Des "bavures" et encore des "bavures" interminables en Afghanistan

Le mot "bavure" est tellement récurrent dans la bouche des dirigeants américains qu'il n'a plus de sens. Loin de contrôler ses troupes, l'aviation US continue, en effet, d'utiliser le plein de ses moyens pour réduire au sol des groupuscules de soi-disant terroristes, qui ne sont souvent, en vérité, que de malheureux civils.

Ainsi, a-t-on annoncé en grande fanfare ce matin l'extermination d'au moins 50 Talibans, qui s'étaient emparés de deux camions d'essence de la coalition. Des avions sont immédiatement intervenus pour bombarder avec une extrême violence les lieux de l'attaque, avant de se glorifier ensuite d'avoir éliminé des dizaines de terroristes.

Seulement, Karzaï, le président de l'Afghanistan, vient de réagir contre ces bombardements aveugles qui ont massacré plutôt des civils que des Talibans. Il y avait foule de civils autour de ces camions pour s'approvisionner en carburant gratuit. Le président afghan considère, dans son langage toujours diplomatique, que ces tueries de civils sont inacceptables.

Aucune réaction n'est venue jusqu'ici de la coalition. Seuls les Français pleurent aujourd'hui leur 30è soldat touché mortellement ce matin par une explosion. 9 autres soldats français ont été aussi blessés, parfois grièvement, dans cet attentat qui a pris pour cible une automobile blindée se trouvant à la tête d'un convoi.

A cause du flot de commentaires que cette nouvelle perte a suscité dans les journaux, je me suis mêlée au nombre pour envoyer le commentaire suivant au Figaro. Malheureusement, ce journal, qui est rangé à l'extrême droite, n'a pas jugé bon de le publier.

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Les dindons

Jamais l’Afghanistan ne s’est trouvé si proche de ses Talibans, malgré toute les persécutions et la charge de barbarie que ces derniers ont pourtant fait subir à leur peuple, sous leur règne.

Les Américains, en premier, avec leur vantardise et leur cécité, ont eux-mêmes précipité les Afghans dans les bras de leurs oppresseurs d’hier, par leurs récurrents et intolérables bombardements sauvages et inhumains. Comme hier, au Vietnam, où ils déversaient des dizaines de milliers de tonnes d’obus, de napalm, de défoliants et poisons divers sur des populations innocentes, les Gi’s ont, aujourd’hui, reproduit en Afghanistan les mêmes erreurs grotesques qui font de leurs dirigeants, à tous les niveaux, des criminels normalement passibles de poursuites pénales, tout autant que les criminels nazis de la dernière guerre mondiale.

Les membres de la coalition, en répondant aveuglément, tels des moutons de Panurge, aux appels des Etats-Unis, perdent de vue la grande part de responsabilité qu’ils assument eux-mêmes, bien qu’indirectement parfois, dans les massacres commis en Afghanistan ou en Irak. Ils éprouvent, il est vrai, tellement de peine à libérer leur conscience de la dette lourde résultant de leur libération de l’Allemagne hitlérienne qu’ils se sentent toujours les obligés de Washington, dussent-ils réprouver intérieurement leurs propres actes.

Huit années d’une invasion précipitée et sanglante d’un pays indépendant et membre de l’ONU, sans raison juridique satisfaisante et défendable, ne suffisent-elles pas à mettre un terme aux souffrances d’un peuple qui n’a déclaré la guerre à personne, et qui entend vivre dans le respect et la dignité reconnus partout ailleurs aux autres peuples de la planète. On prétendra, bien sûr, que des intérêts économiques égoïstes la justifient, au nom de la lutte pour l’hégémonie mondiale toujours en vigueur. Mais alors, les Français qui n’ont rien à y gagner doivent-ils continuer à se faire les dindons ?

Les forces militaires allemandes activant en Afghanistan sont désignées comme responsables de cette attaque extrêmement sanglante et aveugle qui a causé non 90 mais 125 morts.

Il s'agissait en fait d'un camion d'essence soustrait par les Talibans aux ravitailleurs de l'Isaf. Ce véhicule chargé a été déplacé mais il est tombé en panne sur le côté d'une rivière. Là, les Talibans auraient appelé des villageois à la rescousse pour tenter de le mettre à l'abri. Ces derniers se servaient en même temps en carburant du camion, quand l'avion mitrailleur est survenu pour l'y désintégrer avec un missile.

Parmi les victimes touchées par l'explosion se trouvaient certes des Talibans mais surtout de très nombreux civils que l'inflammation de l'essence a transformés en torches humaines.

