Les USA mais aussi le monde s'installent dans une crise économique durable

Quelques jours seulement, après la première secousse qui avait ébranlé la Banque centrale européenne, où la crise des crédits immobiliers américains à risque (ou «subprime») tentait de pointer son nez, une grande banque britannique, Northern Rock, vient, à son tour, de subir de plein fouet les effets dévastateurs d’une panique dont les premiers signes s’installent en prolongement.

En deux jours, cette huitième banque britannique a dû faire face au retrait de ses caisses d’un milliard de livres environ (soit 1.5 milliards d’euros), représentant entre 4 et 5 % des dépôts globaux qu’elle détient pour le compte de son million et demi de clients.

Aussi, pour résoudre un problème de liquidités devenu préoccupant, la Banque d’Angleterre est-elle venue à son secours, sans l’empêcher de perdre, en fin de compte, quelque 30 % de sa valeur en bourse.

L’afflux de clients qui formaient de longues files d’attente aux guichets est significatif d’une retombée évidente de la crise sévissant depuis quelque temps aux USA, au plan du crédit immobilier.

Et Northern Rock, institution spécialisée elle aussi dans le crédit immobilier, constitue donc le premier maillon atteint sur le continent européen.

La presse britannique, qui saisit cette occasion pour dénoncer la fausse prospérité fondée non sur l’accroissement de la productivité mais sur l’envol des prix immobiliers, cherche, à son tour, des boucs émissaires, en s’interrogeant pourquoi les banques ont continué à prêter à leurs clients plus qu’elles ne devraient, en dépit des avertissements reçus mettant en relief l’instabilité économique et l’imminence d’une chute de l’immobilier.

A propos de l’intervention de la BCE dans le « colmatage » de la brèche ouverte dans le prolongement de la crise américaine des crédits immobiliers (ou subprime), Nicolas Sarkozy vient d’émettre une critique qui n’est pas restée lettre morte.

Lui qui, selon l'AFP, "juge « curieux » que la BCE se contente de mettre d’importantes sommes d’argent à disposition des banques pour ramener le calme sur les marchés, mais n’abaisse pas aussi ses taux d’intérêt pour soutenir la croissance", est contredit par le ministre allemand des finances, Peer Steinbrück, qui pense que "la politique suivie par la BCE est appropriée".

Plus ferme encore, Axel Weber, le gouverneur de la Bundesbank, la banque centrale allemande, estime que l’impact des critiques françaises sur les décisions de l’institut monétaire serait « nul ». « Nous jugeons nous-mêmes de ce qui est nécessaire », a-t-il sèchement rétorqué.

Par-delà les frictions que viennent d’avoir, sur un autre plan, Angela Merkel, la chancelière allemande, et Sarkozy, ce petit bras-de-fer, qui ne manquera pas de peser négativement sur les relations futures entre les deux pays, marque la distance prise désormais par l’Allemagne vis-à-vis de son partenaire dit privilégié, la France.

Sachant, de plus, que les ministres des finances autrichien, espagnol et italien, soutenus d’ailleurs par le Français Jean-Claude Trichet, son président, approuvent, eux, la décision de la BCE, il est fort à craindre que cette polémique grossisse dans les jours à venir, d’autant que la France est déjà épinglée pour son manque d’efforts en vue de réduire ses déficits budgétaires.

Ce matin encore les clients de la banque Northern Roch faisaient la chaîne devant ses guichets pour retirer leurs dépôts.

Le vent de panique qui y souffle depuis quelques jours semble désormais compromettre tout espoir de redressement de la situation, et ce, malgré le soutien public prononcé en sa faveur par les autorités monétaires et le ministre des Finances, lui-même.

Le fait, d’un côté, que les banques concurrentes aient refusé leur assistance pour lui débloquer des crédits, et, de l’autre, que la Bourse ait réagi négativement – après une chute de 30 % de sa cote, la semaine dernière, l’action de Northern Roch a baissé ce matin encore de 33 autres % -, le devenir de la banque semble désormais scellé. On évoque avec insistance, depuis quelques jours, l'éventualité de sa vente à un concurrent.

