Libération - 7.12.2010
Interview par QUENTIN GIRARD
Le chercheur en économie Jean Hindricks souligne les risques éventuels pour l'Europe d'une crise belge.
La situation politique de la Belgique inquiète les marchés financiers à tel point que la Banque nationale a réclamé la formation d’un nouveau gouvernement. Si pour le chercheur à l’université catholique de Louvain Jean Hindricks, la Belgique ne connaîtra pas une situation à la grecque, il explique qu’une éventuelle crise pourrait avoir de graves répercussions sur le reste de l’Europe.
Pourquoi la Belgique inquiète-t-elle les marchés financiers?
Ce qui inquiète, c’est surtout l’immobilisme des institutions politiques. Nous n’avons pas de gouvernement depuis cinq mois. Le budget n’a pas été voté, c’est déjà trop tard pour le premier trimestre 2011. On travaille mois par mois, c’est le statu quo et aucune mesure fédérale n’est prise face à la crise. Heureusement, nos régions ont beaucoup de pouvoir, presque à 50-50 avec l’Etat fédéral. Elles ont d’une certaine manière pris la relève. Dans notre situation actuelle, nous avons de la chance de ne pas être centralisé comme la France.
La Belgique peut-elle être le nouveau pays en difficulté, après la Grèce et l'Irlande?
Nous avons des problèmes, le taux d’endettement est inquiétant, la dette s’élève à 100% du PIB, mais nous avons aussi des points positifs. Le marché du travail a bien résisté. Au lieu de faire des licenciements secs, nous avons joué sur le temps de travail et ça a fonctionné. Entre 2008 et 2009, on estime qu’on a perdu l’équivalent de 30 à 40.000 emplois et on en a regagné 50.000 depuis. Notre balance commerciale est, elle, rassurante et notre déficit public tient bon. Donc je ne pense pas que l’on va suivre la Grèce ou l’Irlande.
Une éventuelle crise en Belgique peut-elle avoir des répercussions négatives sur la France?
Des physiciens ont mis en place un modèle économique qui étudie les phénomènes de propagation dans les réseaux, en mesurant l’intensité des échanges, la puissance financière, les grandes entreprises, etc, reliant tous les pays entre eux. Plus un Etat est relié, plus une crise économique chez lui peut avoir une répercussion chez les autres. Dans les douze pays les plus contagieux du monde, car totalement interconnectés, figurent ainsi six pays de grande taille, dont la France et, plus surprenant, six pays de petite taille, dont la Belgique. Ainsi, pour le site Physorg.com, quand la Belgique éternue, le monde s’enrhume.
http://www.liberation.fr/economie/01012306723-crise-de-l-euro-la-belgique-est-l-un-des-douze-pays-les-plus-contagieux-du-monde