Le thème récurrent de l'évangélisation, pourtant peu apparente, en Kabylie commence à vraiment obséder les pouvoirs publics, et tout particulièrement le département de Goulamallah, le ministre des Affaires religieuses. Pour eux, tous les ennuis posés au pays viennent principalement de là, à commencer par le dernier en date, celui de la "scission" que croient percevoir certains esprits tordus dans la création du "Gouvernement provisoire kabyle" de Ferhat Mehenni.
L'apparition de certains sites servant de lieux de prière aux fidèles chrétiens d'origine kabyle fraîchement convertis à l'église réformée donne du fil à retordre aux autorités. Comme en France où les musulmans se trouvent souvent obligés d'improviser des lieux de prière inusités, les Kabyles christianisés récemment se retrouvent acculés à remplir leurs devoirs religieux dans des logements privés, des magasins, des ateliers et enfin dans tout abri susceptible d'échapper à la vigilance des indicateurs de la police pullulant nombreux autour de leurs milieux. Mais, si en France, ces fidèles musulmans ne posent aucun problème à l'ordre public, en Algérie, au contraire, les parpaillots constituent pour l'Etat un vrai sujet de préoccupation qui risque, en se développant, de porter gravement atteinte à ses fondamentaux. Aussi, sont-ils sévèrement réprimés, en dépit des protestations de l'Eglise.
Mais, pour attaquer le mal à la racine, le ministre croit pouvoir disposer d'un moyen radical, celui de multiplier les mosquées dans la région et les imams qui les desservent, feignant simplement d'ignorer qu'à la base de ce rejet néanmoins perceptible de l'islam, en Kabylie, la malvie, le chômage et la misère sociale en sont les principales causes. Les habitants de cette région, à dessein affamés par une politique d'exclusion, régionaliste et rétrograde poursuivie sans trêve par le régime en place depuis l'indépendance, ont toutes les raisons de se rebiffer. Ils ont besoin d'autre chose, pour remplir leur ventre, que d'édifices qu'ils ne fréquentent pas et par lesquels on cherche inlassablement leur soumission. Et, d'ailleurs, Boumediene, le plus gorgé de fanatisme arabe disait bien : "Les musulmans n'ont rien à faire du paradis s'ils s'y présentent le ventre vide".