Il y a moins d'une semaine, mardi très exactement, le Roi Mohamed VI offrait un dîner fastueux à ses illustres hôtes, le Prince héritier d'Espagne, Felipe de Bourbon et son épouse, la Princesse des Asturies.
La vaisselle n'est peut-être pas encore faite que le père, Juan Carlos s'avise de suivre la trace de son fils, pour rendre visite dès demain, non aux ors de Rabat, mais aux petites enclaves espagnoles de Ceuta et Melila au Maroc.
Vu du Maroc, l'affront, impromptu et inédit, est tel que l'on décide promptement, à défaut de faire montre autrement de son indignation, de rappeler immédiatement son ambassadeur accrédité à Madrid, et ce, sans même se donner la peine d'appuyer un tel geste de dépit par quelque justification diplomatique.
Le royaume chérifien, qui, jusqu'ici, vantait tant l'excellence de ses relations avec l'Espagne, n'en revient pas de sa grande désillusion. Lui qui avait trop faussement cru, par le verbe, la diplomatie voire les courbettes, pouvoir venir à bout de la domination espagnole sur ces territoires occupés depuis plus de cinq siècles, doit déchanter. Sous les mêmes oripeaux, le colonisateur d'hier n'a jamais fait sa mue.
Il faut aussi dire que les provinces de Ceuta et Melila n'ont rien de commun avec le Rio de Oro, cet aride désert saharien que rien n'attire et dont l'Espagne s'est débarrassé à bon compte, en 1974/75, à un moment charnière où le pays se trouvait lui-même exposé à de grandes incertitudes accompagnant l'extinction du franquisme.
Le Maroc, aujourd'hui confronté en même temps au problème colonial saharien, doit se rendre à l'évidence. A l'inverse des Sahraouis qui luttent pour leur indépendance, un droit mondialement reconnu au nom de la décolonisation, les autochtones de Melila et Ceuta n'éprouvent pas même le besoin ou l'envie de se voir rattachés un jour au royaume chérifien. Et rien, dès lors, ne peut justifier aux yeux de Madrid une quelconque intention d'abandonner ses deux présides pour le seul plaisir de céder aux attentes désespérées de Rabat.