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| Qui se souvient du 11 décembre 1960 à Alger ? | |
| | Auteur | Message |
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Oussan
Nombre de messages : 274 Date d'inscription : 05/04/2007
| Sujet: Qui se souvient du 11 décembre 1960 à Alger ? Jeu 13 Déc - 0:44 | |
| Ce jour-là, pour avoir manqué, rue d'Isly à proximité de ce qui fut le Casino, de recevoir sur la tête un pot de fleurs jeté du 4è étage et de toutes ses forces par une jeune femme pied-noir, je peux dire qu'il est resté bien gravé dans ma mémoire. L'incident s'est produit, en début d'après-midi, à un moment où, avec deux ou trois camarades d'école, nous nous préparions à lancer la première manifestation nationaliste dans le quartier dit pied-noir. Dépliant alors quelques drapeaux fraîchement bricolés à la peinture, nous commencions à scander mollement les premiers cris de : "Algérie algérienne", quant ce fameux pot est venu s'écraser à grand fracas à quelques centimètres de l'un de nous. Plutôt que de nous forcer à nous disperser, cette violence ne réussit qu'à souder immédiatement nos rangs, en dépit de l'attroupement adverse qui se créait en même temps en face de nous. Notre groupuscule parvint, d'ailleurs, au bout de quelques enjambées, à drainer un monde de plus en plus nombreux, reprenant à gorge déployée les slogans que nous inventions au hasard de nos rencontres. Nous eûmes vite gagné la rue de la Lyre, puis la rue Randon qui lui est parallèle, nos rangs grossis désormais à perte de vue. Dans cette étroite rue Randon, les C.R.S. accourus à bord de camions nous avaient aussitôt encerclés et contenus en une masse compacte criant tout son saoul pour la libération de l'Algérie. Des dizaines de journalistes médusés, toutes nationalités confondues, nous observaient là, durant de longues heures, avant que nos rangs ne s'effilochassent à la tombée de la nuit. La fatigue et le froid aidant, nous nous retirions par les petites ruelles transversales conduisant à la rue de la Lyre, puis à la rue de Chartres, où nous disparaissions jusqu'au lendemain. Comme par miracle, ce fameux jour, les parachutistes, les territoriaux, et autres forces de l'ordre avaient, Dieu merci, disparu dans les rues. Sans quoi, des bains de sang auraient conclu cette bien grande manifestation qui a vu, pour la première fois, les Algérois sortir en grand nombre opposer, aux cris de l'Algérie française des pieds-noirs entonnés la veille, des revendications bien contraires, celles de l'Algérie algérienne, libre et indépendante.
Dernière édition par le Jeu 13 Déc - 9:20, édité 1 fois | |
| | | aeiou
Nombre de messages : 41 Date d'inscription : 14/06/2007
| Sujet: Re: Qui se souvient du 11 décembre 1960 à Alger ? Jeu 13 Déc - 1:19 | |
| J'ai aussi vécu ces journées (car il y en a eu plusieurs en fait) mais j'étais alors à Orléansville le 10 Décembre 1960... et j'ai eu l'opportunité d'y visualiser de très près le Général de Gaulle à l'intérieur de la Préfecture. J'avais 23 ans. Je suis dans l'obligation morale de dire et attester que ce sont les Officiers de l'armée française (notamment S.A.S, S.A.U. ou responsables de quartiers) qui ont, sur ordre, incité les " français musulmans" à manifester "en faveur de De Gaulle" contre "l'Algérie française" des Pieds-Noirs. Ce n'est pas une prise de position politique que j'exprime (j'étais pour l'indépendance) mais un constat historique et un témoignage. S'exprimant enfin par rapport aux tenants de l'Algérie française, des milliers de musulmans affirmaient alors, sous forme de slogans, pour l'Algérie algérienne, pour l'Algérie libre, contre l'Algérie francaise des seuls Pieds-Noirs... mais, à aucun moment, je n'ai entendu clamer "Tahia l'Istiqlal" ni "Algérie musulmanne" ni, a fortiori, Tahia FLN. Ce n'est que mon témoignage... que j'ai néanmoins recoupé avec d'autres témoignages historiques et non-militant ou partisans... concernant également d'autres villes. Ce n'était peut-être pas aussi simple que l'on veut nous le faire apparaitre et enseigner après-coup. | |
| | | Oussan
Nombre de messages : 274 Date d'inscription : 05/04/2007
| Sujet: Re: Qui se souvient du 11 décembre 1960 à Alger ? Jeu 13 Déc - 10:49 | |
