Un article publié dans Bakchich.info mérite d'être intégralement repris ici. Il donne toute la mesure des déviances islamistes qui secouent le monde arabe, d'Est en Ouest.
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Les télécoranistes, des amis qui vous veulent du bien…
Alors que les autorités égyptiennes traquent les auteurs de l’attentat du 22 février qui a coûté la vie à une jeune française, les prédicateurs coraniques font fureur sur les écrans de télévision. Un signe de plus de l’islamisation profonde de la société égyptienne.
« Vous êtes en perte de confiance en vous, peur de ne pas être en harmonie avec l’Islam, de ne pas être à la hauteur de satisfaire le créateur ? Vous avez envie de vous sentir en conformité avec votre religion, dans votre vie ? Rendez-vous ce soir avec celui qui a toutes les réponses coraniques à vos questions… » Chaque jour, les pages des quotidiens égyptiens sont noircies par des espaces publicitaires d’un genre particulier : les nouveaux prêcheurs qui fleurissent sur les télévisions du pays, internet ou dans les radios. Des hommes et des femmes qui vendent le bien être musulman à des brebis égarées, du savoir faire islamique à des femmes ou à des chefs d’entreprises, qui n’ont pas la connaissance coranique mais les comptes bancaires pleins de liasses.
Leurs livres se vendent comme des petits pains, dans les rues, les librairies ou les salons islamiques et leurs conseils s’arrachent à prix d’or, dans une société gagnée par la folie du développement personnel et l’obsession de vivre selon les vertus de l’islam.
500 euros le coaching islamique
Les tarifs pratiqués ? 500 euros la consultation privée pour un chef d’entreprise qui ne connaît pas la marche à suivre pour mener ses juteuses affaires sans faire entorse à l’islam. Un peu moins pour une femme au foyer qui cherche un manuel pratique pour plaire à son mari, où qui s’interroge si elle peut, d’un point de vue religieux, s’arroger le droit de laisser libre cours à ses fantasmes.
10 à 20 000 euros pour les télévisions qui souhaitent transformer les stars en prêcheurs sur le petit écran et environ 10 euros par mois pour qui veut prendre un abonnement à un site Internet spécialisé dans les conseils islamiques. Un marché juteux, lucratif, qui attise les convoitises, toutes personnalités confondues de la société égyptienne. Anciens professeurs d’université en quête d’une rémunération engageante, ex-acteurs de cinéma qui veulent se refaire peau neuve et pieuse dans un monde où le grand écran est synonyme d’ignominie, ex-chanteuses repenties, ancien animateur de télévision, ils se sont convertis dans le coaching islamique qui représente pour beaucoup la ruée vers l’Ouest, un moyen de s’enrichir.
Une hot line religieuse
Chérif Abd El Magid est l’un d’eux. Look moderne et décontracté, costume Armani, gourmette en or et sourire de star, sur le modèle des télévangélistes américains. Cet économiste, français et anglais châtiés, qui a étudié dans l’une des plus grandes universités américaines, est à la tête de Hatef El islam, une hot Line téléphonique où les musulmans peuvent demander conseil à un religieux à propos de n’importe quel problème personnel.
S’ils ont le droit de se masturber quand on est musulman, de se payer un ébat sexuel pendant les périodes menstruelles, ou de pratiquer des relations sexuelles par voie anale. 50000 questions, par jour environ, toute nature confondue, sont enregistrées sur un répondeur téléphonique et transmises à des imams qui piochent dans les caisses à outils du Coran pour apporter leur réponse, 48 heures plus tard. Coût de ce savoir faire : 20 centimes d’euro l’appel - à raison de deux appels obligatoires de plusieurs minutes, l’un pour poser la question, l’autre pour recevoir la réponse - encore plus pour les appels provenant de l’étranger, notamment d’ [1] et d’Europe.
Avec ces chiffres-là, le patron ne connaît pas la crise : 20 000 euros par mois de rémunération, une dizaine d’employés, plusieurs voitures flambant neuf et d’innombrables appartements dans les quartiers les plus huppés du Caire. Une opulence qui se coince au travers de la gorge de certains Oulamas musulmans qui dénoncent ces islamistes du commerce, qui surfent sur les terreaux fertiles de l’angoisse d’une population en quête de repères religieux pour évoluer dans la société. « Ce sont des hommes sans foi qui ont transformé l’Islam en un fond de commerce, acte interdit par la loi divine ». Chérif s’en défend : « beaucoup de musulmans ne connaissent pas vraiment leur religion et ont besoin d’aide pour se dynamiser et mieux évoluer dans notre société, nous ne faisons que leur donner le petit coup de pousse qui leur permette de surfer comme un poisson dans l’eau. Et c’est donc normal que les imams soient rémunérés. Le prophète a été lui-même un grand commerçant ».