On s’inquiète énormément, bien sûr, des possibles répercussions de cet état de choses sur l’économie britannique. Et l’on craint davantage que ce même vent de panique se diffuse à d’autres banques, dans les prochains jours.

Il se trouve même d’aucuns pour trouver en l’actuel Premier ministre le principal bouc émissaire. "On l’accuse de n’avoir pas lutté contre la spéculation immobilière et la spirale de l’endettement des foyers britanniques du temps où il se trouvait à la tête du ministère des Finances, entre 1997 et juin dernier", note l'AFP.

Dans le prolongement des déboires de Northern Roch, d’autres banques de renom subissent le contrecoup de la crise communément appelée des « supbrimes » qui secoue principalement le secteur financier américain.

Après le Crédit suisse, l’U.B.S. et la Deutche Bank, la Merrill Lynch annonce, à son tour, la chute de ses résultats du troisième trimestre, qui accusent une dépréciation des actifs de 5.5 milliards $, (soit 3.9 milliards €), incidence directe des subprimes, où l’engagement de la banque était des plus importants.

Son président ajoute même que les résultats du 4e trimestre prochain restent encore difficiles à prévoir.

Par ailleurs, Washington Mutual (WaMu) annonce, elle, une baisse de 75 % de son bénéfice du troisième trimestre et compte inclure une nouvelle provision à hauteur de 975 millions de dollars pour couvrir les pertes du prochain trimestre, dues comme les précédentes à l’effondrement du portefeuille crédit immobilier.

Toutes ces pertes se traduisent plus concrètement encore par le licenciement de milliers de salariés. Le Crédit suisse s’apprêterait à licencier une seconde vague de 170 employés après s’être séparé d’une première de 120. Cher Morgan Stanley, ce sont 600 salariés de la division crédit immobilier qui devront être licenciés incessamment. En tout, c’est environ une dizaine de milliers de travailleurs, aux USA seulement, qui paient l’addition par la perte de leur emploi.

A son tour, la Société Générale reconnaît, par la baisse de 11.5 %, par rapport à l'an dernier, de ses résultats nets au 3e trimestre, qu'elle subit le contrecoup de la crise US dite des "subprimes".

Son produit net bancaire s'élève à 5.375 milliards d'euros, et son résultat net à fin septembre à 4.3 milliards d'euros.

Mais la banque explique que dans sa baisse de bénéfices à cette date, une dépréciation des actifs a été comptabilisée à hauteur de 400 millions, dont 230 liés aux effets des "subprimes".

Grosso modo, la Société Générale se dit satisfaite de n'être pas trop affectée par la crise américaine de l'immobilier, d'autant qu'en France la solvabilité en la matière est plutôt assise sur les capacités de remboursement et non sur les seules garanties.

Merril Lynch reste toujours sous l'effet de la crise des subprimes, puisqu'au 1er trimestre de l'année en cours, ses résultats s'annoncent déficitaires à hauteur de 1,962 milliards de dollars.

Elles a passé au cours de ce premier trimestre une dépréciation d'actifs pour un montant total de 9 milliards de dollars, dont 3,5 liés à des crédits hypothécaires.

En 2007, la banque avait comptabilisé pour 7,8 milliards de perte nette, résultant principalement de l'enregistrement d'une première dépréciation de l'ordre de 11,5 milliards.

Malgré une amélioration de ses liquidités, au cours de ces derniers mois, qui sont portées au niveau de 82 milliards de dollars, Merril Lynch, qui est toujours dans le rouge, compte se départir de quelques 4000 emplois pour améliorer sa rentabilité. Autrement dit, elle doit se séparer d'un dixième de ses effectifs, au sein de ses services de banque-investissement. Et son but est de faire l'économie de 800 millions de dollars par an.