L'officier allemand responsable de ce crime argue de son innocence, car il se serait fié, déclare-t-il, à un simple informateur local qui lui aurait indiqué la présence seule des Talibans autour du camion. Or, c'est à peu près dans les mêmes conditions qu'avait été décidée une toute récente attaque américaine très meurtrière contre un village fêtant un mariage. Autrement dit, il devient clair qu'au sein de la coalition guerroyant en Afghanistan, chaque armée opère sans aucune espèce de coordination avec les autres. Le gouvernement allemand, de son côté, tente maladroitement aussi de couvrir une aussi grave bavure qui expose désormais l'Allemagne tout entière devant la grave interrogation de sa présence militaire dans un pays étranger.

Les Etats-Unis, pendant ce temps, ont beau jeu de flétrir l'incident qui, pour un fois, ne les implique en rien. Le chef de leur armée en poste à Kaboul a cru même devoir déplorer la catastrophe auprès de Karzaï, oubliant vite sans doute que d'autres crimes de même nature et imputables à l'armée américaine ont causé des centaines d'autres victimes innocentes.

Une nouvelle "bavure" - quel euphémisme scandaleux devenu rituel dans la presse occidentale - des troupes d'agression en Afghanistan a coûté la vie à 33 femmes et enfants.

Tandis que ces derniers circulaient à bord d'autobus sur la route, l'aviation des occupants les a mitraillés sauvagement.

Le général en chef américain s'est fendu ensuite de larmes de crocodile pour flétrir un "incident regrettable". Il a été aussitôt suivi par l'ensemble des gouvernements constituant la coalition.

C'est à se demander ce que fait cette dernière dans une expédition qui dévoile plutôt des allures barbares et carrément coloniales. C'est à s'interroger aussi sur la raison d'être de ce "machin" appelé l'ONU, que les gangsters Bush, Blair et Merkel ont dévié à leur strict et égoïste profit.

Mais, à n'en pas douter, le plus dur reste à venir pour les agresseurs. Chaque civil afghan ainsi abattu donne à ses concitoyens la raison et le droit de se battre, quel qu'en soit le prix, pour bouter les démons hors de leur pays.

Une nouvelle bavure - ah ! on en est à combien ? 8, 10, 20, 50 ? - a été reconnue par l'armée d'invasion en Afghanistan : 6 soldats afghans ont été tués et un autre blessé à cette occasion, par des tirs d'hélicoptères, suite, dit-on, à une mauvaise coordination entre les forces opérationnelles en présence.

Tantôt on cartonne contre des civils sans distinction de sexe et d'âge, comme si ces derniers n'avaient pas la valeur de chiens et de chats, car ceux-ci auraient sans doute aussitôt suscité les plus vives protestations à travers le monde, tantôt on tire sur des militaires ou des policiers afghans sans les moindres vérifications préalables et élémentaires.

Cette situation résume tout le mépris avec lequel la population afghane - que l'on se gausse par ailleurs de tout mettre en oeuvre pour la protéger et même la civiliser comme du temps des colonies de triste mémoire - est perçue par les forces particulièrement américaines sur le terrain.

Imaginons un instant qu'au lieu et place de militaires ou de policiers afghans ce soit des soldats de la coalition qui tombent de la même façon sous les balles afghanes. Comment auraient donc réagi tous leurs généraux décérébrés engagés sur le théâtre des opérations ? Sans nul doute, ils auraient exterminé leurs agresseurs sans aucun état d'âme.

Il est donc temps de faire comprendre à ces amoureux de la gâchette que leur cirque doit cesser et que l'ère des tueries barbares du colonialisme est révolue.

Encore un nouveau massacre de civils innocents, pour ne pas employer par euphémisme le mot "bavure" cher aux médias de la coalition embourbée en Afghanistan, vient d'être décrié, hier, par le président Karzaï.

Il s'est déroulé dans le sud du pays, au village de Regey, où une roquette a exterminé 52 personnes.

Pour les coalisés, "Toute spéculation à ce stade sur des pertes civiles présumées dans le village de Regey est complètement infondée", a indiqué le chef de la communication de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (Isaf), l'amiral Greg Smith, rapporte le journal Le Monde. "L'enquête conjointe de l'Isaf et du gouvernement afghan sur les accusations de pertes civiles près du village de Regey (...) n'a pour l'instant pas révélé de preuves de civils tués ou blessés", ajoute l'amiral dans un communiqué, toujours selon le quotidien français du soir.

Mais là, qui croire ? Le communiqué d'un amiral, très loin sans doute du théâtre des opérations et dont le pays s'impose comme règle intangible de mentir sur ses actes démentiels ou le président Karzaï, qui tient son information de ses propres forces engagées au côté de l'Isaf ?

