Lenouvelobs.com - 30-05-11
par Alain Chouffan
Bienheureux le dragueur célibataire, toujours libre, disponible, à l’affût de la moindre rencontre. Le dragueur marié, lui, doit être plus inventif.
Il n’y a pas de rencontre sans drague. Bienheureux le dragueur célibataire, toujours libre, disponible, à l’affût de la moindre rencontre, dans la rue, dans un café, dans le métro. Le dragueur marié qui a toujours envie de séduire doit, lui, tout faire dans l’agitation et la discrétion : la séduire, l’inviter à déjeuner, lui fixer un autre rendez-vous, et enfin choisir l’hôtel s’il atteint son objectif. Avec l’angoisse qu’elle se dédise au dernier moment. Le dragueur marié a une vie de marathonien. C’est un coureur de fond solitaire. Il doit être dans une forme olympique. Et présent partout. Au travail, à la maison pour le dîner, avec la maîtresse pour le déjeuner, sortir avec les amis du couple, s’occuper des enfants. Ça n’arrête jamais. Il est insaisissable. Pour être libre, il invoque des rendez-vous imaginaires. Il se fait passer pour l’homme orchestre de sa boîte. Tout transite par lui. Sa présence est indispensable. A la nuit tombée, il est évidemment injoignable, parce qu’il a des dîners mondains ou qu’il doit animer des séminaires.
Il a des aventures, mais ce n’est pas un aventurier. Il lui faut un port d’attache. Il veut la stabilité dans l’instabilité. Le dragueur marié pathologique est un nostalgique du XIXe siècle. Il a besoin d’un foyer. Il a une âme de patriarche. "Il ne met son foyer en danger que pour avoir l’occasion et le plaisir de le sauver", a écrit avec talent, un jour, notre ami François Caviglioli à propos d’un dragueur marié qui a collectionné plus de quatre cents maîtresses. Le mari adultérin croit à la solidité du couple, au caractère irréversible, sacré, indestructible du mariage. Il croit que les enfants ont besoin de parents unis pour le meilleur et pour le pire. Et sa femme dans tout ça ? On la croit sotte. Pas du tout. Plus elle est vigilante et plus le dragueur est imaginatif. Il ne trompe sa femme que pour mériter sa confiance à force d’ingéniosité. C’est ce qui le stimule. Lui donne des forces. Et des ailes. Un mari « usé » par le mariage donne un amant fougueux.
Bien sûr, pour le dragueur marié, la liaison est à proscrire. Il travaille au coup par coup, si l’on peut dire. C’est un chasseur infatigable. Tout est bon pour assouvir ses fantasmes ; des jeunes, des vieilles, des femmes libres, mariées, divorcées, et même les jeunes filles au pair, et les femmes de chambre. Schwarzenegger, l’ex-gouverneur de Californie a fait un enfant à la sienne, et Strauss-Kahn est accusé d’avoir violé celle de son hôtel. L’acteur a attendu de quitter son poste de gouverneur en janvier pour l’avouer à son épouse, Maria Shriver, nièce de John Fitzgerald Kennedy. Après l’avoir défendu passionnément, cette dernière a quitté le domicile conjugal et s’est réfugiée à l’hôtel. Tout le contraire pour Anne Sinclair : elle fait bloc avec son mari. L’exemple parfait.
Car pour le mari dragueur, le divorce est à exclure. Il n’aime pas ça. Il ignore ce mot. L’essentiel pour lui, est de rentrer à la maison. Il revient toujours. L’infidèle est d’une fidélité névrotique. Il faut que sa femme aille bien pour qu’il ne soit pas écrasé de culpabilité. Il ne peut accepter que sa femme soit malheureuse. Il faut que son ménage tourne bien pour qu’il puisse la tromper. En somme, jusqu’à aujourd’hui, l’infidèle est plus préoccupé par sa femme que par ses maîtresses. C’est un époux attentionné, vigilant. Les femmes devraient se méfier des maris modèles. Ce sont les plus sournois. Pour tous les maris dragueurs, l’affaire DSK est un coup de semonce : il est allé trop loin. Il a brisé le cœur de sa femme. Il s’est brûlé sous les feux de l’amour du sexe. Il a rompu les règles tacites des « supermachos » invétérés de l’adultère. Il a choisi la "jouissance du malheur".
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110530.OBS4176/chronique-confessions-d-un-dragueur-marie.html