Aux racines du télécoranimse, l’islamisme
Le vent en poupe, Chérif est un affairiste qui a la couleur des dollars dans l’artère fémorale. Mais la vente de la prose religieuse ne concerne pas seulement le monde du business. Elle se concentre surtout dans des secteurs idéologiques dangereux. Comme le confirme Wael Lotfi, journaliste à Ghazal Toucef, l’un des grands magazines de la capitale égyptienne, qui a mené une enquête de longue haleine sur ces prédicateurs new look. D’après lui, tout remonte à la fin des années 80, quand le mouvement islamiste, qui venait d’assassiner le président Saddate - accusé d’être un peu trop « ami » d’Israël -, s’est heurté à la répression de l’Etat. « Le mouvement s’est retrouve affaibli, et avait alors besoin de se réorganiser ». En clair, les fers de lance de cette nouvelle folie islamisante se sont recrutés à cette époque, dans les réseaux tentaculaires de l’islamisme radical. Ils ont troqué leur chapelet, rasé leur barbe, mis au rencard leur langage violent et ont réapparu à l’orée de la décennie suivante, apparence poudrée d’or, vocabulaire mâtiné de New âge, pour proposer à prix d’or leur Islam – rigoriste - dans une société qui redécouvre les vertus de la religion.
Le premier en date ? Une star locale, Amr Khaled, un obscur comptable proche des frères musulmans, passé de l’ombre à la lumière des projecteurs. Il est aujourd’hui l’un des prédicateurs les plus prisé du pays, un animateur coranique qui a plusieurs cordes à son arc : sites Internet, édition de guide pratique et de DVD, organisation de séminaires théoriques sur la pratique religieuse et une escouade d’émissions coraniques sur les chaînes numériques arabes, parmi les shows les plus courus du pays. Une success story due à son ingéniosité et ses indéniables talents d’orateur : des monologues ponctués par de généreuses plaisanteries, un vocabulaire populaire imagé qu’il manie comme son chapelet et un phrasé tantôt torrentiel tantôt haché par le silence. Rien n’est laissé au hasard, même dans la façon de s’asseoir ou de croiser les jambes. Arrêt sur image.
La voix du coeur fait un carton
Heure de grande écoute. « Voix du Cœur » : émission religieuse de la télévision égyptienne. Voilà Amr Khaled, petite moustache fournie et costume-cravate qui lui donne d’avantage l’air d’un Illuminé que d’un islamiste, la langue aussi dure que l’or quand il harangue sur l’affaire des caricatures du prophète Mohammed. « L’affaire de la honte », dit-il, d’emblée. Non, il ne dénonce pas « le mal venu de l’occident », il préfère ironiser : « les occidentaux jurent par la liberté d’expression avant de penser à leur enfants. Il ne faut donc pas leur tenir rigueur ».
Une Amrmania s’empare de la salle : une femme se lève et pousse une prière, une autre s’agenouille et remercie Dieu de l’avoir conduite sur le chemin de la raison. Et ne perdant pas de vue son objectif, l’orateur va profiter de l’élan fiévreux qui s’empare de l’assistance pour propulser les musulmans à ne vivre que pour l’islam : « Le musulman reste en droit de défendre son prophète en toute circonstances, et la meilleure façon de le faire serait de pas se sentir atteint par ces basses attaques. Soyez des musulmans, soyez de bonnes musulmanes, de bonnes égyptiennes. Portez le voile, initiez vos enfants dès leur jeunes âge au respect et à la pratique religieuse et Dieu ».
Son modus operandi est simple. C’est celui de la plupart des prédicateurs qui, telles des sangsues, se collent dans les peaux en mal de bien être islamique, pour s’infiltrer dans les consciences et se greffer les dogmes islamiques sur les neurones, avant de tirer au passage de coquettes sommes d’argent.
C’est donc logiquement qu’il est devenu la magnat du prêche, un demi-Dieu dans la société égyptienne et un homme un peu trop dérangeant pour les autorités qui l’ont invité, en 2003, à quitter le pays vers l’Angleterre, de peur de le voir se « relooker » en homme politique. Mais loin de l’abattre, son exil forcé n’a fait que rehausser son image et fermenter sa popularité. Dans les rues encrassées du Caire, on parle de lui comme d’un Messie injustement supplicié . « C’est un homme bon », s’écrie Farida, une jeune et élégante jeune fille égyptienne de 20 ans, cadette d’un ancien haut fonctionnaire et d’une prof d’université, qui s’attache à ces guides de la remise en forme islamique comme au voile imprimé sur sa tête. « Ce sont des gens sages, qui me montrent le nord que je suis déboussolée, dit-elle. Des gens qui me rendent légère et en harmonie avec ma religion ».