À Fukushima la situation reste imprévisible

Même si l'électricité a été rétablie à partir des réacteurs endommagés, rien n'est désormais moins sûr quand au devenir de cette centrale.

Cela a fait dire aujourd'hui au Premier ministre nippon : "la situation reste très imprévisible. Nous travaillons à ce qu'elle n'empire pas. Nous devons être extrêmement vigilants". Il a même appelé ses concitoyens à : "unir leurs forces pour faire face à la crise la plus grave vécue par le Japon depuis la guerre".

Également pessimiste, l'opérateur privé Tepco, l'exploitant de cette centrale, a reconnu à son tour que les opérations de refroidissement qui se poursuivent sans interruption ne permettent pas d'annoncer un terme pour leur achèvement, à cause des dangers de plus en plus graves qui menacent le personnel employé sur le site. D'ailleurs, deux ouvriers grièvement brûlés aux pieds, hier, par de fortes radiations ont dû être hospitalisés. Aussi, prévient encore le porte-parole de cette entreprise : "Nous en sommes encore à évaluer les dégâts sur la centrale et nous ne pouvons par fixer une date à laquelle les équipements de refroidissement vont fonctionner. Cela pourrait prendre encore plus d'un mois, qui sait".

Or, 17 ouvriers souffrent de radiations depuis le 11 mars dernier et les fuites radioactives s'échappent toujours de 4 réacteurs, mettant en danger les populations de la région et leur environnement. Déjà, l'eau et les légumes sont devenues impropres à la consommation, et à mesure que se poursuivent les émanations radioactives, le danger s'accroît et la panique s'empare davantage des habitants.

20 000 étrangers au moins ont fui jusqu'ici Tokyo, qui compte une baisse de 60 % de visiteurs. Dans le monde, des dispositions sont prises en même temps pour imposer des contrôles drastiques sur tous les produits alimentaires provenant du nord-est du Japon.

De leur côté, enfin, les secouristes engagés depuis le séisme dans la recherche des victimes du tsunami sont toujours actifs. 10 066 morts confirmés ont été enterrés à ce jour et l'on compte encore 17443 disparus.

Le Point.fr - Publié le 25/03/2011
Par Marc Vignaud

'hypothèse du pire à Fukushima

La rupture de la cuve du réacteur n° 3 apparaît de plus en plus plausible. Plongée dans un scénario catastrophe.


Le réacteur n° 3 a connu une explosion, ce qui ne veut pas dire que l'enceinte de confinement en béton s'est écroulée

"Il est possible que la cuve contenant les barres de combustible dans le réacteur n° 3 soit endommagée." L'information, lâchée vendredi à l'AFP par un responsable de Tepco, l'opérateur de la centrale japonaise, a de quoi inquiéter sur la situation à la centrale de Fukushima-Daiichi, dont les systèmes de refroidissement ne fonctionnent plus depuis le tsunami qui a ravagé le nord-est du Japon le 11 mars. La rupture de la cuve du réacteur n° 3 pourrait en effet déclencher une réaction en chaîne catastrophique. "On n'avait pas eu de mauvaises nouvelles depuis plusieurs jours, aujourd'hui, on en a une", lâche Jean-Jacques Dumont, commissaire de l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN), pressé de réagir par la presse.

Pour l'heure, l'autorité du nucléaire refuse toutefois de commenter une information toujours non confirmée. Mais ce scénario est jugé suffisamment crédible par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) pour que ses experts aient déjà entrepris d'en évaluer l'impact en termes de rejets radioactifs. Les résultats de ces simulations devraient être publiés lundi. Plongée au coeur du pire des scénarios.

Les efforts de Tepco pour refroidir les coeurs des réacteurs n° 1, 2 et 3 grâce à de l'eau de mer n'ont pas été suffisants pour empêcher leur fusion, au moins partielle. "Les barres de combustible (en rouge sur le schéma), cassent et font fondre les gaines, ce qui crée un mélange en fusion, le corium, à 2 000 °" de température, décrit Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations. Dans cette hypothèse, le magma se dépose dans le fond de la cuve en acier et la fait fondre. Le corium s'écoule alors sur l'enceinte de confinement en béton et produit des gaz explosifs (hydrogène, oxyde de carbone) à son contact. La vapeur d'eau qui remplit l'enceinte est censée empêcher toute déflagration au contact de l'air.



