Tout le monde aura observé, notamment lors de l'affaire Woerth/Bettencourt, que tous les petits amis de Sarkozy, et surtout ses bienfaiteurs, tout comme les amis de ses amis ont été quasiment gratifiés de la légion d'honneur. Cette décoration nationale très prisée même si elle ne s'accompagne d'aucune rémunération a été créée sous Napoléon. Elle a pour objet de récompenser les mérites exceptionnels rendus à la nation ou à la société par son impétrant. Malheureusement, comme sous la 3ème République, elle est distribuée aujourd'hui au gré du chef de l'État ou à la discrétion de ses ministres, chacun, selon des limites préétablies, étant libre de proposer ses propres candidats.
Capital.fr consacre à ce sujet un article fort bien documenté qui mérite d'être inséré ici intégralement à l'attention des fidèles de Thilelli.
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Capital.fr - Le 21/12/2010
Pour remercier amis et affidés, le président fleurit à tour de bras les boutonnières, comme sous la troisième République. Qui n’a pas son ruban ?
La Légion d’honneur, Nicolas Sarkozy aura patienté cinquante ans pour l’obtenir… Ce n’est qu’en février 2005 que Jacques Chirac daignera la lui remettre, au cours d’une discrète cérémonie. « Après la prise d’otages, je suis sorti de la maternelle de Neuilly avec six enfants dans les bras, tout le monde a été décoré sauf moi ! », râlait-il jusque-là.
Devenu grand maître de l’ordre le jour de son élection, notre président distribue aujourd’hui des rosettes pour bien moins que cela : financiers de l’UMP, ex-collaborateurs, journalistes amis, cuisiniers fétiches, avocats et magistrats fidèles… Les uns après les autres, tous se font épingler le revers en récompense de leurs « services éminents » à la nation, selon la terminologie officielle. « C’est une notion très subjective… », admet le général Collot d’Escury, directeur de cabinet de la grande chancellerie de la Légion d’honneur.
Nicolas Sarkozy n’est certes pas le premier à en avoir une interprétation toute personnelle : en 1887, le président Jules Grévy dut ainsi démissionner lorsque le trafic de décorations mis en place par son gendre, Daniel Wilson, fut découvert. On n’en est évidemment pas là, mais l’incroyable litanie d’enrubannés que nous vous présentons ici laisse perplexe…
Stéphane Loignon.
Les financiers de l’ump
Envie d’obtenir la Légion d’honneur ? Si vous n’avez point de mérite particulier, le plus simple est sans doute de devenir un gros donateur de l’UMP. Les membres du Premier Cercle, l’association qui rassemble les bienfaiteurs ayant versé plus de 3 000 euros au parti, sont en effet de grands habitués du hochet national.
Nous avons fait les comptes : sur les 22 adhérents connus à ce jour (la liste est confidentielle), seuls trois ne l’ont pas à la boutonnière : Léone-Noëlle Meyer, ex-directrice des Galeries Lafayette, l’a refusée, l’homme d’affaires Maurice Bidermann ne peut pas l’obtenir car son casier judiciaire n’est plus vierge, et Jean-François Damour, le directeur des restaurants La Criée, attend patiemment son heure…
Soyons honnêtes : parmi les 19 donateurs récompensés (dont 10 sous Nicolas Sarkozy), certains, comme Jean-René Fourtou (patron de Vivendi), Ernest-Antoine Seillière (ex-grand commandeur du Medef), ou encore Laure de Beauvau-Craon, pédégère de Sotheby’s France, n’ont pas volé leur croix. Mais, pour d’autres, l’épinglage paraît nettement moins justifié.
En fait de « services éminents » rendus à la nation. Patrice de Maistre, le désormais célèbre gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, semble s’être surtout distingué dans les montages financiers opaques, et le marchand d’art Guy Wildenstein, accusé par sa belle-mère d’avoir minoré la valeur de son héritage, dans la fréquentation assidue des paradis fiscaux.
A noter que, dans cet arrosage caritatif, les petites mains n’ont pas été oubliées. L’élue de Paris, Valérie Hoffenberg, et le conseiller du ministre du Travail, Eric Le Moyne de Sérigny, qui ont aidé Eric Woerth à constituer le « Cercle » en lui ouvrant leur carnet d’adresses, ont tous deux été nommés chevaliers.
La bande du fouquet’s
C’est ce qu’on appelle un banquet bien à rosettes ! Sur la cinquantaine d’invités présents au Fouquet’s le soir de l’élection présidentielle, une douzaine a reçu le ruban rouge quelques mois plus tard. Parmi eux, les plus fidèles amis de Nicolas Sarkozy : Martin Bouygues, témoin de son deuxième mariage, Agnès Cromback, dirigeante de Tiffany France, qui a passé ses vacances aux Etats-Unis avec le président à l’été 2008, mais aussi la maire adjointe de Levallois Isabelle Balkany et l’acteur Christian Clavier.
Comme il était déjà décoré, le patron de l’assureur Generali, Antoine Bernheim, a été, pour sa part, catapulté au grade le plus élevé, grand-croix. D’autres convives, un peu moins proches du chef de l’Etat, ont aussi vu leur talent salué, comme le footballeur Basile Boli ou l’acteur Jean Reno.
Les collaborateurs de l’Élysée
Ça rassurera les syndicats : dans sa propre boutique, Nicolas Sarkozy est quand même un patron magnanime. Les serviteurs du palais présidentiel sont en effet nombreux à avoir été remerciés avec une breloque. En théorie, la chose est impossible lorsqu’ils sont en fonction : François Pérol, ex-secrétaire général adjoint du président (nommé en 2009 à la tête des Banques populaires), et son ancienne collègue Emmanuelle Mignon (recrutée depuis par Luc Besson) ont dû attendre de lever le camp pour voir leurs noms apparaître sur la liste des heureux élus, le 14 juillet dernier.
Mais la règle ne s’applique pas pour les conseillers occultes. Ainsi, Pierre Giacometti et Patrick Buisson, sondeurs préférés du président, ont-ils reçu la croix de chevalier, Alain Bauer, criminologue très en cours, la rosette d’officier, et Alain Minc, la cravate de commandeur.