JDD.fr - 27.01.2012
par Amaury Brelet
Le célèbre réseau social a annoncé jeudi que ses messages seront désormais filtrés en accord avec les législations propres à chaque pays. La Toile crie à la « censure ».
Nouveau coup dur pour la liberté sur Internet. Twitter a annoncé jeudi sur son site officiel que les messages considérés illégaux au regard de la loi de chaque pays seront désormais bloqués et rendus invisibles. "Au fur et à mesure que nous nous développons à l'international, nous allons dans des pays qui ont diverses positions sur la liberté d'expression", se justifie le réseau social, qui comprend plus de 300 millions d’utilisateurs. "Certains divergent tellement de nos idées que nous ne pouvons pas y exister. D'autres nous ressemblent mais, pour des raisons historiques ou culturelles, interdisent certains messages, comme la France ou l'Allemagne, qui interdisent les messages pro-nazi", ajoute le site.
Sans jamais utiliser le mot "censure ", Twitter indique qu’il s’autorise "à retirer rétroactivement du contenu pour les utilisateurs de certains pays, tout en le laissant disponible dans le reste du monde". Les internautes sanctionnés recevront une explication personnalisée du site de micro-blogging, qui signalera ses remarques sur le site indépendant ChillingEffects.org. Aux États-Unis, la firme se contentait jusqu’à présent de ne supprimer que les messages jugés contraires au droit américain et pointant le plus souvent vers des sites de téléchargement illégal. Tout tweet filtré l’était alors dans le monde entier.
"Mauvaise nouvelle pour la liberté d’expression en ligne"
La nouvelle connue, les réactions n’ont pas tardé. "Twitter commet un suicide social", affirme Mark Gibbs, spécialiste des nouvelles technologies chez Forbes. "Comment un programme pourrait déterminer avec exactitude qu'un message est pro-nazi?" Et le site spécialisé américain Gizmodo.com de demander : "Dans quelle mesure les bouleversements du printemps arabe auraient-ils été différents si Twitter avait adopté cette politique l'an dernier?" Contacté vendredi par l’AFP, l’organisation de défense des journalistes, Reporters sans frontières (RSF), dénonce de son côté une "mauvaise nouvelle pour la liberté d’expression en ligne" et une forme de "collaboration avec les censeurs".
"Twitter est un moyen de communication important, on a notamment vu le rôle joué par les réseaux sociaux lors des révolutions arabes", rappelle RSF. En Égypte, en Syrie, comme en Tunisie, les manifestants ont largement utilisé le réseau social pour communiquer et organiser la résistance. Pour l’instant, les contours de la nouvelle procédure annoncée par le site de micro-blogging restent encore flous."Va-t-il attendre une injonction de la justice? Est-ce qu'un simple coup de fil, comme cela s'est longtemps passé en Chine, du commissariat de police local suffira à enlever un message? Est-ce que cela fonctionnera par mots-clé interdits?" se demande RSF. Des questions en suspens auxquelles le réseau social devra répondre pour espérer faire taire les critiques.
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