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 Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier

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M'hand

M'hand


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MessageSujet: Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier   Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier EmptyMar 31 Mai - 10:19

El-Watan du 19 décembre 2010 avait publié un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, à l'occasion de son décès survenu le 6. Ce papier avait échappé à l'attention de nombreux lecteurs et particulièrement de Thilelli. Le voici, pour corriger une omission regrettable.
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El-Watan - 19 décembre 2010
par Redouane Aïnad Tabet(*)

Un fidèle ami de l’Algérie nous quitte

Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier Andra_10André Prenant est en effet décédé le lundi 6 décembre 2010, à l’âge de 84 ans. Des décennies bien remplies par un engagement sans faille pour les causes justes, dont celle de l’Algérie où il est venu des la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours de celle-ci, encore adolescent, il s’était déjà engagé dans la résistance à l’occupation allemande avec son père, Marcel, un biologiste de renom.

En 1944, André Prenant a échappé de justesse, grâce à son courage, aux agents de la Gestapo venus fouiller la demeure familiale, après l’arrestation de son père et ce, avant de rejoindre lui-même le maquis et les réseaux de la résistance, dont celui du Colonel Fabien. Aussitôt la guerre finie, il a repris ses études de géographie et s’est intéressé à l’Algérie. Il est alors venu pour des travaux de recherche à Sétif, en 1946. Dans cette ville et dans tout l’Est constantinois qui venait de subir la terrible et inhumaine répression, durant plus d’un mois, à partir du 8 mai 1945, André Prenant a pu constater sur place les séquelles des horribles massacres individuels et collectifs.

C’était, ici aussi, le temps de la peur et des malheurs. Mais, le jeune André Prenant ne rencontrera pas un autre lycéen, arrêté à l’âge de 16 ans, répondant au nom de Kateb Yacine et dont la mère, devenue folle, sera internée durant de longues années à l’hôpital psychiatrique de Blida, à cause de cela! Mais, ses yeux se sont aussi «dessillés» pour reprendre l’expression de notre écrivain. André Prenant reviendra à Alger, de 1949 à 1953, pour enseigner dans l’ex-lycée Gauthier, former de jeunes algériens et surtout constater, sur place, les injustices du système colonial. Militant communiste, il ne cessera d’alerter, de l’intérieur, le PCF pour que celui-ci change de politique vis-à-vis de cette Algérie opprimée qu’il a appris à aimer sincèrement et durablement. Il avait alors écrit : « Je suis frappé par la similitude du problème pour les Algériens à l’égard de la France et la position que nous avions à l’égard de l’ Allemagne. Pour moi, c’était la même chose ».

La fin de la guerre d’indépendance approchant, il participe avec Yves Lacoste et André Nouschi à la rédaction d’un livre intitulé L’Algérie, passé et présent, publié fin 1960 et préfacé par le Professeur à la Sorbonne Jean Drech. L’ouvrage deviendra le livre de chevet de toute l’intelligentsia algérienne avide de mieux connaître sa véritable Histoire, de tous les nouveaux étudiants venant après ceux qui, un certain 19 mai 1956, avaient déserté les lycées et les facultés françaises pour rejoindre les maquis de l’ALN. André Prenant reviendra de nouveau en Algérie en qualité de maître de conférences, pour enseigner à l’Université d’Alger, de 1962 à 1966, ou pour animer des séminaires à l’Université d’Oran, nouvellement créée. Il se fera alors de nombreux amis parmi ses étudiants, dont feu Omar Bouchenaki, Nadir Boumaâza ou Bouziane Semmoud notamment, avec lequel il cosignera une autre livre intitulé Maghreb et Moyen-Orient, Espaces et Sociétés.

C’est à cette date justement, en I966, que Pierre Estorges organisa un voyage d’études, sur le terrain, pour les étudiants d’histoire et de géographie, dans l’est et le nord du Sahara algérien. Au passage, André Prenant rejoignit la caravane à Sétif, donnant au fur et à mesure des explications précises sur cette région de l’Algérie qu’il connaissait particulièrement bien. Arrivé à l’oasis de Tolga, il se détacha du groupe pour aller discuter avec un paysan qui se trouvait là par hasard. Il revint ensuite pour nous répéter ce dicton qu’il venait d’apprendre de ce paysan analphabète : « Es sama li Rabi oua el ard li Ben Tobi » (Le ciel est à Dieu et la terre est à Ben Tobi). Ce dernier était, semble-t-il, un des derniers féodaux de la région que la colonisation agraire n’avait ni cantonné ni réduit à l’état d’ouvrier saisonnier sur la terre de ses ancêtres.