Dans le prolongement des effets des subprimes, la 2ème banque britannique, la Royal Bank of Scotland (RBS), devrait incessamment annoncer la perte de 5 milliards d'euros, écrit le Financial Times d'aujourd'hui.

Cette perte est plus lourde que celle de 5,1 milliards de dollars enregistrée par Citigroup, une banque américaine, au premier trimestre de l'exercice en cours.

Le conseil d'administration de la RBS est appelé à se réunir entre aujourd'hui et demain à l'effet de concrétiser cette perte et de lever 12 milliards d'euros d'argent frais à lui injecter. Il faut se rappeler que cette banque, en rachetant pour 71 milliards d'euros, l'an dernier, une autre banque l'ABN Amro, avec le concours de ses consoeurs belge Fortis et espagnole Santander, avait placé ses finances à rude épreuve.

L'inquiétude vient cette fois de la seconde banque américaine, Bank of America, dont les bénéficies, au premier trimestre dernier, ont baissé de 77 %, compte tenu d'une dépréciation de 5,2 milliards de dollars inscrite au titre des diverses provisions, dont les subprimes. Ils ne sont que de 1,21 milliard, un résultat considéré très en dessous des attentes.

"Ces résultats sont décevants. La faiblesse de l'économie et les problèmes persistants du marché du crédit ont pesé", a reconnu le directeur général de cette banque, Kenneth Lewis.

« Cette publication des mauvais résultats de Bank of America est en tout cas de mauvais augure pour Wall Street. Le titre Bank of America chutait de 3,4% à 37,25 dollars dans les échanges d'avant Bourse, pesant sur les futures des indices boursiers américains », estime le journal économique La Tribune.

A son tour, le Crédit agricole vient d'annoncer indirectement, par un communiqué publié aujourd'hui même, qu'il est aussi touché par la crise des subprimes.

Sa filiale spécialisée dans le financement des investissements, Calyon, a enregistré, au premier trimestre, une dépréciation de 1 205 millions d'euros. Le Crédit agricole justifie ainsi son besoin d'augmenter son capital de 5,9 milliards d'euros afin de conserver son ratio de solvabilité.

Le conseil d'administration, qui est convoqué pour demain, doit en principe réexaminer la politique globale d'investissements du groupe, pour la recentrer sur des activités moins risquées. L'on s'attend par là même à ce qu'il confirme le départ de son directeur général, Marc Litzler, dont le remplaçant semble devoir être, selon le journal Le Monde, l'actuel responsable du pôle Services financiers, Patrick Valroff.

La crise des subprimes n'en finit pas de semer le désordre dans les milieux financiers internationaux. Aujourd'hui, c'est la banque Lehman Brothers qui est ruinée. De 60 dollars, il y a un an, son action ne cotait plus que 0,20 dollars ce matin à Wall Street. Elle est donc mise en faillite, entraînant dans son sillage Merril Lynch, absorbée, de son côté, par la Bank of America.

L'impact des retombées a été d'une telle violence qu'il a affecté l'ensemble du milieu boursier international. Partout, une chute de 3 %, en moyenne, a été enregistrée à la clôture.

Bush est intervenu en personne pour tenter de rassurer les milieux financiers, en annonçant que son gouvernement travaillait à minimiser les effets de ces pertes en cascade. Il s'est même dit confiant en le redressement prochain de la situation.

En France, la ministre Lagarde a estimé que les incidences n'en seraient pas très importantes sur les banques nationales.

Il faut encore ajouter la grande menace qui pèse sur AIG, l'autre grosse compagnie américaine versée dans les assurances. Tellement exposée à des produits financiers à risque, AIG a chuté dès ce matin de 50 % à la réouverture de la Bourse de New York. Et c'est 90 % de pertes qu'elle accumule depuis le début de l'année. Pour se tirer d'affaire, il lui faut désormais collecter quelques vingt milliards de dollars pour renflouer ses caisses si elle désire poursuivre ses activités.

