TSA - 16.04.2012
par Hamid Guemache
L’Algérie, de l’ambition d’une puissance régionale au fléchissement face à de petits États
Pour sa première visite à Alger, après plusieurs mois de bouderie et de déclaration hostiles à l’Algérie, le président du Conseil national de transition (CNT) libyen, Mustapha Abdeldjalil, a été accueilli comme un véritable chef d’État. Dimanche, premier jour de sa visite, un important dispositif sécuritaire constitué de policiers et de gendarmes a été déployé dans la capitale. M. Abdeljalil a été accueilli à l'aéroport par le président Abdelaziz Bouteflika. Comme un président élu alors qu’il n’est que le chef du CNT. Dimanche, les ministres des Affaires étrangères des deux pays s’étaient rencontrés pour discuter de la coopération bilatérale. Ce lundi, le président Abdeljalil a eu des entretiens en tête‑à‑tête avec le président Bouteflika. Les deux hommes ont déjeuné ensemble.
À Alger, le responsable libyen a fait des déclarations à la limite de la mise en garde. « Nous apprécions la position humanitaire de l'Algérie d'accueillir les familles, notamment les femmes et les enfants, mais restons convaincus qu'elle n'abritera pas ceux qui représentent une menace pour la sécurité de la Libye », a‑t‑il dit. Avant d’ajouter, comme un avertissement : « nous avons ainsi convenu que ce qui constitue une menace pour la Libye par le financement ou la subversion n'aura pas de place dans les territoires algériens ».
Le président libyen n’a fait aucune annonce ni concession concernant les demandes algériennes, comme la question des visas par exemple et l’avenir des investissements en Libye. Dans le communiqué commun publié à l’issue de la visite, les deux pays ont appelé, « à la dynamisation du cadre juridique régissant les relations bilatérales ». Ils ont insisté sur la nécessité de garantir un climat favorable aux projets de partenariat et d'investissement et d’établir « une coopération sérieuse et efficace » dans les domaines de l'énergie, de l'industrie, du commerce et de l'investissement. Autant dire, rien de concret.
À Alger, Mustapha Abdeljalil devait se sentir en position de force. Pour effectuer cette visite, Mustapha Abdeljalil a presque été supplié par les Algériens. Le 15 novembre dernier, le président Bouteflika a même effectué un pénible voyage à Doha pour rencontrer l’homme fort du CNT. La rencontre, qui s’est déroulée sous l’égide de l’émir du Qatar, n’a rien donné de concret. Les Libyens ont continué à bouder l’Algérie jusqu’à cette visite du président du CNT. Pourtant, c’est l’Algérie qui a de bonnes raisons d’en vouloir au CNT. D’abord, en faisant appel aux troupes de l’OTAN, le CNT a commis l’irréparable et créé un précédent dangereux dans la région. Ensuite, durant la révolution, le CNT et son chef n’ont pas été tendres à l’égard du pouvoir algérien, l’accusant à maintes reprises de soutenir, avec armes et hommes, le régime de Kadhafi. Il était allé jusqu’à accuser Alger d’avoir envoyé des mercenaires pour combattre aux côtés des forces loyales à Kadhafi. Le CNT avait même porté l’affaire devant la Ligue arabe. L’Algérie s’est retrouvée au banc des accusés, obligée de se justifier devant le représentant des rebelles libyens.
Lors de sa visite à Alger, Mustapha Abdeljalil n’a pas eu un seul mot d’excuses ou de regrets sur les accusations qu’il avait portées contre l’Algérie. L’humiliation de trop pour un pays qui se donne le statut de puissance régionale, mais qui s’est retrouvé malmené par un régime libyen sans aucune légitimité électorale. Le président du CNT n’est pas encore celui de la Libye. M. Abdeljallil n’a pas été élu par son peuple. Son Conseil est même contesté par une partie de la population libyenne. L’accueillir à Alger comme un chef d’État illustre l’empressement d’Alger à normaliser ses relations avec un régime qui entretient de bonnes relations avec les puissances occidentales et le petit émirat du Qatar.