L’anecdote, vécue, illustre la méthode et l’analyse marxistes du militant communiste engagé qu’il n’a jamais cessé d’être. Trente ans plus tard, en 1996, lors de la présentation du livre intitulé, cette fois-ci, 8 Mai I945, le génocide, en guise de réponse indirecte à une loi scélérate de 2005, aussi anti-scientifique qu’insultante pour toutes le victimes du colonialisme, aussi bien en Indochine, à Madagascar, dans l’Afrique de l’Ouest qu’au Maghreb... Deux autres professeurs dont André Prenant étaient invités au Centre Culturel Algérien, à Paris. Lors du débat, l’autre professeur récusa cette qualification des massacres en masse programmés, mais les auditeurs, algériens en majorité, prirent la parole pour donner leur point de vue ou apporter leurs témoignages sur ces crimes contre l’humanité. C’est alors qu’André Prenant, toujours fidèle à lui-même et à l’Algérie, déclara pour mettre tout le monde d’accord : « Certes, on peut parler d’une tentative génocidaire. »

C’est aussi un autre témoignage vécu. Il est vrai que dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de génocide total. Même les peaux-rouges d’Amérique ou les Arborigènes d’Australie n’ont pas été exterminés jusqu’au dernier et, d’ailleurs, ces derniers viennent de recevoir les excuses officielles et publiques du gouvernement australien.

Finalement, André Prenant a fait partie de ces intellectuels français conscients qui sont venus en Algérie, l’indépendance acquise, pour aider ce peuple à se reconstruire après la longue nuit coloniale, puisqu’il faut reprendre l’expression de feu Ferhat Abbas. Citons parmi eux le recteur André Mandouze, le Saint-Augustinien, qui avait soutenu le juste combat des Algériens jusqu’à être emprisonné et expulsé ; Pierre Salama, le César du droit romain ; Paul-Albert Février, le spécialiste de l’Afrique antique jusqu’aux limes ou Ch. E. Dufourcq, né à Alger, qui a consacré 18 ans de sa vie pour faire une thèse de doctorat sur les relations entre la Catalogne et le Maghreb ; Pierre Estorges, cet enfant de Constantine qui connaissait aussi bien la géologie que la géographie de l’Algérie, ou son collègue Maurice Benchetrit ; Georges Labica et Etienne Balibar en philosophie ; René Galissot qui avait l’art de rendre vivante l’histoire contemporaine ; le professeur Jacques Peyréga qui a eu le courage de dénoncer, en 1957, l’exécution sommaire d’un Algérien dans une rue d’Alger et formé aussi les premiers économistes algériens... La liste n’est évidemment pas exhaustive mais, tous, à l’instar
d’André Prenant, ont contribué à la formation de la nouvelle intelligentsia algérienne, à estomper un tant soit peu les affres de la colonisation et à donner une autre image de la véritable France. Qu’ils en soient tous remerciés à travers cet hommage rendu à André Prenant.
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(*) Ancien directeur général des Archives nationales, ancien maître-assistant à l’Université d’Alger.

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MessageSujet: Re: Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier   Un hommage à un illustre ami de l'Algérie, André Prenant, décédé en décembre dernier EmptyMar 31 Mai - 10:49

El-Watan a inséré le même jour un autre hommage écrit par Gilbert Meynier, un professeur émérite de l'université de Lyon, qui se veut aussi un témoignage vibrant du disparu. Le voici :
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Franc-tireur courageux, manifestant infatigable
Hommage à André Prenant

Issu d’une élite intellectuelle parisienne, il avait pour grand père Auguste Prenant (1886-1927), médecin histologiste, dreyfusiste et libre-penseur. Sa mère, Lucie, était sévrienne et agrégée de philosophie ; sa sœur aînée, Jeannette Colombel, fut elle aussi philosophe, sartrienne et militante de la gauche de la gauche. Son père Marcel (1893-1983), était un biologiste renommé, professeur à la Sorbonne et au Collège de France, également à distance, d’une part de Mandel, de Lamarck et du darwinisme, et d’autre part de la «science populaire» lyssenkiste — entendons officielle soviétique. Il fut pourtant un ardent militant du PCF et un grand résistant, en Haute Saône, aux côtés de Pierre Durand, futur rédacteur en chef adjoint de L’Humanité. Devenu chef d’état-major des FTP, il fut arrêté et déporté à Neuengamme en juin 1944.