Peu après la déclaration de mise en faillite de Lehman Brothers, la Bank of America rendait officiel le rachat de Merril Lynch pour 50 milliards de dollars. Les experts pensent que semblable concentration pourrait peut-être se révéler comme seule issue incontournable pour parer aux effets des subprimes.

L'on pense aussi que la crise qui en a résulté n'est pas prête de s'éteindre. D'aucuns la comparent d'ailleurs à celle, dévastatrice, de 1929.

Hier, le groupe Washington Mutual, basé à Seattle, s'est éteint. La FDIC, l'organisme gouvernemental chargé des dépôts bancaires, a organisé le transfert des activités bancaires de ce groupe au profit de JPMorgan Chase, pour 1,9 milliard de dollars.

La transaction n'a pas porté sur le capital ni sur les dettes de WaMu. Les actionnaires et les créanciers doivent donc supporter seuls la perte de leurs mises ou de leurs intérêts. Toutefois, rien ne semble en avoir affecté les contribuables.

Au total, 12 banques auront donc fait faillite depuis le début de l'année, aux USA.

La WaMu, par les actifs, est classée à la sixième position des banques américaines. Caisse d'épargne au départ, elle s'est étoffée à la faveur de l'opération immobilière en développant ses prêts hypothécaires. Aussi, a-t-elle été l'une des premières à subir les contrecoups de la crise des subprimes.

La JPMorgan, en comptabilisant les 188 milliards de dollars de la WaMu, relève désormais ses dépôts à hauteur de 900 milliards. Elle étend en même temps son rayonnement à travers 5400 agences, principalement implantées dans le nord-est du pays. En contrepartie, pour nettoyer ses comptes, elle devra passer en pertes et profits quelques 31 milliards de dollars de créances douteuses héritées de WaMu. Elle compte, en même temps, augmenter son capital de 8 milliards de dollars, pour maintenir ses ratios de solvabilité.

Bush, en pressant les membres du Congrès à avaliser la proposition du secrétaire au Trésor, Paulson, ne se trompait apparemment pas. Il y a, effectivement, une grande urgence à résoudre le problème pendant qui menace l'ensemble du système financier principalement américain, et, par ricochet, international.

Fortis, le groupe de banque et d'assurances belgo-néerlandais, a convoqué une conférence de presse à Bruxelles, suite aux rumeurs qui commençaient à l'accabler. Il se dit encore solvable et même disposé à céder des actifs de 5 à 10 milliards d'euros, pour faire face aux pressions qui s'exercent sur lui. Il est assuré, de plus, du concours de l'Etat, puisque le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a déclaré que le gouvernement ne laisserait aucun "client en difficulté".

En vérité, tout, à travers les bourses mondiales, est suspendu à la décision attendue de Washington quant à la mise en oeuvre du plan Paulson. S'il est vrai que l'on s'oriente à petits pas vers l'adoption, néanmoins sous quelques réserves, de ce plan, du côté principalement des Démocrates, l'ambiguïté de la position des Républicains demeure et fait planer de lourdes craintes sur la suite des opérations.

Il y a quelque chose de pathétique dans l'agitation débridée de Bush et de son équipe, à propos du plan Paulson.

Parvenu en même temps en fin de mandat, le président américain, disqualifié partout à cause principalement de ses mensonges et de ses fourberies mais aussi de son incompétence notoire à diriger un aussi grand pays comme les USA, ce président se retrouve, ô ironie du sort ! à quémander le soutien de ses propres adversaires pour faire adopter le plan en cause, seul moyen apparemment de contenir provisoirement la crise financière dévastatrice.

L'on dit d'ailleurs que Paulson, lui-même, avait quasiment les genoux à terre devant Mme Pelosi, responsable du Parti démocrate, pour implorer le soutien de son mouvement. Car, les propres amis de Bush, au Parti républicain, détalent carrément devant toute l'incongruité que suppose la mesure dite de sauvetage.

Quelle déchéance ! Il est vrai que d'un ancien alcoolo qui s'est rendu coupable d'escroquerie de ses propres associés, et qui ne doit son statut d'aujourd'hui qu'au piston bien engraissé de Papa, ancien ponte de la CIA et également ancien président des USA, l'on ne pouvait attendre mieux.

