Gbagbo, c'est vraiment fini cette fois

Quatre longs mois de rébellion, de tergiversations, de parlottes et palabres interminables, d’intercessions stériles, de combats armés fratricides qui ont aggravé considérablement les souffrances du peuple ivoirien n'avaient en rien entamé la volonté de Gbagbo de s'imposer illégalement jusqu’à hier encore comme chef de l’État de Côte d’Ivoire.

Soutenu par des troupes solidement armées et par une certaine partie d'un peuple longtemps manipulé par la télévision mise à son service, comptant toujours sur des appuis externes en Afrique et ailleurs, l’assoiffé de pouvoir, à l'image de nombreux autres dictateurs africains et arabes, ne pouvait pas même concevoir l’idée de devoir se démettre un jour. Soumis encore à l’influence de sa femme, qui lui a fait croire que Dieu l’avait désigné, lui et non un autre, comme maître de la Côte d’Ivoire, Gbagbo a jeté aux orties visiblement tout le bagage d’histoire et de valeurs morales acquis à l’université pour se croire vraiment dans la peau d'un messie.

Il est vrai que comme manipulateur il avait pu, en 2000, bluffer ses concitoyens en réussissant à écarter son rival Ouattara, auquel il déniait des origines ivoiriennes. Il est vrai aussi que, le mandat de 5 ans terminé, il s’est cru à tort dans son droit d’atermoyer cinq autres années durant avant de se résoudre à revenir aux urnes, sous la pression notamment internationale. N’ayant pas reçu alors les suffrages de ses concitoyens, il a fait fi de son engagement de se plier à la décision des urnes et a conservé le pouvoir cette fois par la force de son armée et de sa police dont il a gardé le contrôle, défiant ainsi le droit, les règles communément établies à l’échelle planétaire, créant en même temps un précédent grave pour l’Afrique que l’on sait très fragile et surtout bancale.

Mais, hier, les choses prenaient une autre tournure. L’ONU, agacée par les débordements de ses forces militaires et de ses milices armées qui ont instauré une situation de non retour à Abidjan notamment, où les morts jonchent les rues, où les médicaments, l’eau et la nourriture manquent de plus en plus gravement aux populations, l'ONU s’est décidée, avec l’aide de la Force française Licorne installée dans le pays, de trancher définitivement le nœud gordien d’une crise qui a beaucoup trop duré.

C’est ainsi que des norias d’hélicoptères de combat ont canardé particulièrement de nuit et sans trêve le camp retranché abritant le félon et son épouse entourés d’une multitude de blindés et de canons qui ont semé longtemps la terreur alentour. Les canons étant réduits au silence au petit matin, il ne restait plus aux troupes d’Ouattara, le président ivoirien régulièrement élu et reconnu par la communauté internationale, qu’à aller cueillir tranquillement Gbagbo, son épouse et ses anges gardiens.

Tout ce beau monde a été aussitôt transféré à l’hôtel du Golfe, qui héberge depuis quatre mois le président lui-même et son gouvernement.

Gbagbo a troqué désormais son palais présidentiel contre une chambre d’hôtel, en attendant d’être transféré vraisemblablement dans une prison sous haute sécurité, avant d’être jugé et de répondre de ses actes criminels.

Les Ivoiriens peuvent pousser à bon droit un grand ouf de soulagement, à présent que le tyran est mis à l'ombre, incapable de nuire désormais.

À l'évidence il faut se ranger à l'avis de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rignts Watch qui réclame une justice exemplaire pour lui. " Il a été mis en cause de manière crédible dans des crimes contre l'humanité et d'autres atrocités dont il devra répondre", déclare Daniel Bekele, le responsable de l'association pour l'Afrique. "[i]Il ne devrait pas bénéficier d'un exil doré dans un pays qui le protégerait contre des poursuites au niveau national ou international. Tous ceux qui sont responsables des crimes qui ont marqué cette page douloureuse de l’histoire ivoirienne doivent être jugés de manière équitable, quel que soit leur rang, ou le camp politique dont ils se réclament", a ajouté ce représentant de HRW.

Une remarque faite au micro d'une agence de presse par un homme du commun croisé devant l'hôtel du Golfe mérite d'être reprise ici : "Pourquoi a-t-il fallu faire couler tant de sang, tuer tant de personnes pour un homme, un seul ?"

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a demandé au président Alassane Ouattara de mettre tout en œuvre pour éviter un nouveau «bain de sang» et des représailles à l’encontre des partisans du président sortant Laurent Gbagbo, arrêté lundi.

L'arrestation de Laurent Gbagbo, l'ancien président de Côte d'Ivoire, marque la fin d'un chapitre malheureux « qui n'aurait jamais dû exister », a souligné Ban Ki-moon.

Ce dernier a salué l’appel de Ouattara à la mise sur pied d’une commission pour la vérité et la réconciliation, destinée à enquêter sur les accusations de massacres et autres crimes commis par les deux parties en conflit en Côte d’Ivoire, a déclaré son porte-parole, Martin Nesirky.

La Côte d’Ivoire dispose maintenant d’une «occasion historique» et doit promouvoir la réconciliation nationale, établir un gouvernement d’unité nationale et rétablir l’autorité de l’État, a ajouté Nesirky.

Il faut signaler, par ailleurs, le décès de Désiré Tagro, l'ex ministre de l'Intérieur du régime déchu. Violemment pris à partie par des éléments des Forces républicaines, lors de la capture de Gbagbo avec lequel il se trouvait alors dans la résidence présidentielle, Tagro a été roué de coups et a succombé peu après à ses blessures.

Quant à Laurent Gbagbo, l'ONU l'a pris en charge, après l'avoir retiré de l'hôtel du Golfe où il avait été hébergé hier, avec son épouse. Il est placé dans un endroit tenu secret, précise l'ONU.

avec Libération.fr

AFP - 07/05/2011

Le procureur de la République d'Abidjan a déclaré avoir entendu aujourd'hui pour la première fois, dans le cadre d'une enquête préliminaire, Laurent Gbagbo, à Korhogo, dans le Nord de la Côte d'Ivoire, où le président déchu est assigné à résidence. Ses avocats français étaient absents de cette audition.

"Laurent Gbagbo a été auditionné en présence de son médecin personnel", a expliqué le procureur, Simplice Kouadio Koffi, en sortant de la villa où M. Gbagbo est en résidence surveillée.

M. Koffi est resté un peu plus d'une heure dans la villa de Gbagbo. "Je me rendrai demain à Odienné (nord-ouest) pour l'audition de Simone Gbagbo", l'épouse de l'ancien chef d'État, a précisé le procureur de la République.

Laurent Gbagbo était entendu dans le cadre d'une enquête préliminaire portant sur la crise née de la contestation du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, au cours de laquelle 3.000 personnes ont trouvé la mort, selon les autorités.

Des accusations d'exactions, de concussion et d'appels à la haine pèsent contre Gbagbo, qui avait refusé de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara et a été arrêté à l'issue de quinze jours de combats le 11 avril dans la résidence présidentielle à Abidjan.