Le Point.fr - 10/03/2012
source : AFP
Un jeune Gabonais a livré un récit inédit de son séjour forcé au centre du Mesnil-Amelot.
Cent quarante caractères pour raconter sa rétention : un jeune Gabonais sans papiers a livré sur Twitter une chronique inédite et insolite de son séjour forcé au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) jusqu'à sa remise en liberté vendredi. C'est sur son compte @soloNecrozis que Gil Juwu, étudiant de 23 ans, l'a lui-même annoncé vers 15 heures : "Le jugement est rendu. Je suis libre depuis un quart d'heure." L'information a été confirmée par une source judiciaire qui a indiqué que la procédure d'expulsion avait été "annulée".
Ce féru de heavy metal et de philosophie a fait part de son soulagement teinté d'amertume. "Ça me fait incroyablement plaisir d'être dehors, mais je ne peux pas m'empêcher de penser à ceux qui sont encore dans le centre et notamment aux deux personnes qui partageaient ma chambre", a-t-il dit. "Pour moi, rien n'est réglé. Je reste un sans-papiers et je suis encore en sursis. La seule chose, c'est qu'avec tout ce j'ai vécu, je n'ai plus la peur de l'inconnu", a-t-il fait valoir, ajoutant qu'il allait lancer une procédure de régularisation.
Impact médiatique
Arrivé en France en 2008, Gil Juwu avait été arrêté mardi lors d'un banal contrôle sur la route de Reims, où il réside. "Je revenais de Paris en covoiturage et il y a eu un contrôle de gendarmerie", avait-il confié jeudi. Conduit au centre du Mesnil-Amelot, il avait alors profité de son accès restreint à son téléphone portable pour faire la chronique de sa rétention, un témoignage inédit abondamment relayé par la "twittosphère" et qui a fait exploser son nombre de "followers", de 40 à plus de 1 700 vendredi après-midi. "L'impact médiatique de mon histoire a peut-être joué", a-t-il expliqué vendredi.
Pendant sa rétention, il s'était surtout attaché à décrire la vie au centre du Mesnil-Amelot, un lieu "caché au public et où la société civile n'a qu'un accès très restreint", selon une porte-parole de l'association la Cimade. "Centre quasi neuf. Confort spartiate, mais appréciable. Trois repas par jour. Deux par chambre. Infirmerie. Distributeur de tabac, chocolats, sodas", avait-il notamment posté. L'étudiant, dont la coiffure ébouriffée a fait le tour du Net, en avait aussi profité pour faire part de sa surprise concernant l'attitude des forces de l'ordre. "Les policiers ici sont exemplaires. À l'écoute, souriants, très souvent amicaux. Loin des clichés de la TV", avait-il posté jeudi.
"Je n'ai pas vu d'animosité"
"Je ne suis là que depuis deux jours, mais je suis le premier étonné. Il y a du vouvoiement et même de l'humour, je n'ai pas vu d'animosité", avait-il précisé. Une porte-parole de Cimade avait nuancé son témoignage en soulignant que "l'humanité bien réelle" des policiers tranchait "radicalement" avec "la logique violente des expulsions". À peine remis en liberté, Gil Juwu a posté de nombreux tweets sur la vie au centre du Mesnil-Amelot, indiquant notamment avoir tenu "un journal détaillé" de ses 36 premières heures.
"Chacun, son histoire de vie. Certaines sont incroyables, hollywoodiennes", a-t-il écrit, en référence à ses coretenus. "Toutes ces vies m'ont fait relativiser ma situation. Je garde la tête froide. C'était une épreuve, mais je n'ai jamais souffert physiquement et, comparés à d'autres, mes malheurs ne sont pas grand-chose", a-t-il précisé. Alors que les soutiens sur le Net continuent d'affluer, Gil Juwu a tenu à rendre hommage au travail "admirable" des associations, tout en exprimant un vœu : "Si mon histoire peut faire en sorte que les sans-papiers soient mieux traités, ce serait une victoire pour tout le monde", a-t-il dit.
(http://www.lepoint.fr/societe/twitter-chronique-insolite-d-un-sans-papiers-en-retention-10-03-2012-1439835_23.php)
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