lefigaro.fr - 8.12.2011
par Marie-France Calle
Le président pakistanais, hospitalisé à Dubaï, serait sur le point de démissionner. Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, a-t-il été victime d'une tentative de coup d'État, d'une rumeur, ou tout simplement d'une « légère crise cardiaque » comme le veut l'une des versions officielles servies par l'entourage présidentiel ? Une chose est sûre, Zardari est actuellement hospitalisé à Dubaï et ne pourra pas témoigner avant longtemps au Parlement sur le fameux « Memogate », comme il s'y était engagé. Cette affaire, qui a éclaté en octobre, a une nouvelle fois mis en lumière la profonde inimitié qui plombe les relations entre le pouvoir civil à Islamabad et l'establishment militaire à Rawalpindi. Plus grave, elle a présenté Asif Ali Zardari, déjà très impopulaire dans son pays, sous le jour du traître à la nation.
Le président pakistanais est accusé d'avoir fait porter à l'amiral Mike Mullen, alors chef de l'état-major des armées américaines, une note demandant aux États-Unis d'intervenir pour mettre un frein aux ambitions des militaires dans son pays. Zardari aurait été persuadé que l'armée préparait un coup. En contrepartie, il aurait offert aux Américains de les laisser agir à leur guise en territoire pakistanais. Difficile de ne pas croire qu'Ashfaq Kayani, le chef des armées pakistanaises, n'ait pas alors caressé l'idée de se débarrasser de Zardari.
Cafouillage
«
Le président Zardari va bien, son état est stable. Il passe des examens médicaux, et les résultats sont jusqu'ici normaux », a déclaré jeudi son porte-parole Farhatullah Babar. Rappelant que le chef de l'État « avait des antécédents cardiaques », il a ajouté qu'il ne rentrerait que lorsque ses médecins l'y autoriseraient. Babar a vigoureusement démenti toutes les rumeurs, « fausses et imaginaires », de démission du chef de l'État. Elles ont pourtant été alimentées en grande partie par le cafouillage des services de communication de la présidence. Tandis que Farhatullah Babar annonçait le départ du président pour des examens de routine à Dubaï sur l'insistance de ses enfants, un ministre faisait état d'un malaise cardiaque dans la nuit de lundi à mardi.
Une chose est sûre, Zardari a bien quitté Islamabad, et cela a ouvert la boîte de Pandore, preuve de la précarité de sa situation. D'aucuns affirment qu'il s'apprête à démissionner, officiellement pour raisons de santé, mais en réalité sous la pression de l'armée ; d'autres anticipent qu'il pourrait avoir négocié un exil en toute sécurité contre l'abandon du pouvoir. Un « soft coup » en somme, relève
AfPak Channel, la lettre du magazine américain
Foreign Policy. C'est
The Cable, une autre publication de FP, qui a contribué à mettre le feu aux poudres. Dans un article intitulé « Le président Zardari quitte le Pakistan en hâte - est-il sur le départ ? »,
The Cable, citant un ancien responsable du gouvernement de Washington, affirme que lors d'un entretien téléphonique au cours du week-end entre Asif Ali Zardari et Barack Obama, ce dernier aurait trouvé son homologue « incohérent ».
Un porte-parole de la Maison-Blanche a souhaité jeudi un « prompt rétablissement » au président pakistanais.
Shuja Nawaz, responsable de l'Asie du Sud au sein du
think-tank américain
Atlantic Council, est plus clair. Selon lui, l'armée pakistanaise cherche bel et bien à se débarrasser de Zardari. Mais pas forcément pour prendre ouvertement le pouvoir. Au lieu de cela, elle pourrait introniser le premier ministre, Yusuf Raza Gilani. Cela sauverait la face et donnerait l'impression que le PPP, le parti du clan Bhutto dont Zardari est coprésident avec son fils Bilawal, règle ses affaires lui-même.
(http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/08/01003-20111208ARTFIG00822-l-armee-pousse-zardari-malade-vers-la-sortie.php)