Toute la question est désormais de prendre avec le maximum de précautions les déclarations souvent mensongères des chefs de guerre de la coalition.

Au moins 12 civils ont été massacrés par des tirs aériens de l'aviation coalisée ce matin à l'est de l'Afghanistan, indiquent les responsables locaux, d'après les dépêches d'agences. "Les forces de la coalition ont mené une opération la nuit dernière. Dans le village de Nokrkhail, ils ont tiré des airs sur un véhicule et ont tué douze civils", a indiqué le gouverneur du district concerné. Ce responsable a également ajouté qu'un second village, Hashimkhail, avait été la cible de frappes aériennes : "Quatorze personnes ont été tuées, mais on ignore combien étaient des civils et combien étaient des talibans."

Un communiqué de la présidence afghane ordonne "aux ministères de la défense, de l'intérieur et à la direction nationale de la sécurité, ainsi qu'aux autorités de la province de Nangarhar d'enquêter sur les informations concernant des pertes civiles dans le district de Khogyani". Il est question dans ce district de l'explosion de roquettes au cours de combats entre les coalisés et les Talibans.

Ces nouvelles "bavures", pour employer un terme largement usité par euphémisme dans le monde occidental, sonnent plutôt faux par rapport à la dernière mise en garde transmise aux armées, par le général Petraeus, le 1er août dernier. "Nous devons poursuivre nos efforts, en fait les redoubler, pour réduire les pertes de civils innocents à un minimum absolu", écrit ce commandant en chef. "Avant de tirer, le commandant approuvant une frappe doit déterminer qu'aucun civil n'est présent. S'il n'est pas possible de déterminer le risque de présence de civils, les frappes sont interdites, sauf dans deux conditions...", insiste-t-il encore.

Trente-neuf civils ont été tués à la fin juillet dernier au sud du pays, rappelle Karzaï qui en accuse là aussi les coalisés.

Acculée dans ses retranchements, l'OTAN a fini par reconnaître, hier, la véracité des accusations portées contre elle à propos des tirs meurtriers que son aviation avait lancés sur des civils. "A la suite d'informations reçues d'officiels de la province de Nangarhar, il apparaît qu'entre quatre et une douzaine ou plus de civils ont été tués", indique du bout des lèvres le communiqué de la Force internationale en Afghanistan de l'OTAN (ISAF).

Cette dernière précise que "l'opération visait un ensemble de bâtiments où ses sources indiquaient la présence de plusieurs chefs talibans", rapporte le journal Le Monde. Voilà, tout est dit quant à la manière très humaniste pour les coalisés de réduire l'ennemi. Tant pis pour les habitants de ces bâtiments, où se seraient réfugiés quelques Talibans, s'ils périssent sous le flot de bombes tombées du ciel pour donner la mort, au nom d'une prétendue "civilisation" qu'on prétend mettre en place dans ce pays meurtri. Et l'on s'étonne ensuite que les Afghans refusent de se soumettre au diktat des envahisseurs venus d'un autre monde plutôt barbare et qui n'ont d'autre souci que de prévenir d'autres attentats du type du 11 septembre.

A bien des égards, n'est-ce pas que nous assistons là à une nouvelle version du néo-colonialisme plus ravageur encore que celui du XIXè siècle, puisque les étrangers qui tuent ne sont pas même visibles ni à portée d'une épée, d'un couteau ou simplement d'une pierre.

Dix civils afghans voyageant à bord de 3 véhicules ont été pris pour cible et tués par des tirs d'avions des forces de la coalition, annonce le président Karzaï, aujourd'hui, dans un communiqué qui condamne une fois encore l'aveuglement de ces dernières. On est tenté d'ajouter le mépris déclaré de ces envahisseurs pour la population civile. N'est-il pas vrai qu'ils s'y seraient pris bien autrement s'ils avaient plutôt affaire à un peuple occidental.

Les malheureuses victimes n'étaient autres que des partisans d'un candidat aux élections législatives, indique le même communiqué.

"Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, les partisans de la démocratie doivent être distingués de ceux qui la combattent", s'est plu à rappeler opportunément le président afghan.

Ces assassinats à répétition n'ont pour effet que d'approfondir la terreur installée déjà dans l'esprit des populations afghanes qu'elles forcent à rejoindre le camp des Talibans. Rappelons-nous que les mêmes crimes continuels perpétrés aussi aveuglément par l'armée française en Algérie avaient eu pour résultat immédiat de souder solidement le peuple derrière le FLN jusqu'à la victoire finale.