Le Point.fr - 09/02/2012
par Anne Jeanblanc
Nausées, vomissements, toux, syndromes grippaux, c'est surtout la "bonne nature" des jeunes qui doit les aider à guérir.
Mauvaise nouvelle pour les parents. Même s'ils le savaient déjà depuis quelques mois, c'est ce matin qu'est entrée en vigueur la contre-indication formelle des spécialités à base de métoclopramide (le Primpéran, commercialisé depuis les années 60 et ses génériques) pour les jeunes de moins de 18 ans qui se plaignent de nausées et qui vomissent. L'Agence du médicament (Afssaps) a en effet décidé de limiter l'usage de ce médicament aux adultes. La commercialisation de ces spécialités à usage exclusivement pédiatrique était déjà interrompue depuis juillet 2011. Mais cette fois les lots qui restaient sur le marché ont été rappelés et tous les produits distribués doivent porter la mention "contre-indiqué chez l'enfant de moins de 18 ans", en attendant la mise à disposition de lots ayant une boîte et une notice mises à jour.
Le Primpéran est efficace contre les nausées et les vomissements de diverses origines (provoqués par une gastroentérite, un aliment mal accepté, ou induits par les chimiothérapies anticancéreuses). Il réduit les symptômes de ce réflexe de défense de l'organisme, mais sans en traiter la cause. Malheureusement, il a chez les enfants "un profil de risque défavorable avec un risque augmenté de survenue d'effets neurologiques", notamment de tremblements, de mouvements anormaux de la tête et du cou... (appelés troubles extrapyramidaux). Et ce risque augmente pour les doses élevées ou répétées. Ce qui est, selon l'Afssaps, d'autant moins acceptable que l'efficacité de ce traitement est insuffisante. Et qu'il existe des alternatives thérapeutiques. En cas de vomissements, l'agence rappelle qu'il est important de donner à l'enfant des boissons sucrées ou salées, en fractionnant les prises, pour éviter la déshydratation.
Une telle décision, même si elle est scientifiquement justifiée, plonge les parents dans le désarroi. Et accentue leur sentiment d'impuissance face à des problèmes, certes souvent bénins, mais qui font souffrir leurs enfants (et les obligent parfois à rester à leurs côtés). C'est notamment le cas de la toux. Les médicaments mucolytiques, mucofluidifiants et l'Hélicidine sont contre-indiqués chez le nourrisson depuis le 29 avril 2010. Dans la continuité de la réévaluation des traitements de ce problème chez l'enfant de moins de deux ans, l'Afssaps a aussi contre-indiqué l'utilisation des antitussifs antihistaminiques H1 de première génération et du fenspiride. Le risque d'effets indésirables étant supérieur au bénéfice escompté, ils ne sont plus délivrés en pharmacie pour les bébés de moins de deux ans depuis le 15 mars 2011. Mais il faut savoir qu'un jeune enfant en bonne santé fait en moyenne 7 à 10 épisodes par an d'infections respiratoires associées à une toux et que ce symptôme disparaît en général spontanément, mais dans un délai de 10 à 14 jours...
Enfin, les spécialistes estiment que les enfants prennent trop d'antibiotiques. Selon un article en août dernier dans la revue Nature et titré "Arrêtez le massacre des bactéries bénéfiques", un spécialiste new-yorkais des maladies infectieuses affirme qu'en moyenne un enfant habitant dans un pays développé a reçu 10 à 20 cures d'antibiotiques avant ses 18 ans. Malheureusement, une antibiothérapie, même courte, peut modifier durablement, voire définitivement, la composition de la flore intestinale. Alors, certes, ces médicaments éliminent les "mauvaises" bactéries, responsables d'infections, mais aussi potentiellement des germes utiles qui colonisent notre tube digestif. D'où cet appel à la moindre prescription de ces médicaments dont la consommation augmenterait les risques d'obésité, de diabète, voire de certains cancers digestifs. Ce qui peut entraîner parfois un temps un peu plus long avant la guérison (et le retour à l'école, tant attendu par les parents). Même si, évidemment, les antibiotiques, "c'est pas automatique".
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