latribune.fr, avec AFP - 31.03.2012
Les deux plate-formes d'édition de microblogs Sina Weibo et Tencent, dont sont friands les internautes, ont interdit la mise en ligne des commentaires, et fermé les nouvelles inscriptions. Elles servaient jusque-là aux internautes à s'exprimer contre le pouvoir en place. La police chinoise a aussi procédé à plus de 1.000 arrestations.
Pour qui l’aurait oublié, la Chine a rappelé ce week-end que la Toile n’était pas un lieu de liberté dans l’Empire du Milieu. D'importantes restrictions d'utilisation des microblogs (ces mini messages de 140 signes), la fermeture de plusieurs sites internet et l'arrestation de personnes accusées d'être à l'origine de "rumeurs" de coup d'État à Pékin ont été annoncées. La police chinoise a arrêté un total de 1.065 suspects et effacé plus de 208.000 messages "nuisibles" au cours de la campagne anti-internet menée depuis la mi-février, a annoncé samedi l'agence officielle chinoise. Les opérateurs de plus de 3.000 sites internet ont reçu des avertissements dans cette campagne visant, explique l'agence Chine nouvelle, la contrebande d'armes, de drogues, de produits chimiques dangereux, ainsi que la vente d'organes humains et d'informations personnelles.
Ce durcissement intervient 15 jours après le limogeage du de Bo Xilai, secrétaire général du parti de l'agglomération chinoise de Chongqing par le pouvoir central, un coup de tonnerre politique qui a brisé l'image d'unité que souhaite donner le Parti communiste chinois. Coup d’État en préparation, coups de feu dans la ville, répression policière, toutes les spéculations ont circulé sur la Toile.
Ainsi, les deux principaux services de microblogs chinois, Sina Weibo et Tencent QQ, ont suspendu samedi la possibilité pour les internautes de mettre en ligne des commentaires, officiellement afin de lutter contre les "rumeurs nuisibles". Cette mesure restera en vigueur jusqu'au 3 avril, alors que les autorités montrent une nervosité croissante face au flot de critiques véhiculées par les microblogs. Ces messages de 140 idéogrammes (sur le modèle de Twitter) sont très populaires chez les Chinois pour se plaindre d'abus ou dénoncer des scandales. Selon les observateurs, ils jouent un rôle crucial pour façonner l'opinion publique. "Les rumeurs et les informations illégales et nuisibles propagées par microblog ont eu des mauvaises répercussions sociales", a justifié Tencent.
"Les commentaires contiennent une vaste quantité d'informations nuisibles. Il est nécessaire de procéder à un nettoyage", a insisté ce poids lourd des réseaux sociaux, de la messagerie instantanée et du microblogging en Chine. "Du 31 mars 08H00 au 3 avril 08H00 la fonction commentaire de Weibo sera temporairement suspendue", a de son côté indiqué Sina, qui possède le premier service de microblogging du pays, Sina Weibo. Depuis le 16 mars, il est théoriquement impossible d'ouvrir un compte de microblog sous un nom d'emprunt, même si cette mesure ne semble pas appliquée de façon systématique. La censure est déjà draconienne en Chine, où sont bloqués Twitter, Facebook et Youtube. Mais ce nouvel accès de sévérité révolte les internautes. "Couper les commentaires de tous les utilisateurs de microblogs est une grave atteinte à la liberté d'expression et cela restera gravé dans l'Histoire", a jugé Lawyer 80, sur weibo.com. Peng Xiaoyun, un autre cyberactiviste, a appelé ses pairs à se mobiliser en craignant une aggravation de la répression.
"Si vous restez silencieux aujourd'hui tandis que les commentaires sont coupés, alors vous continuerez à vous taire demain quand les microblogs seront fermés et tout le monde se taira le jour où vous serez arrêté", a-t-il mis en garde. Peng a précisé qu'il "déménageait" sur Google+. Comme lui d'autres internautes appelaient à quitter les systèmes chinois pour des réseaux sociaux étrangers (Facebook, Twitter), même s'il faut contourner la censure pour les consulter en Chine.
Les autorités chinoises ont par ailleurs imposé la fermeture de 16 sites web et arrêté six personnes pour "création et propagation de rumeurs", a annoncé samedi Chine nouvelle. Selon la police citée par l'agence officielle, on reproche à ces sites d'avoir rapporté "l'entrée à Pékin de véhicules militaires ainsi que des choses qui ne tourneraient pas rond à Pékin". Toujours d'après la police, un nombre non précisé d'utilisateurs du Net ont été "admonestés et éduqués" pour avoir diffusé ces rumeurs qui, la semaine dernière, ont emballé les forums de discussion. La Chine, où la presse est muselée par l'État, compte plus d'un demi-milliard d'internautes et plus de 300 millions de comptes weibo enregistrés. Les autorités ont ces derniers mois resserré leur étau sur cette vaste communauté. Le PC chinois, parti unique au pouvoir, a suivi d'un œil inquiet le printemps arabe, sachant bien le rôle joué par les réseaux sociaux qui ont servi d'outil de mobilisation rapide et anonyme pour les militants pro-démocratie.
(http://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20120331trib000691281/la-chine-accroit-la-censure-sur-la-toile.html)