Cela rappelle comme de juste son ascension par trop fulgurante, au plus fort de la crise née du 11 septembre. Elle n'a d'égale désormais que la violence de la chute qui accompagne son départ de la Maison-Blanche.

Les pays du Bénélux (Luxembourg, Belgique et Pays-Bas) se sont concertés pour injecter plus de onze millions d'euros dans la banque Fortis, dont la chute en bourse s'est précipitée hier. Désormais, cette banque se trouve placée sous le contrôle de ces trois Etats, qui détiennent chacun 49,9 % de son capital, à l'échelon des filiales installées respectivement chez eux.

L'impact de cette nationalisation va essentiellement se ressentir dans le portefeuille des actionnaires. La valeur de leurs actions se trouvera diluée à hauteur des fonds qui renfloueront les caisses de la banque. Elle-même se dit victime d'une opération malencontreuse : le rachat d'ABN Armo, intervenu tout récemment encore, dans des conditions mal appréciées. Du coup, la revente des activités d'ABN Armo est mise désormais sur le tapis.

Fortis, première banque de Belgique, est, aux Pays-Bas, premier employeur privé et deuxième banque.

Les analystes estiment, cependant, que l'effet dominos ne manquera pas d'entraîner d'autres établissements financiers européens dans la tourmente. Tout particulièrement ceux qui détiennent des créances dites "toxiques", parce que adossées sur des prêts hypothécaires, seront plus ou moins fortement ébranlés en fonction de l'importance de leurs portefeuille y relatif.

Contre toute attente, la Chambre des représentants a rejeté cet après-mid, par 228 voix contre 205, le projet Paulson.

La consternation était grande dans la salle, où l'on attendait impatiemment, pendant le quart d'heure réglementaire, que des parlementaires se présentent à la tribune pour corriger leur vote. Il n'y en eut aucun. Du coup, l'effet sur la Bourse de New York a été immédiat : une chute de 4,75 % a été enregistrée. Elle reste naturellement susceptible de s'approfondir dans les heures qui viennent.

En vérité, la Chambre n'avait d'autre choix que de suivre l'opinion publique elle-même, qui s'était déjà prononcée, à 63 %, contre l'adoption du projet en question. Elle estime, non sans raison, qu'il s'inscrit à contre courant des règles établies par le capitalisme lui-même.

Le Républicain John Culberson, du Texas, s'en est même indigné : "C'est une extension du pouvoir fédéral sans précédent, inacceptable, qu'on ne peut pas se permettre, que nos enfants ne peuvent pas se permettre et que nous n'avons jamais vue dans l'Histoire de ce pays".

Le Démocrate Lloyd Doggett, également du Texas, a estimé, lui, qu'il fallait rechercher "une autre solution que cette dépense massive de l'Etat fédéral... Il manque tant à cette loi. Wall Street ne paye même pas un centime !"

En définitive, c'est donc un retour à la case départ, avec toutes les conséquences désastreuses que l'on peut d'ores et déjà imaginer sur l'ensemble du système financier, américain en particulier, et mondial, en général.

Ce que l'on craint, par-dessus tout, particulièrement aux USA, c'est précisément la réaction en cascades que la faillite d'une banque entraîne sur les autres.

Comme l'a écrit un intervenant plus haut, les grandes banques américaines ont cette particularité de gérer, pour leur grande majorité, des portefeuilles d'affaires et non de dépôts. Or, ces affaires circulent principalement entre banques elles-mêmes qui s'échangent leurs excédents de trésorerie pour des investissements durables au niveau de l'industrie et du commerce. Dès lors que l'une d'elles se trouve pour un motif quelconque, comme celui résultant des subprimes par exemple, dans l'incapacité de pourvoir au remboursement de ses créanciers, elle met aussitôt ses consoeurs créditrices en situation difficile, parfois de non solvabilité.