Son fils André échappe de justesse aux agents nazis venus l’arrêter. Il rejoint au printemps 1944 le maquis d’Achères, près de Fontainebleau. Après le démantèlement du maquis, on le retrouve adjoint du colonel Fabien et résistant sur les marges Lorraine-Luxembourg-Belgique jusqu’à l’arrivée des forces américaines ; puis, il suit jusqu’en Allemagne les destins de l’armée de Lattre. Jeune adhérent au PCF, baignant dans un milieu familial militant, André a été tôt engagé en politique. Il est, après-guerre, un inébranlable militant communiste, un temps aux côtés, entre autres, d’Annie Kriegel. Jeune militant, il distribue force tracts devant l’Institut de Géographie de Paris, à l’angle des rues Gay Lussac et Saint Jacques, où se trouvait naguère la bibliothèque Augustin Bernard, bien connue des chercheurs voués à l’étude du Maghreb.

André Prenant est reçu premier à l’agrégation de géographie en 1948. Géographe pur, on lui doit plusieurs écrits sur l’Algérie, du Constantinois à la région de Tlemcen, de la géomorphologie à la démographie. Il est, avec son aîné André Nouschi et son puîné Yves Lacoste, l’un des auteurs de L’Algérie, passé et présent(1) paru en 1960. Nonobstant la marque de fabrique communiste des Editions sociales, ce livre, riche d’approches nouvelles, marque une étape décisive dans l’historiographie décolonisée de l’Algérie. Et pourtant, les auteurs avaient bataillé entre eux — le superviseur et préfacier Jean Dresch dut arbitrer notamment entre Nouschi et Prenant pour aboutir à la version définitive du tome 1.

Mais le tome 2 qui devait suivre ne parut jamais — le public eut droit au passé, pas au présent : le PCF dut redouter que soient abordées ses positions relatives à la guerre d’indépendance algérienne, mise à jour la prégnance de sa stratégie de Front populaire et son cautionnement de l’engagement dans la guerre coloniale(2). Et, aux temps premiers de l’Algérie indépendante, il aurait été, aussi, incongru de jeter un regard un tant soit peu critique sur le jeune pouvoir algérien. Elargissant ultérieurement ses centres d’intérêt, André Prenant publie aussi en 1997 un livre remarqué, écrit avec Bouziane Semmoud, englobant Maghreb et Proche-Oriene(3). Sa thèse de doctorat, qui devait traiter de l’évolution démographique de l’Algérie, avait été entreprise sous la direction de Jean Dresch. Ce dernier lui fit bénéficier à partir de 1954, plusieurs années durant, de l’aide du CNRS.

La thèse fut pourtant sans cesse ajournée et elle ne fut finalement jamais soutenue. André Prenant, sans cesse sur le qui-vive, toujours à la pointe de la recherche, avait d’autres chantiers plus immédiats — il fut entre autres conseiller de l’Algérie pour les recensements de 1966 et de 1977. Il eut aussi de douloureux soucis personnels/familiaux, qui durent s’ajouter aux tiraillements intimes que lui valaient ses convictions politiques affirmées. Parmi les trois auteurs, tous originellement communistes, de L’Algérie, passé et présent, il est celui qui quitte le parti en dernier, probablement au moment où Georges Marchais est remplacé à sa tête par Robert Hue en 1984 — André Nouschi, lui, l’avait quitté dès 1948, Yves Lacoste en 1956. Malgré ses désaccords avec le parti, André Prenant resta au parti quatre décennies durant. Résolument dressé contre le coup d’Etat du 13 mai 1958, puis contre l’OAS, il fut aussi, dans une modestie qui répugne à l’auto-héroïsation, un opposant politique de la Ve République. Témoin sensible de l’intérieur, et dans la douleur, des blocages communistes, il fut à la fois internationaliste et Français de France.