Dans le cas du réacteur n° 3 notamment, l'enceinte de confinement en béton, précédemment endommagée, est "fuyarde". L'hypothèse d'une "fuite de gaz vers des locaux annexes" et d'une explosion au contact de l'air n'est donc pas à exclure. De quoi endommager encore un peu plus l'enceinte de confinement qui n'est "déjà plus étanche". Les rejets radioactifs "continus" depuis quelques jours augmenteraient alors dans une proportion inconnue - en fonction, en fait, de la gravité de la déflagration et de la résistance de l'enceinte de confinement. Dans le pire des cas, la piscine de stockage du combustible usagé pourrait être atteinte, et son contenu se répandre à l'extérieur.

Cette hypothèse pourrait aussi se produire dans le cas d'une nouvelle secousse suffisamment forte pour ébranler les réacteurs déjà durement éprouvés par le séisme, puis par le tsunami. Cela entraînerait "un jeu de dominos dramatique sur les trois réacteurs", juge Thierry Charles, qui souligne toutefois que "le pire n'est pas certain".

Pour l'heure, l'IRSN s'intéresse au sort du coeur en fusion une fois la cuve percée. Toute la question est de savoir s'il peut traverser l'enceinte de béton, épaisse de plusieurs mètres, et se retrouver à l'air libre. Le lessivage par les eaux risque alors de déverser des quantités énormes de radioéléments vers la mer. Même si le corium refroidit avant d'avoir touché le sol, il devrait disperser de la radioactivité mal isolée par l'enceinte de confinement. Au final, ces radioéléments pourraient augmenter de 30, 50 ou même 70 % par rapport au niveau actuel, estime l'IRSN. De là à parler d'un nouveau Tchernobyl, il y a une marge que Thierry Charles refuse de franchir. "Ça n'a rien à voir", estime-t-il, rappelant que le réacteur de la centrale ukrainienne "a brûlé pendant dix jours à pleine puissance", alors que les réacteurs n° 1, 2 et 3 se sont correctement arrêtés à Fukushima.

La menace reste toujours extrêmement pesante à Fukushima, aucun progrès n'ayant été réalisé dans le combat titanesque mené contre la montée inexorable de la radioactivité.

Pour l'AIEA, "Le Japon est encore loin d'avoir surmonté l'accident", a déclaré son directeur général, très inquiet de l'étendue des dommages subis par la centrale qui empêchent toujours les Japonais de savoir si les cœurs des réacteurs et les déchets de combustible contenus dans les cuves sont bien recouverts d'eau pour leur refroidissement. 700 travailleurs se relaient jour et nuit pour injecter de l'eau de mer sur les réacteurs, sans parvenir malheureusement à faire baisser la température des numéros 2 et 3, tout particulièrement.

Dans la matinée, un taux de 1000 millisieverts par heure a été relevé dans une nappe d'eau au sous-sol de la salle des turbines du réacteur n° 2, provoquant immédiatement l'évacuation du personnel. En effet, les personnes exposées, ne fût-ce que pendant un très court délai, à une dose de plus de 1 sievert (ou 1000 millisieverts) peuvent avoir à souffrir immédiatement de nausées, de vomissements et surtout d'une diminution de leurs globules blancs. Mais, à 5 sieverts, la mort sanctionne généralement les personnes irradiées au bout de quelques semaines seulement. (*)

La situation est donc devenue très critique, au point de faire dire au représentant du gouvernement devant les téléspectateurs : « Nous aimerions pouvoir donner un programme clair quant à la résolution du problème, et ceux qui travaillent sur le site pensent la même chose, mais je ne peux pas être plus optimiste que la réalité.»
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(*) Un article très documenté donne plus de détails sur les irradiations et les contaminations et leurs conséquences sur la santé humaine. Il peut être lu à l'url suivante :
http://www.lefigaro.fr/sante/2011/03/16/01004-20110316ARTFIG00740-comprendre-la-radioactivite-en-cinq-questions-cles.php
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Une copie quasiment intégrale de ce document a été insérée sur Thilelli - rubrique "Lutte contre l'environnement", sous le titre "Comprendre la radioactivité en 5 questions clés".