avoir perdu le contact depuis qu’il a quitté le pays.
« J’ai été très choqué quand j’ai su qu’il faisait partie des victimes de Charlie Hebdo. La dernière nouvelle que j’ai eue de lui est qu’il était correcteur mais, comme tout le monde au village, j’étais loin d’imaginer qu’il travaillait pour Charlie Hebdo. Nous avons perdu une perle. Il était prématurément éveillé », ajoutera Ousmer qui se souvient de Mustapha fredonner des chansons de Cheikh El Hesnaoui dont il était fan.
Medjbar, le petit cousin de Mustapha, ignorait également ce qu’était devenu son oncle dont il avait beaucoup entendu parler mais qu’il n’avait jamais rencontré. « Il est né le 21 juin 1954 ici au village. Il est devenu orphelin très jeune après la mort de son père en 1961. Il a grandi chez ses oncles Youcef et Abdelkader jusqu’à ce qu’il quitte le village pour des études en sciences médicales à Alger », raconte le petit cousin.
Une sœur vivant à Rouiba
Mustapha a une seule sœur établie à Rouiba, près de la capitale, explique t-on au village. C’est elle qui a confirmé la nouvelle de la mort de son frère. « Finalement, il n’y avait pas que les tueurs qui étaient d’origine algérienne mais aussi une des victimes, une victime qui s’avère être un intellectuel », s’exclame un jeune anonyme dans un café du village à Aït Larba où toutes les discussions évoquaient avec tristesse et consternation Mustapha Ourrad.
Sa famille ignore encore si la dépouille de Mustapha sera rapatriée ou non. Mustapha est marié à une française et serait père de deux enfants, selon ses proches au village. « Pour le moment nous multiplions les contacts pour savoir s’il sera rapatrié », conclut son cousin, avec tristesse.
(http://www.tsa-algerie.com/2015/01/08/reportage-a-ait-larba-village-natal-de-mustapha-ourrad-lalgerien-tue-a-charlie-hebdo/)