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 °FRANCE : La campagne [présidentielle] vue d'ailleurs : un 12/20

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Jean-Marc

Jean-Marc


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Date d'inscription : 13/07/2007

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MessageSujet: °FRANCE : La campagne [présidentielle] vue d'ailleurs : un 12/20   °FRANCE : La campagne [présidentielle] vue d'ailleurs : un 12/20 EmptyJeu 5 Avr - 17:31

LE MONDE | 05.04.2012
par Alain Frachon

"La plus frivole des élections occidentales", dit The Economist. En couverture de cette édition du 31 mars, campant deux des personnages du Déjeuner sur l'herbe d'Édouard Manet, Nicolas Sarkozy et François Hollande devisent aimablement en galante compagnie. "La France est dans le déni, tance l'hebdomadaire britannique. Ses dirigeants politiques ignorent les difficultés économiques du pays et, ce faisant, les rendent plus difficiles à résoudre."

La presse européenne nous fait la leçon. La campagne électorale manquerait de sérieux. Elle ignorerait ou minimiserait les maux du pays. Elle s'égarerait en polémiques marginales. Elle trancherait par une désinvolture peu adaptée à ces temps de crise.

À Munich, le grand quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung écrit : "Le chômage qui augmente depuis des années, ce n'est pas un sujet. Le déficit abyssal du commerce extérieur ou le manque de compétitivité des entreprises ? Rien. L'immense dette publique à la charge des générations futures ? Rien." Dans le Financial Times, l'excellent Philip Stephens, francophile pro-européen, commente nos joutes politiques de façon plus aimable mais pas moins sévère. "Ce qui frappe les observateurs extérieurs dans le déroulement de cette bataille présidentielle, dit-il, c'est qu'ils semblent présupposer ou prétendre que la France est une île."

La charge est injuste. Chez nos voisins comme aux États-Unis, les élections sont un moment de repli national. Elles ignorent le plus souvent l'environnement étranger. Elles puisent dans de vieilles passions locales et dans toutes les recettes de la séduction politique. En France comme ailleurs. Et comparée aux primaires républicaines aux États-Unis, la compétition électorale française a des allures de grand oral de l'ENA.

Mais nos confrères ont raison sur un point, essentiel. Cette campagne devrait tourner autour de deux sujets majeurs qui plombent l'avenir : la dette publique et la perte de compétitivité de la France dans une économie mondialisée.

1. L'endettement public. Nicolas Sarkozy et François Hollande assurent, certes, qu'ils mèneront une politique budgétaire responsable. L'un et l'autre entendent respecter un calendrier ramenant le déficit des finances publiques à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013. M. Sarkozy peut faire valoir qu'il tient ses promesses et même au-delà : avec 5,2 % en 2011, il est en avance sur le rééquilibrage du budget de l'État. Il veut équilibrer les comptes en 2016, son adversaire socialiste en 2017.

Cela n'enraye pas la progression d'une dette publique (ensemble des déficits cumulés) qui nous rapproche plus de l'Espagne que de l'Allemagne, atteint près de 90 % du PIB et, à l'horizon 2015, s'envole vers les 100 %. La dette de la France a explosé ces cinq dernières années. Ce n'est pas seulement du fait des mesures de soutien engagées par l'État depuis 2008 pour lutter contre les effets de la crise venue de Wall Street. C'est structurel, le poids de quarante années d'endettement.

En France, la dépense publique représente 55,9 % du PIB, quand la moyenne des pays européens se situe plutôt autour de 43 %. La pression fiscale est de type scandinave (43,8 % du PIB), mais pas le niveau des prestations publiques, inférieures, elles, à celles du Danemark ou de la Suède.

Où est le débat sur la corrélation entre faible croissance et poids de la dette nationale ? Où est le débat sur les moyens de réduire la dépense publique ? Qui aborde les questions de fond : à quoi doit ressembler l'État-providence européen du XXIe siècle et comment le financer dans un contexte de croissance anémique durable ?

2. La compétitivité. Les Français ont bien raison de discuter des mérites de la mondialisation. Les Américains, chez les républicains comme chez les démocrates, le font avec une virulence qui donne à la France l'allure d'un pays radicalement libre-échangiste. Curieux : quand cela se passe aux États-Unis, cela ne chiffonne pas les éditorialistes de The Economist !

Les Français sont comme nombre d'Américains et d'Européens. Ils savent que la globalisation des échanges a tiré des centaines de millions de gens du sous-développement. Mais l'extension planétaire des marchés a ses revers. Personne n'est mieux placé pour le savoir que le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans un article publié par le site The Globalist, Pascal Lamy pointe trois échecs de la globalisation telle qu'elle est vécue en Europe et aux États-Unis : elle se traduit par une croissance qui entretient d'intolérables inégalités, des niveaux de chômage sans précédent et une volatilité financière sans cesse menaçante.

Le résultat est une "précarisation globale", volontiers attribuée à la concurrence d'économies émergentes, à commencer par celle de la Chine, qui ne sont pas soumises aux mêmes normes que les nôtres. Droite et gauche françaises réagissent de manière identique : protégeons-nous. Nicolas Sarkozy réclame un "Buy European Act" qui donnerait à l'Union européenne les moyens d'égaliser un peu les conditions de concurrence (comprendre : face à la Chine). Les socialistes français prônent le "juste échange", ce qui veut dire la même chose.

Le problème est que la France perd des parts de marché depuis plus de dix ans, non pas au profit d'entreprises appartenant à des pays du Sud émergent, mais au bénéfice d'autres pays européens. Notre mal-être dans la mondialisation tient plus à une perte de compétitivité à l'intérieur de l'Europe que face à la Chine. Celle-ci ne représente que 8 % de notre commerce extérieur, lequel se fait à plus de 60 % avec les autres pays de l'Union européenne.

C'est dans la zone euro que se creuse, année après année, le déficit commercial de la France : "Nous faisons les trois quarts de nos échanges avec des pays qui partagent les mêmes standards sociaux et environnementaux que nous", rappelle le professeur Zaki Laïdi, de Sciences Po. Notre critique de la mondialisation n'est souvent qu'une manière de masquer nos faiblesses et d'occulter des performances économiques déclinantes.

Cela mériterait qu'on en parle plus, même en période électorale.
frachon@lemonde.fr

(http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/05/la-campagne-vue-d-ailleurs-un-12-20_1681132_3232.html)

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