A l’endroit du PCF, il voyait sans doute où le bât blessait, il savait concevoir, sinon formuler des critiques idoines de veine libertaire, tout en ployant sous la nécessité de leur incarnation par un parti proclamé révolutionnaire, fût-il aux antipodes de l’approche libertaire, et englué dans ses stratégies de pouvoir franco-françaises. André Prenant était de naturel entier et impulsif. Je l’ai rencontré une première fois à Alger en 1963. L’entrevue fut aigre-douce quand fut abordé l’anticolonialisme du PCF. J’eus alors le sentiment que, si André Prenant n’était peut-être pas sur le fond en désaccord avec ce que lui lançait le jeune effronté, il s’irritait qu’on en pût parler avec une ordinaire liberté de ton insoucieuse des dogmes et des monuments.

Epris de l’Algérie, il s’y rendit dès 1946. Il fut nommé professeur à Alger en 1949 ; il y enseigna jusqu’en 1953 au « petit lycée» de Mustapha — le lycée Gautier —, avant de rejoindre la Sorbonne comme assistant, et, in fine, l’université de Paris VII-Jussieu. Entre-temps, il avait choisi de retourner à Alger où il enseigna à l’université de 1962 à 1966. Il fit partie de cette génération de «Pieds- rouges», qui épousèrent alors les espoirs que l’Algérie indépendante suscitait de par le monde. Cela ne l’empêcha pas de formuler en privé des critiques sur l’appareil politique dirigeant, sa politique économique et sa phraséologie islamo-révolutionnaire. Je rencontrai André Prenant une deuxième fois, à Paris en 1992, alors que je co-dirigeais, avec Annie Rey-Goldzeiguer, le DEA Maghreb à l’université Paris III - Sorbonne nouvelle. Nous abordâmes alors la question de l’appareil de pouvoir qui enserrait l’Algérie. Il fut visiblement contrarié qu’un autre que lui s’essaie à cet examen critique : le jeune quinqua que j’étais alors disait les choses crûment en essayant de les théoriser dans la lignée des réflexions de Max Weber sur la bureaucratie à domination légale et du Gramsci analyste des dégénérescences bureaucratiques— c’était, il est vrai, avant le climax de la décennie noire.

André Prenant ne cessa jamais, ni de tenter de promouvoir les liens entre Algériens et Français ni d’être attentif à l’Algérie. Il manifesta sa solidarité avec les opposants algériens persécutés, emprisonnés et torturés, dont les militants du PAGS, le parti communiste algérien clandestin ; cela alors que le PCF privilégia longtemps les relations avec un pouvoir d’Etat algérien qui à l’époque Boumediène se réclamait démonstrativement du socialisme, tout en travestissant la nécessaire arabisation au nom d’un Islam formel dogmatisé non moins démonstrativement en rituel identitaire réactionnaire.

Pendant la décennie noire, André Prenant critiqua à la fois le pouvoir algérien rentier de l’appareil militaire et l’islamisme militant, lequel provenait pour moi, certes des blocages et des ressentiments accumulés, mais aussi, volens nolens du moule d’un authentique obscurantisme d’Etat. Il y avait chez André Prenant une droiture militante, mais, devant se mouvoir entre plusieurs feux, elle était troublée dans la mesure où la réalité ne correspondait guère à ce qu’il avait pu rêver, à la ligne qui symbolisa si longtemps ses rêves : la butte témoin symbole de ses rêves était le Parti. Mais, même après l’avoir quitté, il resta jusqu’au bout un homme de conviction actif, un franc-tireur courageux, un manifestant infatigable : le même militant, le même internationaliste, toujours français, toujours ami de l’Algérie, toujours promoteur des liens entre les deux rives de la Méditerranée. Ces rapports désormais se construiront sans lui mais, espérons-le, dans l’inspiration que son engagement, toute sa vie durant, voulut leur donner.
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Notes de renvoi :

1) Editions sociales, Paris, 1960, 453 p.
2) L’Humanité du 28 février 1956 avait titré « Guy Mollet aux Algériens : guerre à outrance si vous ne déposez pas les armes! ». Et le 12 mars, les 146 députés communistes votaient les pouvoirs spéciaux au gouvernement Guy Mollet.
3) Maghreb et Moyen-Orient. Espaces et sociétés, Ellipse, Paris, 1997, 256 p.

Gilbert Meynier





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