Manama également sous le coup de la contagion

D'est en ouest, les pays arabes sont agités, à tour de rôle, par la révolte de leurs peuples réclamant la destitution des dictateurs, l'accès à la démocratie en passant par la révision de la Constitution, etc.

Après la Tunisie, l'Égypte, le Yémen, l'Algérie, la Jordanie, c'est maintenant à Manama, capitale du petit royaume de Bahrein, que des milliers de manifestants se rassemblent depuis hier, pour demander un changement de régime, exactement comme l'avaient initié les Tunisiens, les Égyptiens ou les Algériens.

Dans ce royaume chiite, dirigé par une dynastie sunnite, les obsèques de l'un des deux chiites tués hier lors de la répression exercée par la police ont donné l'occasion aux manifestants de reprendre leurs revendications. Ils se sont installés dans des tentes au milieu de la place de la Perle, rebaptisée "Place des Martyrs" et entendent y rester tant que satisfaction n'aura pas été donnée à leurs attentes, indique une dépêche de l'AFP.

Celle-ci rapporte d'ailleurs le propos suivant d'un manifestant résumant les préoccupations de ses concitoyens : "Nous avons appris des leçons de l'Égypte et de la Tunisie. Nous voulons une nouvelle Constitution, la fin de la discrimination et l'instauration d'une monarchie constitutionnelle".

Il semble, là encore, que Facebook ait servi de point de rencontre ayant permis aux internautes de Bahrein de s'organiser afin de reprendre à leur compte les initiatives tunisienne et égyptienne qui ont mené à la victoire.

La situation s'aggrave à Manama, où l'on déplore aujourd'hui 3 morts au moins et près de 200 blessés, suite aux assauts de l'armée entrepris hier dans la nuit contre les manifestants qui avaient campé sur la place de la Parle, baptisée pour la circonstance Place de la Liberté en hommage à la place du Caire devenue célèbre. Les attaques ont été opérées par surprise contre des hommes, des femmes et des enfants en sommeil sous leurs abris de fortune.

Les soldats ont usé de bombes lacrymogènes, de balles en caoutchouc et surtout de balles à fragmentation.

Les chars y ont aussi fait leur apparition en masse ce matin afin d'étouffer la révolte coûte que coûte "et rétablir l'ordre et la sécurité publiques". Pour le ministre de l'Intérieur : « Les forces de sécurité ont épuisé toutes les chances de dialogue ». Il est vrai que les monarchies du Golfe ont soutenu la répression des manifestations populaires de Manama.

Les manifestants réclament la chute du gouvernement. La ministre américaine des Affaires étrangères, Hilary Clinton, a appelé les autorités royales à plus de "retenue" face aux manifestants et demandé que les citoyens puissent exprimer librement et pacifiquement leurs revendications dans la rue.

Le bloc chiite au Parlement qui compte 18 députés sur 40 a annoncé son intention de se retirer de l'Assemblée.

La révolte se poursuit toujours à Manama, où le prince héritier a fini par se résoudre à retirer ses troupes de la place de la Perle, condition exigée par les manifestants pour participer au dialogue, dans lequel est prévue une autre exigence, celle de la démission du gouvernement.

Aussi, sitôt la troupe partie des lieux, les manifestants ont réinvesti la place pour y planter leurs tentes et poursuivre leurs manifestations. Ils ont en même temps enlevé les barbelés qui leur barraient le passage.

Les syndicats ont appelé à une grève générale illimitée dès demain, pour demander la liberté de manifester pacifiquement et sans intervention des forces de l'ordre.

Hier, l'armée avait tiré sur les manifestants, blessant plusieurs dizaines d'entre eux. 6 morts et 95 blessés sont déplorés jusqu'ici.