Le cabinet de Netanyahou a été formé

Après de difficiles et longues négociations avec les partis concurrents, Benyamin Netanyahou a fini par constituer une coalition gouvernementale qu'il compte présenter demain à l'investiture du Parlement. C'est un cabinet assez lourd, qui comptera 30 ministres et 5 ou 6 vice-ministres.

Ehoud Barak, le chef du Parti travailliste conservera donc le ministère de la Défense. Eli Ishaï, responsable du Parti Shass, prendra l'Intérieur ; Avigdor Lieberman, extrémiste de droite et leader d'Israël Beiteinou, les Affaires étrangères. Faute d'entente avec Tzipi Livni, son responsable, le Parti Kadima est écarté de la nouvelle équipe gouvernementale.

Le Parti travailliste s'empare de postes importants au sein de cette dernière. Outre cinq fauteuils ministériels en sus de celui de la Défense, il obtient deux vice-ministères et surtout la présidence tournante de la Commission parlementaire des affaires étrangères et de la défense.

Dans cette formation constituée pour l'essentiel de radicaux, c'est surtout la présence de Lieberman qui inquiète, notent les observateurs. Ce dernier, au langage cru et violent, est considéré comme un dangereux et irréductible conservateur capable de déclencher un affrontement militaire tant avec l'Iran qu'avec l'Egypte. Il avait même préconisé l'emploi de la bombe atomique sur Ghaza avant l'agression israélienne de décembre dernier.

Comme le note un observateur, le cabinet israélien, qui vient d'obtenir hier les suffrages de la Knesset par 69 voix contre 45, est aussi "pléthorique qu'hétéroclite".

Composé pour l'essentiel de formations groupusculaires extrémistes de droite, d'extrême droite et même de gauche, le gouvernement dirigé désormais par Netanyahou s'expose à un éclatement pouvant intervenir à tout moment, tant les approches des uns et des autres restent notoirement différentes à propos de la question palestinienne.

Si Ehoud Barak, qui est à la tête du parti le plus représentatif, accepte, lui, le principe de négociations avec les Palestiniens en vue d'établir leur propre Etat et de le reconnaître, principe auquel d'ailleurs il avait pleinement adhéré dans le précédent gouvernement, tel n'est pas le cas des autres chefs de parti, y compris Netanyahou lui-même.

Ce dernier, tout particulièrement, souhaite bien mettre en place et développer des relations économiques avec l'Autorité palestinienne, mais sans aller jusqu'à aborder les questions politiques. Pour lui, il n'est et ne peut être question de permettre aux Palestiniens de créer leur Etat.

Soutenu à ce propos par l'extrémiste Lieberman, Netanyahou risque donc, par des attitudes aussi intransigeantes et en totale opposition avec les attentes de la communauté internationale, de mettre le feu aux poudres, et de provoquer en Israël même des réactions violentes et incontrôlables. N'est-ce pas, en effet, renier la parole donnée, il y a déjà de longues années, au Protocole de Stockholm, que de revenir sur un engagement signé à Camp David, en présence et sous le contrôle du président américain lui-même ?

La réaction immédiate de l'extrémiste Lieberman, fraîchement nommé aux Affaires étrangères, ne laisse plus planer de doute. Pour lui, Israël n'est tenu par aucun accord, puisqu'il a déclaré, hier, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs entre Tzipi Livni et lui : "Il n'y a qu'un seul document qui nous lie et ce n'est pas la conférence d'Annapolis (...) seulement la Feuille de route", avant d'ajouter : "Le gouvernement israélien et la Knesset n'ont jamais adopté Annapolis".

De tels propos tranchent nettement donc avec ceux qui avaient résonné longtemps dans les arènes internationales, où Israël et l'Autorité palestinienne s'étaient retrouvés pour des négociations. Ils donnent même à Tzipi Livni l'occasion de se justifier "Ce discours prouve combien j'ai eu raison de ne pas entrer dans la coalition", a-t-elle déclaré.

Le chef de l'Etat, Shimon Péres, et l'ancien Premier ministre, Ehud Olmert, ont tenté, bien sûr, de ramener le calme dans ce nouveau cabinet, en l'exhortant à accepter le principe d'un Etat palestinien au côté d'Israël.

Du G20 à Londres, l'assemblée des pays riches et émergents a aussitôt répliqué au nouveau ministre israélien, Lieberman. Pour Obama : "Une solution à deux Etats, avec des Israéliens et des Palestiniens qui vivent côte à côte dans la paix et la sécurité, sert nos intérêts et ceux de la région", a-t-il dit. Cela dit, tout se résume donc, pour les Américains, à une question d'intérêts : le mot est lâché.

Mahmoud Abbas a déclaré, à son tour, à l'agence palestinienne Wafa : "Netanyahou n'a pas accepté la solution des deux Etats ou les accords déjà signés et ne veut pas arrêter la colonisation. C'est évident". "Nous devons dire au monde que cet homme ne croit pas à la paix. Il faut mettre la balle dans le camp du monde entier pour qu'il fasse pression sur lui".

Netanyahou a reçu le premier choc, hier jeudi, avec la visite de l'émissaire américain, George Mitchell, venu claironner que « Les États-Unis soutiennent l'idée de deux États avec un État palestinien vivant en paix au côté d'Israël ».

Les tergiversations du cabinet israélien, qui se nourrit de l'extrémisme prôné par Lieberman, doivent à présent prendre fin ou exposer Tel Aviv à de sérieuses complications avec Washington.

Obama a, en effet, déjà témoigné son rejet de la nouvelle vision politique d'Israël qui refuse la création d'un Etat palestinien à son côté.

Netanyahou, qui partage apparemment la position de son allié Lieberman, tente, en attendant, de louvoyer pour gagner du temps. Il a même fait dire par Israël Katz, le ministre des Transports, que « Le gouvernement a besoin de temps pour présenter une nouvelle approche diplomatique qui tienne compte avant tout de la sécurité d'Israël. » Il s'en tient d'ailleurs toujours à l'amélioration des relations économiques avec Mahmoud Abbas, tout en s'interdisant d'aborder avec lui l'aspect politique.

Seulement, voilà, le problème plus grave que pose l'Iran a besoin, pour être résolu, du concours plein et entier de Washington. Car, sans les USA, Israël, qui caresse de longue date déjà le projet de détruire les installations nucléaires de Téhéran, ne peut y parvenir seul. Et par son entêtement a s'éloigner du plan de paix laborieusement négocié à Oslo puis à Annapolis, c'est toute la communauté internationale qui risque aussi de lui tourner le dos.