lefigaro.fr - 6.12.2011
Inaki Urdangarin, époux de l'infante Cristina, aurait détourné 16 millions d'euros, écornant l'image de la monarchie.
C'est du trafic d'influence presque ordinaire. Une basse affaire de corruption et d'évasion fiscale comme il en existe beaucoup, en Espagne comme ailleurs. Seulement voilà, celle-ci touche le cœur de la famille royale et menace de la faire vaciller.
Inaki Urdangarin, l'époux de l'infante Cristina - la deuxième fille du roi Juan Carlos -, est accusé de détournements de fonds publics au profit d'un réseau de sociétés placé sous son contrôle. Un négoce bien établi, qui aurait permis à Urdangarín et à son associé de détourner quelque 16 millions d'euros entre 2002 et 2010, selon le quotidien
Publico, qui cite un rapport du fisc.
Le scandale a émergé peu à peu. En enquêtant sur les ramifications d'une affaire de corruption dans les îles Baléares, le juge d'instruction José Carlos Aragon découvre en juin dernier qu'une fondation, l'institut
Noos, et cinq entreprises liées ont bénéficié de subventions non justifiées. Président de
Noos entre 2004 et 2006, le gendre du roi est directement mis en cause.
Le dossier, depuis, est suivi comme un feuilleton par la presse espagnole. Dernière révélation en date : selon le journal
El Mundo, quelques 650.000 euros auraient été dissimulés au Belize, un petit paradis fiscal d'Amérique centrale. Les initiales d'Urdangarin apparaissent sur les documents autorisant l'opération.
Pour la monarchie espagnole, le coup est dur. Car la Couronne, rétablie à la mort du général Franco sur indication du dictateur, ne tire sa légitimité que de son image exemplaire. Les Espagnols se souviennent qu'en 1981, Juan Carlos, revêtu de son uniforme de capitaine général des armées, força les militaires insurgés à renoncer à leur tentative de coup d'État. Depuis, une majorité d'Espagnols se reconnaît volontiers « juancarlista », à défaut d'être royaliste.
Le « duc consort » en retrait
«
Ce scandale éclate au plus mauvais moment, il frappe durement la figure de la monarchie en pleine crise économique », estime José Garcia Abad, éditeur de l'hebdomadaire
El Siglo de Europa et auteur de deux ouvrages consacrés à la Maison d'Espagne. De fait, la monarchie vient d'essuyer un dur revers dans les sondages. Le centre de recherches sociologiques (CIS), un institut public, demande traditionnellement aux Espagnols d'attribuer des notes à leurs représentants. Pour la première fois, la monarchie n'obtient pas la moyenne : 4,89 sur 10.
Pour Abad, la couronne aurait dû intervenir en amont. «
La législation ne prévoit aucune activité incompatible avec les fonctions des membres de la famille royale, alors qu'elle encadre l'activité des ministres. Mais le roi aurait pu édicter les règles à suivre dans sa maison ».
Juan Carlos, pour l'heure, médite sa réaction. Urdangarin pourrait renoncer à son titre de « duc consort de Palma de Majorque » et serait invité à observer la plus grande discrétion protocolaire. En lui demandant de prendre ses distances, la famille royale espère se protéger des répercussions d'un possible procès.
Le roi, quant à lui, aura prochainement l'opportunité de s'adresser aux Espagnols. Le 24 décembre, il prononcera son traditionnel message de Noël. Deux ou trois jours après, il s'exprimera au Congrès des députés, lors de la séance inaugurale de la législature. Une séquence propice aux bonnes résolutions.
(http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/06/01003-20111206ARTFIG00681-juan-carlos-gene-par-les-bonnes-affaires-de-son-gendre.php)