Un séisme fait des ravages à Haiti

Hier, un puissant séisme de magnitude 7 sur l'échelle de Richter à dévasté Haïti, causant, selon une estimation donnée ce soir par le Premier ministre, Jean-Max Bellerive, une centaine de milliers de morts.

Bellerive a néanmoins précisé, tant les dégâts sont énormes : « J'espère que ce n'est pas vrai parce que j'espère que les gens ont eu le temps de sortir. Mais tellement, tellement de bâtiments, tellement de quartiers ont été totalement détruits, et dans certains quartiers, on ne voit même plus personne, donc je ne sais pas où sont ces gens ».

De partout, dans le monde, des secours s'organisent et sont sur le point de rejoindre le théâtre de la catastrophe. La secousse s'est produite à 16 h 53, heure locale (soit 22 h 53, heure GMT) et son épicentre située à 15 km de Port-au-Prince, la capitale.

De nombreux bâtiments publics ainsi que ceux abritant les services locaux de l'ONU se sont effondrés, enfouissant sous les décombres des centaines voire des milliers de personnes n'ayant pas eu le temps d'évacuer les lieux.

En attendant que l'aide internationale apporte des équipes de sauvetage spécialisées, des vivres et des médicaments, les Haïtiens tentent, avec leurs maigres moyens, de porter secours aux blessés et aux personnes enfermées sous des tonnes de gravats.

Haïti, pays le plus pauvre du continent américain, subit pour la première fois, depuis deux cents ans, une hécatombe de cette grandeur. Rappelons néanmoins qu'en 2008 des ouragans violents y ont causé la perte d'au moins 800 personnes.

Cinq jours après le séisme, la situation est on ne peut plus désespérée sur place.

Les secours, qui arrivent au compte-gouttes, doivent prendre en charge non seulement le sauvetage des milliers de personnes blessées prises sous les décombres mais aussi une population sinistrée privée quasiment de tout. Ni eau, ni nourriture, ni tentes, ni vêtements, envoyés de partout dans le monde, n'y sont réceptionnés dans les conditions satisfaisantes. Les associations humanitaires qui opèrent sur les lieux sont à la fois pressées par le temps qui impose une certaine rapidité dans le sauvetage des survivants et par l'absence notoire de sécurité. Des groupes d'Haïtiens, bousculés par la faim, le froid et la soif, s'offrent à des violences inouïes qui n'épargnent pas même les équipes étrangères venues à leur secours.

L'appareil de l'Etat, déjà paralysé bien avant le séisme faute de moyens, est désormais totalement absent. Des ministres et des fonctionnaires divers ont été eux aussi enfouis sous les décombres. Et les 10 000 soldats dépêchés par Obama pour prendre le relais, au plan sécuritaire tout au moins, s'avèrent en nombre très insuffisant pour couvrir un vaste territoire ravagé par le tremblement de terre.

Ses routes défoncées et rendues impraticables, ses aéroports saturés par l'afflux de l'aide humanitaire venant des quatre coins de la planète, Haïti se retrouve quasiment isolé et surtout impuissant à remédier assez vite à la situation désespérée devenue la sienne.

Si le chiffre de 100 000 morts est parfois contesté parce que jugé trop élevé, il n'empêche qu'au moins 25 000 cadavres ont été déjà recensés et que 250 000 blessés souffrent à travers tout le territoire. Ils ont besoin de médicaments, de médecins et d'hôpitaux ambulants pour se faire soigner.

Ce pauvre pays qui végète dans le dénuement le plus complet depuis maintenant plus de deux siècles pansera donc longtemps ses blessures avant de penser à une reconstruction qui ne viendra peut-être jamais, faute par la communauté internationale de l'assumer elle-même. D'ailleurs, n'est-ce pas que Wade, le président du Sénégal, propose déjà aux Haïtiens de quitter leur contrée maudite pour revenir en Afrique, à leurs racines ?

Les ravages causés par le séisme font dire au gouvernement - du moins à ce qui en reste - que le chiffre de 200 000 morts n'est pas très loin de la réalité, puisque, déjà hier, on avait recensé quelques 70 000 cadavres.

C'est une population de 2 à 3 millions d'habitants qui se retrouve sinistrée, à présent. Tout ce monde attend des secours alimentaires, des vêtements, des tentes et surtout des soins au profit de plus de 300 000 blessés, dans un pays où il ne reste quasiment plus d'hôpitaux, plus d'infrastructures publiques debout.

Pendant ce temps, les USA, qui ont investi les lieux en force pour y assurer d'abord la sécurité, avec plus de 10 000 soldats déjà à pied-d'œuvre, et distribuer ensuite des vivres à grand renfort de vols aériens, organiser les soins avec l'aide d'une multitude d'équipes médicales, donnent à la France l'occasion de prendre ombrage d'une immixtion inconsidérée dans ce qu'elle appelle sa zone d'influence.

A cause d'un avion français dérivé sur la République dominicaine, par l'armée américaine qui contrôle la navigation aérienne de l'île, en raison de la saturation des aéroports locaux, Paris récrimine contre Washington, l'accusant de vouloir "recoloniser" le territoire. Il faut se rappeler, en effet, que Haïti, dans le cadre de la doctrine Monroe en vigueur à l'époque et dont l'objectif était d'assurer la sécurité des Caraïbes, avait été occupé par les Etats-Unis de 1915 à 1934.

Un autre constat, mis en lumière par la catastrophe d'Haïti, est que l'U.E. est encore loin de donner d'elle l'image d'une organisation parlant le même langage au plan politique. Face surtout aux USA, l'esprit communautaire de ses membres s'est effacé au profit d'une dialectique proprement individuelle.

Officiellement, le nombre des morts recensés dans cette catastrophe s'élève, à aujourd'hui, à 111 499. A ce chiffre s'ajoutent 190 000 blessés. 55 000 familles sont déclarées sinistrées, à la suite de la destruction de 11 000 habitations.

Durant les dix jours suivant le séisme, seulement 132 vies humaines ont été extraites des décombres, la dernière en date remontant à hier. 1918 secouristes internationaux, répartis en 67 équipes, sont intervenus dans les opérations de sauvetage, avec l'aide de 160 chiens.

Le gouvernement haïtien a déclaré terminée la phase de recherches et de secours, dans un communiqué publié aujourd'hui. Désormais, les efforts vont donc se concentrer sur l'aide à apporter aux blessés et aux sinistrés.