Le Figaro.fr - 19.11.2011
Le fils du colonel Kadhafi a été capturé alors qu'il cherchait à se rendre au Niger voisin. Tripoli promet « un procès équitable » à cette ancienne figure du régime. Mais la communauté internationale préférerait le voir traduit devant la CPI.
Fin de cavale pour le fils de Mouammar Kadhafi, Seïf al-Islam. Le ministre de la Justice et des droits de l'Homme au Conseil national de transition libyen (CNT) a annoncé l'arrestation du « premier ministre de facto », dixit la Cour pénale internationale (CPI), de l'ancien régime libyen.
« Seif al-Islam a été arrêté à 1H30 dans la nuit de vendredi à samedi » dans la région de Wadi al-Ajal, dans le Sud désertique, a raconté Al-Ajmi al-Atiri, le chef de la brigade de Zenten qui a arrêté le fugitif. « Nous avons reçu des informations de quelqu'un qui assurait la sécurité de Seïf al-Islam. Il nous a dit que ce dernier envisageait de se rendre au Niger ». « Nous sommes partis à deux brigades, une de Zenten et l'autre de Barguen. Nous avons préparé une embuscade et avons attendu leur arrivée ». Ont alors surgi « deux véhicules, avec six personnes à bord, dont Seïf al-Islam. Elles ont été arrêtés après une légère résistance ». « Nous avons transféré les prisonniers dans notre QG à Oubari, nous les avons gardés toute la nuit, mais comme la situation sécuritaire était fragile, nous avons appelé l'aviation civile pour pouvoir transférer Seif al-Islam à Zenten », à 170 km au sud-ouest de Tripoli. « Contrairement à ce qui a été dit dans certains médias, il ne nous pas proposé de l'argent, il nous a demandé de lui tirer une balle dans la tête et qu'on l'amène (mort) à Zenten », a-t-il encore raconté.
Seïf al-Islam était le dernier fils encore en fuite du dirigeant déchu. Alors qu'il appelait encore au soulèvement et à une lutte « jusqu'à la mort » fin août, il avait en effet pris la fuite dans le sud du pays après la mort de son père et trouvé refuge avec le chef des services secrets militaires dans le Sahara auprès des rebelles touaregs. Il avait alors été pris en chasse par les forces du CNT qui avaient finalement perdu sa trace.
Un responsable touareg laissait alors entendre que Seïf al-Islam cherchait à trouver refuge au Niger et qu'il avait déjà quitté la Libye. D'autres sources évoquaient au même moment le Mali et le Zimbabwe comme possibles points de chute pour l'ex-dauphin du colonel Kadhafi qui semblait craindre pour sa vie.
Allégresse générale à Tripoli
Fin octobre puis début novembre, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, déclarait quant à lui avoir des « contacts informels » avec l'ancien homme fort de la dictature libyenne en vue d'une possible reddition. Le bureau du procureur lui promettait alors un procès équitable devant la CPI. Mais ne savait pas pour autant où se cachait l'insaisissable.
L'ancien « visage humain » du régime, bien implanté en Occident et au look de trader, avait amorcé un virage spectaculaire au début de la révolution. Il semble que le quadra, persuadé de la victoire, cherchait à se donner la légitimité militaire nécessaire pour prendre la succession de son père. Un pari raté qui a fait de lui le plus recherché des membres de la famille de l'ancien despote.
Sa capture a d'ailleurs été accueillie dans l'allégresse générale à Tripoli. Les klaxons et des tirs de joie ont retenti dans la capitale libyenne pour célébrer l'annonce de son arrestation.
L'homme a ensuite été transféré à Zenten, selon des images filmées avec une caméra par un combattant ex-rebelle. Il est descendu de l'avion dans une grande pagaille, une foule de combattants et de curieux se bousculant pour le voir, le filmer et même le frapper. Arborant une barbe poivre et sel, il portait un turban et un long manteau marrons, une partie de ses doigts était bandée. Aucune expression n'était lisible sur son visage, mais il semblait en bonne santé, malgré ses blessures aux doigts. D'après des chefs militaires pro-CNT il y a un mois, Seïf al-Islam a été blessé dans le bombardement de son convoi alors qu'il quittait Bani Walid lors de la chute de ce bastion pro-Kadhafi à la mi-octobre.
La CPI réclame le transfèrement du fils Kadhafi
Peu après l'annonce de sa capture, les appels à son jugement devant la CPI se sont multipliés sur le plan international, mais les autorités libyennes, tout en s'engageant à coopérer avec la Cour pénale internationale, ont laissé entendre que Seïf al-Islam pourrait être jugé dans leur pays.
L'homme fait l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis le 27 juin pour crimes contre l'humanité et d'une « notice rouge » d'Interpol. Il est accusé d'avoir joué un « rôle-clé dans la mise en œuvre d'un plan » conçu par son père pour «réprimer par tous les moyens» le soulèvement populaire.
Le Premier ministre libyen par intérim Abdel Rahim al-Kib a promis que Seïf al-Islam serait jugé lors d'un «procès équitable durant lequel les droits et la loi internationale seront garantis». « Le système judiciaire va communiquer avec la Cour pénale internationale pour examiner où Seïf al-Islam doit être jugé », a-t-il souligné. « Toute coopération avec les organismes internationaux est la bienvenue », a-t-il poursuivi, suggérant que les autorités préfèreraient qu'il soit jugé en Libye.
Les autorités libyennes ont l'obligation de remettre Seïf al-Islam à la Cour, a déclaré de son côté un porte-parole de la CPI, sans exclure la possibilité que le procès ait lieu en Libye. « Si les autorités libyennes estiment qu'un procès au niveau national est une meilleure solution, elles devront alors demander à la CPI que l'affaire ne soit pas recevable à La Haye, selon le principe de complémentarité », a-t-il déclaré. Le procureur de la CPI se rendra en Libye la semaine prochaine
Les États-Unis, l'Union européenne, la France et la Grande-Bretagne notamment ont appelé samedi le nouveau pouvoir libyen à coopérer avec la CPI et à assurer un procès équitable à Seïf al-Islam. Amnesty International et Human Rights Watch ont demandé également, séparément au CNT de livrer Seif al-Islam à la CPI afin d'éviter « ce qui est arrivé à Mouammar et Mouatassim Kadhafi », tués tous deux après avoir été capturés vivants.
(http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/19/01003-20111119ARTFIG00361-seif-al-islam-ancien-dauphin-de-kadhafi-arrete-en-libye.php)