Un tel effet dominos finit par se propager d'autant plus dangereusement que d'autres banques d'affaires, comme c'est le cas pour les prêts hypothécaires, sont elles-mêmes impliquées dans des créances plus ou moins irrécupérables.

Faute par la loi d'avoir défini strictement les conditions d'octroi de crédits aux petites emprunteurs particuliers, le milieu financier américain s'est retrouvé ainsi empêtré dans un problème apparemment insoluble, maintenant que les chances pour l'Etat d'intervenir s'amoindrissent.

En Europe, où la part prise par les affaires est nettement courte dans les milieux financiers, il y a de fortes chances que la conjugaison des efforts de l'U.E. réussisse à juguler les effets ressentis par les quelques rares banques disposant de créances à risques, d'origine américaine.

La banque Dexia, spécialisée dans le financement des collectivités locales en Belgique, a fait l'objet, ce matin, d'une attention particulière de la part des gouvernements français, belge et luxembourgeois.

Gravement menacée, hier, suite à des pressions en bourse qui lui ont fait perdre un tiers de sa capitalisation, Dexia avait rudement besoin d'être secourue immédiatement. Mais, par leur intervention à hauteur de quelques 6,4 milliards d'euros injectés dans ses caisses, ses sauveteurs détiennent désormais la majorité de son capital, les moyens donc de son contrôle.

"Notre ambition était d'avoir une implication politique très forte pour envoyer un signal aux marchés", a déclaré le Premier ministre belge, Leterme, à la sortie de la réunion qui avait conclu à cette opération de sauvetage. Pour sa part, le ministre luxembourgeois du Budget, Luc Frieden, a indiqué : "Nous avons sauvé Fortis et Dexia, mais au-delà, c'est l'ensemble du système financier qui est consolidé par cette action concertée des trois gouvernements". Autrement dit, sur la lancée des décisions prises par l'U.E., qui a déjà placé 120 milliards dans la cagnotte pour le même objet, chaque Etat devra répondre, à son niveau, à toutes les attaques menaçant le système financier placé sous son contrôle.

En retour, Axel Miller et Pierre Richard, dirigeants de Dexia, ont déposé leur démission. Ces deux décisions, favorablement perçues par les investisseurs, ont immédiatement influé sur la cotation de Dexia, puisque celle-ci regagne déjà 10 % de sa valeur.

Pour le gouvernement belge, les deux autres banques, ING et KBC, également visées par des attaques boursières, font d'ores et déjà l'objet d'une étroite surveillance.

Les sénateurs américains ont voté, hier, à une large majorité, soit 74 voix pour et 25 contre, la Loi Paulson prévoyant le rachat par l'Etat des créances "toxiques" détenues par les banques d'affaires, à hauteur d'un plafond de 700 milliards de dollars sur deux ans. Toutefois, le projet soumis aux suffrages avait subi, par rapport à la première mouture présentée à la Chambre des représentants, deux modifications essentielles. La première porte sur le relèvement de la garantie des dépôts des clients dans les banques. Au lieu de 100 000 dollars, c'est désormais la limite de 250 000 dollars qui est retenue comme plafond. La seconde introduit des crédits d'impôts aux classes moyennes et aux entreprises.

Le pallier du Sénat est donc franchi à présent. Il reste à connaître le sort que réserve la Chambre des représentants à ce projet remanié. Et nous ne le saurons que demain, à l'issue d'un nouveau vote que ce dernier devra affronter.

L'atmosphère dans les milieux financiers s'est positivement ressentie de la décision du Sénat américain, puisque l'on enregistre d'ores et déjà une meilleure maîtrise des flux financiers à travers l'ensemble des bourses de la planète. Mieux encore, l'euro a même légèrement perdu de sa valeur face au dollar, aujourd'hui. Il est coté à 1,3848 au lieu de 1,40 enregistré hier.

