Le Soir d'Algérie - 11.02.2012
La forte demande sur les bonbonnes de gaz a amené la protestation dans les zones les plus huppées de la capitale. Hier, à Staouéli, exactement au quartier La Bridja, à moins d’un kilomètre de la résidence du président Bouteflika de Sidi-Fredj, les protestataires ont recouru à la fermeture de la route menant à Sidi-Fredj.
Ils sont venus de Staouéli, Sidi-Fredj, Souidania, Zéralda, Oued Mazafran et sont dans l’attente d’une hypothétique livraison de gaz butane, sous la pluie, depuis trois jours pour certains. Ils ont usé de troncs d’arbre, de poteaux électriques, de pierres et de pneus pour obstruer la route, dès les premières heures de la journée. La circulation est restée ainsi bloquée jusqu’en début d’après-midi.
« Je ne sais pas s’ils vont le livrer aujourd’hui ou pas, mais, le problème se pose à l’échelle nationale, pas uniquement à La Bridja. Calmez-vous et dès qu’arrivera le camion de gaz, ce seront les gendarmes qui organiseront la distribution », a rassuré, dans ses palabres avec les protestataires, le maire de Staouéli qui habite à proximité de la station-service où une file de plusieurs dizaines de mètres s’est constituée et, juste à côté la route fut obstruée.
C’est que, se plaignent les gens, les livraisons de gaz butane sont cédées par les travailleurs de la station à des tiers, revendant la bonbonne à 1 000 DA et parfois plus. Or, la situation est plus pourrie qu’on ne l’imagine. Puisque la plupart des quartiers où habitent les protestataires sont raccordés au gaz naturel. « Sauf que pour se raccorder, l’on doit s’acquitter d’un pot-de-vin », affirme un père de famille, la trentaine, qui se dit scandalisé de ne pouvoir s’approvisionner en gaz dans un pays exportateur de gaz. « En plus des frais d’installation et du compteur, tu dois payer sous la table jusqu’à 40 000 DA, c’est à la tête du client », précise-t-il.
Bref, devant le dépôt de la station, des centaines de personnes constituent la file où l’on trouve des vieux, des handicapés et même des femmes âgées transportant des bonbonnes vides en attendant le camion de Naftal qui tarde à venir. « Il ne risque pas de venir aujourd’hui, je suppose, parce que le président ne travaille pas aujourd’hui. Hier, ils ont envoyé un camion juste pour détourner notre attention le temps que le cortège présidentiel passe. Gouloulhoum billi chaâb raw fahem (dites-leur que le peuple a compris, ndlr) », assène un jeunot. Et à un autre de répliquer : « Ils nous disent d’aller voter ! Moi je vote plutôt pour la bonbonne de gaz ! ». La route a été finalement débloquée et il n’y a, heureusement, pas eu d’affrontements.
Les appels à la raison ont finalement primé et les protestataires ont rejoint la file à l’intérieur de la station, à la vue des forces antiémeutes dépêchées par la Gendarmerie nationale. La circulation a repris son cours normal vers 13h.
Ce qui n’a pas empêché cette vieille au hayek qui passait par là, l’air nonchalant, laquelle s’est vue prise par l’objectif de notre photographe, et de lancer une boutade : « matsawerniche, yochoufni Bouteflika ygoul Aïcha tani maâhoum (ne me prends pas en photo, si Bouteflika me voit il va me prendre pour une protestataire, ndlr)».
L. H.