Regain de tension au sud-est de la Turquie

Des « séparatistes » du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ont perpétré, la nuit dernière, un attentat contre un bus transportant des milices kurdes, placées sous la tutelle d’Ankara pour assurer la sécurité des villages du sud-est-anatolien contre eux-mêmes. Cela rappelle exactement les harkis algériens qui avaient été recrutés par les Français pour combattre leurs propres frères engagés dans la lutte pour l'indépendance.

Parmi ces « gardiens de village », 12 d’entre eux ont été abattus et deux autres blessés par balles.

Cette attaque, la plus meurtrière du PKK de ces dernières années, relance la question du peuple Kurde dont le combat pour l'unité et l’indépendance remonte à 23 ans.

Jusqu’ici, 37 000 morts ont été dénombrés dans la succession des affrontements qui opposent l’armée turque aux rebelles kurdes. Et la dure répression engagée par Ankara n'a réussi jusqu'ici qu'à affermir la volonté de ces derniers de poursuivre leur lutte. Car Ankara ne dispose plus, depuis l’occupation militaire de l’Irak par la coalition, de la faculté de poursuivre les indépendantistes jusqu’à leurs repaires dans le nord de ce pays. De plus, ces derniers ayant fait acte d’allégeance aux USA, ils bénéficient en contre partie de leur protection.

Bien que le PKK soit considéré, par ailleurs, comme organisation terroriste, à la fois par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne, la question lancinante de la réunification et de l’indépendance du peuple kurde, qui constitue son cheval de bataille, reste malgré tout pendante et rien n’est fait pour la régler dans le fond.

Aussi, les Turcs peuvent continuer longtemps à entretenir des milices kurdes, mais ils ne parviendront sans nul doute jamais à éteindre la flamme du combat pour la liberté qui prend non seulement en Turquie, mais en Irak, en Irak et probablement aussi en Syrie.

De nouvelles attaques des indépendantistes kurdes ont coûté la vie à 15 soldats turcs, au cours de ces deux derniers jours.

Dans la province du Sirnak, à la frontière irakienne, treize militaires d'un commando ont été tués dans un assaut monté par les séparatistes kurdes. Samedi matin, un autre a perdu la vie lors des échauffourées ayant eu lieu avec les partisans du PKK. Enfin, ce matin même une mine a explosé au passage d'une patrouille militaire causant le dernier mort.

Loin d'apaiser les esprits, un tel regain de violence préoccupe à n'en pas douter le gouvernement turc qui se heurte encore à l'impossibilité d'agir contre le sanctuaire kurde, situé au nord de l'Irak placé sous la houlette des Américains.

Sans quoi, la violence de la réaction turque, habituellement si redoutée, n'eût sans doute pas autorisé cette escalade meurtrière dont Ankara fait aujourd'hui les frais.

D'autorité, et sans prévenir le gouvernement fantoche d'Irak ni même ses envahisseurs actuels, les USA, Ankara s'est engagé bien vite dans des bombardements tous azimuts des montagnes kurdes du nord de l'Irak.

Les populations médusées, ne sachant à quoi doivent-elles des attaques aussi sauvages que soudaines, n'ont eu d'autre réaction que celle de se mettre immédiatement à l'abri du mieux possible, en attendant de compter leurs morts et blessés.

C'est cela la loi du plus fort, et surtout quand il est aveuglé par la haine de l'autre. Après les discriminations gratuites et éhontées qu'ils ont fait subir aux Kurdes installés chez eux, les Turcs croient pouvoir se venger des attaques subies ces derniers jours du PKK en allant froidement canonner des populations paisibles et innocentes habitant très loin du théâtre des opérations.

Fort heureusement, Washington vient de les rappeler fermement à l'ordre, exigeant d'eux qu'ils se rapprochent de Bagdad et examinent ensemble le problème posé avec lucidité.

Aujourd'hui, ce sont 12 soldats turcs qui ont été tués, en plus de 16 blessés, dans une embuscade tendue par des séparatistes Kurdes, indique une dépêche AFP.

De telles pertes sont les plus importantes que l'armée turque ait eu à enregistrer dans le sud-est du pays.

Cette embuscade survient quatre jours seulement après l'aval donné par le parlement turc à l'armée à l'effet de poursuivre les rebelles jusqu'au nord de l'Irak, où ils auraient établi leurs refuges.

Bien que Bagdad et Washington aient déjà mis en garde Ankara contre toute intrusion en Irak du nord, il semble que l'armée turque s'engage de plus en plus profondément dans les montagnes kurdes.

Avec l'attaque particulièrement sanglante de ce matin, il y a tout lieu de craindre que la réaction d'Ankara se fera encore aussi violente que les précédentes qui ont coûté la vie à nombre de civils essentiellement.

L'AFP, dans une nouvelle dépêche, annonce que les rebelles du PKK ont capturé un certain nombre de soldats turcs dans l'embuscade tendue ce matin.

Elle ajoute que l'offensive, à peine envisagée lors de l'examen par le Parlement turc de la résolution autorisant l'armée turque à poursuivre les rebelles kurdes dans leurs retranchements d'Irak du nord, serait rendue désormais imminente.

Contre une telle incursion que l'Irak comme les USA ne souhaitent pas, le Parlement irakien vient de voter une motion, par 184 oui sur 275 votants, la condamnant, dans la crainte qu'elle donne le signal à la déstabilisation d'une région, le nord de l'Irak, considérée comme la plus stable du pays. Du reste, le président irakien, Talabani, prévient même qu'il ne livrerait jamais à Ankara les chefs du PKK.