L'Europe, pendant ce temps, s'agite et recherche la meilleure formule à retenir pour conjurer la menace pesant sur son système financier. Les avis des uns ne sont pas nécessairement ceux des autres, mais un mini sommet, prévu pour samedi, doit asseoir les grandes lignes d'un accord commun à proposer aux 27 pays de l'U.E.

Par 263 voix contre 171, le Plan Paulson a été adopté par la Chambre des représentants, sous le nom de "Loi de stabilisation économique d'urgence 2008", avec un budget total de 850 milliards au lieu des 700 initialement prévus. Des rajouts ont été, en effet, âprement discutés pour emporter la conviction des députés récalcitrants.

Ce vote a eu pour effet immédiat de rassurer les marchés financiers, tant aux Etats-Unis qu'en dehors, où partout les bourses ont enregistré un net regain de confiance.

Il faut dire que les deux candidats aux élections présidentielles ont également joué à fond la carte du Plan Paulson, en appelant les électeurs des deux chambres à se prononcer pour l'adoption de ce plan, devenu absolument incontournable sinon pour enrayer la crise du moins pour en limiter ses conséquences fâcheuses sur l'économie du pays.

Bush, très satisfait de ce résultat, a immédiatement promulgué la nouvelle loi, qu'il estime vitale pour aider l'économie américaine à survivre à la tempête.

A l'Ouest rien de nouveau.

Privatisation des bénéfices et Etatisation des pertes.

L'on signale un assèchement réel des liquidités à travers les banques du bloc occidental. Malgré les assurances données ici ou là au système financier pour reprendre normalement ses activités, une perte de confiance bien nette conduit les banquiers à n'accorder de crédit que sur des délais très courts. Si, tout au long du mois dernier, l'on s'échinait à limiter à un maximum de trois mois les échéances de remboursement des prêts accordés, il semble qu'aujourd'hui, les délais soient rapetissés à 24 heures seulement.

Certes, l'on observe que les intérêts demandés pour cette aussi courte période restent raisonnables. Mais, malgré l'injection de 50 milliards d'euros dans le circuit bancaire par la Banque centrale européenne, l'on constate de réelles réticences de la part des banques primaires à distribuer des crédits. Or, faute de ces derniers, le système financier n'est pas seul en pâtir. Par effet d'entraînement, l'ensemble de l'économie en est réellement affectée. D'ailleurs, c'est pour prévenir cette dérive que Sarkozy et ses collègues d'Allemagne, du Royaume Uni et d'Italie devaient se retrouver aujourd'hui pour définir une politique commune à mettre en place pour faire face à la crise.

Enfin, la préférence des déposants pour les banques publiques ou les pays offrant de meilleures garanties atteste aujourd'hui de cette espèce de défiance qu'éprouvent les détenteurs de liquidités pour les banques primaires classiques.

Tenace, la crise semble résolument s'installer durablement, à en juger par les soubresauts enregistrés, depuis hier, sur les places financières internationales.

Après les coups de boutoir inquiétants qui ont bousculé, hier, l'ensemble des bourses asiatiques, la fièvre s'est emparé ce matin des bourses européennes. Des chutes de 4,95 % sur le CAC 40 à Paris, 3,29 pour le DAX à Francfort et 5,02 pour le Footsie à Londres ont marqué l'ouverture.

Pourtant, le Plan Paulson ayant été adopté, il était permis d'espérer que la confiance reviendrait au niveau des investisseurs. Tel n'est pas le cas, puisque Hypo Real Estate, à Francfort, a accusé une baisse de plus de 50 %, pendant que chutait Commerzbank de plus de 20 %. Les bourses de Moscou n'en sont pas, elles aussi, épargnées, en perdant 7,6 % pour RTS et 9,6 pour Micex. Si Milan ne perd que 3,6 %, Oslo, en revanche, s'inscrit à moins de 7 %.