| En vérité, si, tout au début, mes camarades et moi nous étions mis d'accord pour veiller sur le type de mots d'ordre à cibler, car nous étions bien conscients de la portée de certains autres qui eussent pu s'inscrire en travers de nos convictions, à la rue de la Lyre comme à la rue Randon, nous perdions bientôt le contrôle de ces slogans, des intrus jouant des muscles et de la voix balayant vite les nôtres. En toute franchise, je dois avouer que des cris d'Algérie musulmane, notamment, ont été alors entonnés aux lieu et place d'Algérie algérienne, un des motifs d'ailleurs qui m'avait poussé pour ma part à me retirer un peu plus tôt que mes camarades. S'agissant des journées précédentes, qui avaient été marquées, autant qu'il m'en souvienne, par le limogeage de Massu qui avait motivé l'érection des fameuses barricades de la rue Michelet, je garde encore le souvenir bien frais de notre visite sur les lieux qui a failli se terminer très mal pour mon compagnon et moi-même. La simple curiosité plutôt déplacée nous ayant alors conduits jusqu'à nous introduire au beau milieu de ces barricades pour voir de près ces jeunes blancs-becs pieds-noirs jouer aux apprentis guerriers, nous avons été aussitôt pris en charge par deux jeunes, armés de pistolets, qui nous avaient forcés à les suivre dans le hall d'un immeuble proche où ils ont entrepris de nous malmener. Prétextant avoir rendez-vous, ce jour-là, chez un oculiste, dans les parages, nous avons fini par être relâchés, au bout de quelques minutes de palabres. Mais sitôt qu'une certaine distance respectable nous eut séparé d'eux qui étaient restés figés au bas de l'escalier voisin, nous nous retournâmes vers eux pour leur faire un bras d'honneur avant de disparaître, à toutes jambes, sur les hauteurs. C'est, enfin, sur ce plateau des Glières, jouxtant la Grande poste, que s'est achevée dans le sang cette levée de barricades. 26 gardes mobiles, au moins, ont perdu la vie dans la fusillade déclenchée par les nervis d'Ortiz, à partir des balcons d'immeubles contigus. Dans cet état proche de la désagrégation de l'autorité centrale, Delouvrier, le ministre résidant, ayant lui-même quitté Alger par mesure de sécurité, les Algériens musulmans n'ont pas tardé à prendre le relais des manifestations pour leur propre cause, celle de l'indépendance. Il a été dit, effectivement, aieou, que les S.A.S. et S.A.U. avaient, pour nombre d'entre elles, joué un certain rôle dans le soulèvement de certains quartiers sensibles, comme Birmandreis ou Clos-Salembier à Alger, pour faire contrepoids aux manifestants pieds-noirs attachés à leur Algérie de papa. Mais, et cela je le tiens d'un ami ayant joué un grand rôle dans le maquis kabyle qui, à l'époque, contrôlait plus ou moins bien la capitale, le FLN a noyauté très vite les cercles de manifestants gagnés à la cause de l'indépendance. Cette reprise en main, inespérée quelques mois plus tôt, venait à point nommé pour effacer à la fois les traces d'une vraie défaite militaire que les opérations Jumelles, Pierres précieuses et autres avaient infligées aux combattants de l'ALN, d'un côté, et politique, de l'autre, avec la rencontre éventée du commandant si Salah et de ses compagnons avec de Gaulle à l'Elysée, qui avait pour but de définir les conditions de reddition d'une frange de l'ALN de la Wilaya IV (dite d'Alger et ses environs). | |
| | | Ouahiba
Nombre de messages : 227 Date d'inscription : 14/05/2007
| Sujet: Re: Qui se souvient du 11 décembre 1960 à Alger ? Jeu 13 Déc - 12:04 | |
| Oussan a évoqué fort à propos cette histoire de si Salah, dont je ne connais que quelques bribes. Porté provisoirement aux commandes de la wilaya IV, au lendemain de la mort, en 1959, de son détenteur en titre, M'hamed Bouguerra, le commandant si Salah a fini par se rapprocher des autorités françaises pour amorcer un dialogue devant conduire à une reddition négociée des éléments placés sous ses ordres.
N'est-ce pas sur le cadavre de cet officier supérieur que son compagnon, Youcef Khatib, dit si Hassan, candidat malchanceux aux présidentielles de 1999, s'est frayé le chemin de l'ascension vers le commandement de la wilaya IV ? Je me suis même laissé dire que ce dernier cultivait, à son égard, un grave complexe d'infériorité. Plus intelligent, a-t-on dit, si Salah éprouvait, de son côté, quelque mépris assez prononcé pour son challenger, militairement peu combatif mais de prétentions néanmoins excessives.
D'ailleurs, le commandant Azzedine, dans "Et Alger ne brûla pas", page 38" n'est pas bien tendre pour ce colonel, dit parvenu : "Youssef Khatib, dit Si-Hassan, ancien étudiant en seconde année de médecine, est un homme expéditif et arrogant. Responsable de l’infirmerie de la Wilaya, il a gravi les échelons de la hiérarchie grâce à son zèle durant les purges". C'est pourquoi prête-t-on à ce Youssef Khatib les manigances ayant eu pour effet d'éliminer physiquement son concurrent Si Salah, Mohamed Zamoum, de son vrai nom. | |
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