M'beki poussé vers la porte de sortie

Venue pourtant bien tard à la démocratie, la République sud africaine donne au reste de toute l'Afrique un exemple que chaque Etat devrait méditer. Le président M'beki, accusé d'avoir influencé la justice pour nuire à son rival Jacob Zuma, accepte, sans la moindre protestation, de tirer sa révérence. Il quitte ses fonctions de chef de l'Etat, sur simple décision de son parti, l'ANC, de lui retirer son mandat.

C'est seulement à la fin du premier semestre 2009 qu'aurait pu prendre fin normalement ce dernier. Réuni aujourd'hui même, le comité directeur de l'ANC en a décidé autrement. Il compte saisir le Parlement qui devra statuer en dernier ressort à la majorité des deux tiers. Bien que l'ANC dispose de 70 % de voix au niveau de ce parlement, elle se propose de faire appel au parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), pour soutenir son projet de révocation de M'Beki.

Celui-ci a succédé à Nelson Mandela en 1999. Il se trouve désigné du doigt depuis qu'un juge de Pietermaritzburg (est du pays), le 12 septembre dernier, a blanchi Zuma des accusations de détournements portées à tort contre lui. Zuma, son rival, a été élu président de l'ANC en décembre dernier, lors du dernier congrès houleux qui a chassé M'beki de la présidence du parti.

Mais il n'y avait pas que l'ANC a demander le départ de M'Beki. Des mouvements de jeunesse, des communistes et des syndicalistes avaient aussi intensifié, ces derniers jours, leurs appels à la démission du président de la République en exercice.

Tout cela se passe finalement sans heurt, sans tapage et surtout sans effusion de sang. N'est-ce pas là la preuve d'une maturité politique hors du commun, dans ce continent toujours en ébullition, mais qui reste étrangement très en retrait des moindres évolutions vers la démocratie ?

L'ANC, le parti au pouvoir à Johannesburg, a confié finalement les destinées du pays non à Zuma mais au vice-président, Kgalema Motlanthe, un homme que l'on dit modéré, qui sera chargé, avec les pleins pouvoirs d'assurer la relève de M'Beki jusqu'aux élections prochaines prévues à la fin du 2è trimestre 2009.

Motlanthe, qui a été élu au congrés de décembre dernier en qualité de vice-président, s'était en effet distingué par ses qualités d'homme rassembleur qui avait réussi à calmer les débats très houleux d'alors. Grâce aussi à ses efforts de réconciliation, il avait également rassuré la minorité blanche qu'inquiétait l'arrivée sur la scène politique de Zuma, connu pour être populiste. Néanmoins, Zuma, lui-même, promet une transition en douceur. "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la stabilité", a-t-il déclaré, avant d'ajouter que la politique économique du pays resterait "inchangée".

Il faut aussi préciser que le choix de Motlanthe répondait également aux inquiétudes de tous ceux qui craignaient que les Communistes et la Confédération syndicale ne s'emparent de la scène politique avec l'aide de leurs alliés durs de l'ANC.