Prévue pour aujourd'hui, la réunion mensuelle des 15 pays de la zone euro, représentés par leur ministre des Finances, tombe à pic pour tenter une fois encore de rassurer les investisseurs, quant à l'engagement pris par les gouvernements respectifs de faire face à la crise, et surtout de préserver les dépôts des épargnants. Une autre rencontre, devant assembler les 27 pays de l'U.E., qui suivra demain, confirmera sans nul doute les engagements qu'auront pris d'ici là les ministres convoqués aujourd'hui.

En dépit d'une mesure de taille, prise ce matin par les principales banques centrales du monde, par laquelle le taux d'intérêt a été abaissé d'un demi point quasiment partout, les places financières continuent d'être agitées. D'un endroit à l'autre, les chutes se maintiennent, dans des proportions certes moins dangereuses qu'à l'ouverture ce matin mais toujours inquiétantes.

Il faut dire que l'annonce par le FMI de l'extension de la récession, dès cette fin d'année, à l'échelle de tout le monde occidental, n'a pas contribué non plus à calmer les boursicoteurs.

Les plans de sauvetage concoctés dans les principaux pays industriels pour faire face aux problèmes locaux semblent, enfin, ahaner sous la pression baissière venant principalement d'Asie ces derniers jours.

Dominique Strauss-Kahn, président du F.M.I., interrogé ce soir par France 2, estime que la crise coûtera quelques 1400 milliards de dollars, dont 90 % se répartissant à part égale entre les USA et l'Europe et 10 % sur le reste du monde.

Selon lui, les actions ponctuelles des Etats ne constituent pas une réponse correcte à la résolution de cette crise. A cause des impacts entraînés sur les pays voisins, il y a impérativement nécessité pour tous les Etats de conjuguer leurs efforts pour réagir en parfaite coordination entre eux. Dans cet esprit, a-t-il ajouté, une réunion convoquée par le FMI à Washington fera incessamment le point avec l'ensemble des ministres des finances du monde entier, quant aux mesures concertées à prendre d'un commun accord.

L'ancien ministre socialiste des Finances français a reconnu, enfin, qu'il y va de la stabilité des finances mondiales de définir le nouveau système capable de réguler le marché, en donnant aux Etats davantage de prérogatives. En d'autres termes, la crise que nous vivons sonne comme un signal de limite du capitalisme, tel que l'ont toujours défendu ses adeptes. La liberté d'entreprendre devra en quelque sorte passer désormais sous le contrôle de l'Etat, quand bien même ce dernier fixera-t-il des limites à ses interventions. A bien y réfléchir, Marx et consorts ont finalement bien raison de considérer que le capitalisme contient en lui-même les germes de sa propre destruction.

La baisse généralisée constatée, aujourd'hui encore, à travers les places financières inquiète sérieusement gouvernants et gouvernés, industriels et investisseurs, banquiers et épargnants.

La crise, telle une tache d'huile, s'étend désormais à l'ensemble de l'économie mondiale. Le premier pays qui en est sérieusement affecté est aujourd'hui l'Islande qui plonge dans une effroyable récession. De plus, les prix des matières premières font l'objet de valses d'autant plus sérieuses que ce sont les pays les plus pauvres qui pâtissent davantage de leurs effets. Le pétrole lui-même, ressource principale d'un certain nombre d'autres pays également pauvres, se ressent de plus en plus gravement de ce chamboulement. De 147 dollars le baril, à la mi-juillet dernier, sa cote est descendue à 75 dollars aujourd'hui.

Malgré toutes les assurances que s'évertuent à multiplier les autorités gouvernementales occidentales, la spéculation continue son mouvement combiné avec les retraits massifs des épargnants. Plus rien ne résiste devant la pression toujours forte de ces derniers devant les caisses des banques et autres institutions de crédit. C'est un peu le sauve qui peut devant les guichets. Tout le monde veut éponger son compte, la confiance étant apparemment sérieusement entamée.

Il reste encore à voir les effets de la décision que prendront ce soir les ministres des Finances réunis à Washington sous la houlette du FMI. Sera-t-elle assez convaincante pour inverser la vapeur ? Nous ne le saurons que demain, à la réouverture des principales bourses de la planète.