LEMONDE.FR avec AFP | 02.06.11 |
Des "crimes contre l'humanité" ont été commis en Syrie lors de la répression de manifestations dans la ville de Deraa, selon l'ONG Human Rights Watch. Dans un communiqué, HRW souligne que les informations sur "des tueries systématiques et des actes de torture par les forces de sécurité syriennes à Deraa depuis que les manifestations y ont commencé le 18 mars, indiquent que ceux-ci peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité".
L'organisation a publié un rapport intitulé "Nous n'avons jamais vu une telle horreur", basé sur plus de 50 entretiens avec des victimes et des témoins. Selon elle, ces témoignages sont en grande partie inédits et pour le moment très difficiles à confirmer car la circulation de l'information est bloquée par les autorités. Ils décrivent des tueries systématiques, des passages à tabac, des tortures avec des électrochocs et la détention de personnes alors qu'elles nécessitaient des soins médicaux. "Depuis plus de deux mois, les autorités syriennes tuent et torturent leurs propres concitoyens dans la plus grande impunité", affirme Sarah Leah Whitson, responsable pour le Moyen-Orient de HRW. "Elles doivent y mettre fin et, si elles ne le font pas, c'est la responsabilité du Conseil de sécurité de l'ONU de s'assurer que les responsables comparaissent devant la justice", a-t-elle dit.
HRW estime notamment que le Conseil de sécurité devrait imposer des sanctions contre la Syrie et que, si cela ne suffit pas, citer la Syrie devant la Cour pénale internationale (CPI). HRW rappelle que les manifestations ont commencé à Deraa à la mi-mars après l'arrestation et la torture de quinze enfants et adolescents accusés d'avoir peint des graffitis hostiles au pouvoir.
Les forces de sécurité ont ensuite systématiquement ouvert le feu sur les manifestants, tuant au moins 418 personnes dans la seule province de Deraa et plus de 887 dans l'ensemble de la Syrie, selon un décompte établi par des militants locaux. HRW précise toutefois que ces chiffres ne peuvent être vérifiés de source indépendante. Dans la plupart des cas, les tirs ont eu lieu sans sommation et provenaient des toits, provoquant des blessures, souvent mortelles, à la tête, au cou et à la poitrine. HRW a recueilli plusieurs témoignages selon lesquels ces forces de sécurité ont reçu l'ordre de tirer pour tuer.
Parmi les massacres les plus importants, l'organisation évoque des tirs sur des manifestations d'habitants de villages voisins de Deraa venus tenter de mettre fin au siège de la ville en apportant de la nourriture et de l'eau. Entre le 25 et le 29 avril, plus de 200 personnes auraient été tuées.
Les habitants de la ville, en réaction à la répression, ont toutefois parfois eu recours à la violence en brûlant des voitures et des immeubles et en tuant des membres des forces de sécurité. "De tels incidents doivent faire l'objet d'enquêtes mais ne justifient en aucun cas l'utilisation massive et mortelle de la force contre les manifestants", souligne l'ONG, qui demande que les responsables de la "répression sanglante" à Deraa répondent de leurs actes.
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