Lefigaro.fr - 27.05.2014
par Caroline Beyer
Le niveau des élèves qui entrent au CP a remarquablement progressé en 14 ans. Mais deux ans plus tard, à l'entrée au CE2, ces bonnes performances ne sont plus au rendez-vous. Si les petits Français sont de bons « décodeurs », ils ne sont pas forcément de bons « lecteurs-compreneurs ».
Les bonnes performances relevées au CP ne se confirment pas en CE2. Telles sont les conclusions de deux enquêtes menées sur une même génération d'écoliers, par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), cette structure qui contribue à l'évaluation des politiques conduites par le ministère de l'Éducation nationale. Les petits Français accusent une baisse en orthographe et en compréhension écrite.
Neuf mois après la publication d'une première note concluant à une forte augmentation en 14 ans (entre 1997 et 2011) des acquis des élèves à l'entrée au CP (1), sur tout ce qui a trait à l'entrée dans la lecture (phonologie, écriture, prélecture), la Depp en publie ce jour une seconde portant sur l'évolution des acquis sur une période similaire (entre 1999 et 2013) en début de CE2 (2). Deux ans plus tard, l'essai n'est donc pas transformé. « Former de bons “décodeurs” ne suffit pas pour former de bons “lecteurs -compreneurs”, résume Catherine Moisan, la directrice de la Depp. La maîtrise du code est une condition nécessaire, mais pas suffisante de l'apprentissage de la lecture », poursuit-elle.
Le déchiffrage et le codage
L'amélioration remarquable des scores à l'entrée du CP tient clairement à l'accent mis ces dernières années sur le déchiffrage et le codage. Catherine Moisan y voit à la fois le résultat des recherches menées sur l'illettrisme et le consensus qui s'est imposé depuis 2003 sur l'apprentissage de la lecture. « Aujourd'hui, tout le monde sait qu'il faut travailler la phonologie », précise-t-elle, revenant indirectement sur l'affrontement idéologique autour de la méthode globale et la méthode syllabique.
Au CE2 en revanche, les choses semblent se gâter. En français, les écoliers perdent 3 points en 14 ans sur l'ensemble des épreuves (le taux de réussite passe de 69 à 66 %). Une quasi stagnation qui masque des baisses avérées dans certains domaines, comme l'orthographe (l'exercice consiste à transformer au genre masculin un texte au genre féminin enregistre une baisse de 6 points), les compétences langagières (-6 points pour l'épreuve liée à la connaissance du vocabulaire de la lecture) et la compréhension d'un texte (-3 points pour le test portant sur la compréhension d'un texte très court). « Dès lors que l'on passe dans l'implicite, à savoir la véritable compréhension, on observe une baisse », relève Catherine Moisan.
Alerte sur les mathématiques
Explications de la Depp: si l'éducation nationale a mené une véritable réflexion sur le déchiffrage, elle ne l'a pas encore fait sur ces autres compétences complexes. « Les enseignants sont en manque d'outils et de recherches consensuelles », estime la directrice de la Depp, qui, au-delà du français tire la sonnette d'alarme sur les maths. Si la note fait apparaître une stabilité des acquis en calcul, et même une amélioration pour la soustraction (+7 points), elle observe une baisse notable en résolution de problèmes numériques (-8 points) ainsi que sur les exercices liés sur la conscience du nombre (- 7 points pour l'épreuve consistant à comparer et ranger les nombres).
« Il y a moins de débats et plus de silence sur les mathématiques », regrette Catherine Moisan, qui pointe au passage une école primaire faisant la part belle à l'apprentissage du français, au détriment des maths. Et ce, alors même que cette matière s'impose ensuite, dans le secondaire, comme la discipline reine, objet de toutes de les aspirations sociales.
« En Asie, les premiers apprentissages des nombres sont tout aussi importants, valorisés et accompagnés que les premiers apprentissages de la lecture », observe enfin Catherine Moisan.
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(1) Enquêtes menées en 1997 auprès 9200 élèves entrant au CP et en 2011 auprès de 15.000 élèves entrant au CP.
(2) Enquêtes menées en 1999 auprès de 2500 élèves en début de CE2 et en 2013 auprès de 3800 élèves en début de CE2.
(http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/05/27/01016-20140527ARTFIG00134-les-eleves-de-ce2-peinent-toujours-en-lecture.php)