Le départ de Tabbou inaugure-t-il des moeurs nouvelles ?

Comme surprise, la démission de Tabbou, premier secrétaire du FFS, en est vraiment une, dans un pays où les responsables politiques à tous les niveaux se considèrent toujours si indispensables qu'il faut souvent attendre la mort pour venir les déloger.

Le premier exemple est à prendre au niveau de son parti, lui-même, où le président Aït-Ahmed, dit le zaïm, reste toujours rivé à son poste, à quatre-vingts ans passés. Il est bien trop loin de penser à sa succession et moins encore à s'y préparer. Manifestement, comme nombre de ses semblables, dirigeants de partis ou des affaires publiques, ce responsable reste l'exemple type des personnages trop imbus de leur personne pour ne pas céder au devoir de passer la main, en ordre tant qu'il est encore temps.

Tabbou, qui justifie son départ par son échec, se découvre à ce titre un double mérite : celui de tirer sa révérence après avoir constaté par lui-même ses limites ; celui encore de se sacrifier comme exemple à suivre. Et là-dessus, il donne une leçon de sagesse à méditer.

L'Algérie et ses partis politiques ne souffrent pas seulement en effet de l'incompétence et de l'indigence intellectuelle des dirigeants, mais surtout de l'égoïsme et de la fatuité de ces derniers à se surclasser, obstruant ainsi l'avenir tout entier de millions de leurs compatriotes. Le plus croustillant est encore de constater pareille perception négative des choses dans les partis qui se revendiquent eux-mêmes de la démocratie.

Aussi, faut-il envoyer un bon coup de chapeau à ce jeune Tabbou - il n'a que 33 ans -, pour son geste éminemment considérable, en souhaitant qu'il serve comme valeur d'exemple !

Le président du parti FFS, Hocine Aït-Ahmed, vient de rejeter la démission présentée par son adjoint, Karim Tabbou, par un message, envoyé de Lausanne où il réside, lu en pleine assemblée du Conseil national réuni jeudi en session extraordinaire.

"Depuis sa désignation, Karim Tabbou a su remplir des missions importantes. La remise en ordre du parti et la remobilisation de la base militante en vue de forcer l'ouverture politique et mettre fin à la politique des sables mouvants", est-il écrit dans le message qui ajoute : "J'apprécie toujours sa contribution décisive à la tenue des échéances internes... Aujourd'hui, j'apprécie également la remise spontanée et responsable de son mandat. C'est un acte moral, militant et politique. C'est enfin un acte révolutionnaire. Aussi, je le confirme au poste de premier secrétaire pour accomplir les missions qui nous attendent." Tabbou ne pouvait en espérer tant, venant d'un homme si lunatique et dont les décisions ont souvent laissé de glace ses collaborateurs les plus sûrs et les plus fervents du moment.

Malheureusement, dans la situation qui est celle tellement dégradée du FFS d'aujourd'hui, il faudra sans nul doute autre chose que des solutions de replâtrage pour se tirer du gué. Mené à la hussarde par un homme d'un autre âge, d'un autre siècle, refusant obstinément tout partage du pouvoir en décidant seul, en potentat, des destinées du parti, le FFS a essaimé quasiment les meilleurs des siens, et notamment de son encadrement. Faute de se ressaisir à bref délai, tant que le maître à bord se trouve encore en possession de ses sens, pour corriger sa trajectoire, il est à craindre qu'il s'éteigne simultanément avec son fondateur.